222 22 22
Dans Maos, le romancier Morgan Sportès, «sans doute mieux instruit que tant d’autres sur les affaires du temps», campe la figure de 222 22 22, le grand marionnettiste d’une société secrète, veillant au développement harmonieux du capitalisme mondialisé.
Parmi les tâches de cette organisation, l’infiltration, la manipulation et la neutralisation des milieux contestataires, aussi bien dans le domaine de la culture que de la politique, tiennent une place primordiale. D’«une poignée d’anarcho-situs», il affirme que lui et les membres de son «internationale» attendent «la mort pour les empailler eux aussi, les momifier». On sait comment ce programme d’hygiène sociale a été conduit jusqu’à maintenant. La debordologie universitaire et la muséographie sont l’alpha et l’oméga de ce processus de récupération, dont l’acquisition par la Bibliothèque nationale de France des archives de Guy Debord constitue le couronnement. Il faut noter que les journalistes qui ont glosé sur cet évènement se sont gardés de faire un rapprochement, beau comme la rencontre fortuite sur une table à dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie, entre deux données pourtant publiques.
Rappelons donc ici que le principal responsable de cette momification, Bruno Racine, n’est pas seulement le président de la BNF, mais aussi celui du conseil d’administration de la Fondation pour la recherche stratégique. À ce titre, ce personnage a récemment participé au Groupe des experts participant à l’élaboration du nouveau concept stratégique de l’OTAN. Voilà comment, au cours d’ un dîner de fonds, ont été célébrées les noces de l’industrie de l’armement (représentée par un «richissime marchand d’armes» et le «cogérant du groupe Lagardère») et de la critique sociale. Le tout sous les auspices d’une sorte d’agent d’influence, placé à un poste stratégique du Kulturkampf, conduit par ceux que 222 22 22 appelle «les petits timoniers» au service des «mécanismes mêmes du Capital».
Jules Bonnot de la Bande, 15 juin 2010.
Interview du romancier Morgan Sportès
pour Ils ont tué Pierre Overney (Grasset)