Lisez "Qu'est-ce que la démocratie directe ?"
«On objectera ici le procès et la mort, en 399, de Socrate, saint martyr de la philosophie ; mais il s’agit de la seule et unique fois où les Athéniens durent faire une telle entorse au principe qu’ils chérissaient, et cette exception confirme la règle plutôt qu’elle ne l’infirme : car Socrate, loin d’avoir été l’inoffensif illuminé divaguant dans les nuages dont s’était moqué le trop naïf Aristophane, avait été le principal inspirateur et théoricien — pour ne pas dire le grand maître occulte — des révolutions oligarchiques de la fin du Ve siècle, ce que les Athéniens furent bien obligés d’admettre en 404, quand ils virent son disciple Critias, à la tête des Trente Tyrans, se comporter en bourreau froid et méthodique, jusqu’au sein de l’oligarchie elle-même (faisant exécuter Théramène, qui avait pourtant toujours servi de marionnette “modérée” aux conjurés, dès lors que celui-ci fit savoir qu’il ne serait plus solidaire de leurs pires infamies). Il y avait manifestement quelque chose de pourri dans l’enseignement de Socrate, qui détermina les Athéniens à l’empêcher de nuire davantage : c’est pourquoi sa condamnation à mort s’inscrit dans ce train de sages mesures qui caractérisa la restauration démocratique. L’activité de Socrate mettait en danger la liberté en général, et la liberté d’expression en particulier ; a contrario Platon, son disciple fanatique qui s’acharna, avec le succès que l’on sait, à sauver la pensée et la réputation de son maître, ne fut jamais inquiété, parce qu’il ne tirait pas d’obscures ficelles pour imposer ses rêveries totalitaires, mais avait accepté, en les développant par écrit, d’en soumettre la réalisation au jugement du public. Bien entendu, jamais, nulle part, la masse du peuple n’a librement choisi de subir la dictature des Gardiens de l’Idéal.»
(Pages 38-39.)
Lisez «Qu’est-ce que la démocratie directe ?» de Fabrice Wolff
(Manifeste pour une comédie historique)
aux Éditions Antisociales, avril 2010.