Retraites : Manif parisienne jusqu'au Medef
«… une poignée de manifestants violents brandissaient des drapeaux noirs de la Confédération nationale du travail (CNT)…»
Leur presse (AFP), 23 septembre 2010.
(…) 17h : Après quelques kilomètres, on arrive au point de dispersion de la manif unitaire : Denfert-Rochereau. Mais (…) on a déposé un parcours plus long et hautement symbolique : on veut aller jusqu’au Medef. Les flics laissent passer la CNT, mais bloquent tous ceux qui veulent nous suivre (…) on les oblige à retirer leur dispositif.
Finalement, on se retrouve à 8000 ou 10'000 jusqu’à Montparnasse ; nous sommes rejoints par des militants de Sud, de la CGT, du NPA, des JC, des Panthères roses, etc. (…) On perd une partie des gens en route, vers Montparnasse, car le parcours devient vraiment long (quelque 8 kilomètres en tout).
18h30 : Arrivée devant le siège du Medef, dans le quartier des ministères. On est encore environ 4000, on gueule nos slogans : «Prenons sur les profits pour payer les retraites. De l’argent, il y en a dans les caisses du patronat.» Les flics dispersent les quelques énervés qui jettent des canettes ; bref, un peu de gaz lacrymo, mais rien de bien méchant. On appelle gentiment à la dispersion (…)
Courriel, 23 septembre.
«Ce qui était passablement ridicule, c’était les embrouilles CNT/quelques totos à la fin. C’est VRAIMENT pas le moment de s’embrouiller entre nous devant les flics qui se marraient comme des baleines.»
Arak - Forum Classe contre classe, 25 septembre.
Bonjour à tous,
Ma remarque concerne la dernière partie de ce courriel ; j’ai assisté hier à la fin de la manifestation censée se terminer au Medef. L’accès nous en était interdit par des camions de flics auxquels des grilles étaient fixées ; des bleus casqués en boucliers dans les interstices, des dizaines de civils énervés et parfois bien camouflés dans la foule, des caméras brandies de la main de keufs, journaflics, bloggeurs, camarades (toute distinction était alors devenue impossible) à tel point qu’il ne doit pas avoir un seul centimètre carré de cette rue qui n’ait pas été filmé.
Entre les flics et le cortège (composé à ce moment-là non pas de 4000 personnes comme l’indique le camarade, mais plutôt de la moitié, estimation haute) un no man’s land d’une vingtaine de mètres où sont disposées des barrières grises en métal.
Excusez ces précisions, mais je pense qu’il est bon de planter le décor.
On arrive devant les keufs et la tension est palpable. Beaucoup de gens ont envie d’en découdre avec les porcs, on voit des gens se masquer ; certains commencent à bousculer les barrières pour se rapprocher des bleus. La camionnette de la CNT qui nous a balancé des slogans et de la musique pendant tout le trajet s’arrête. Un des pontes de ce syndicat prend le micro ; c’est un habitué du micro comme l’ont sûrement remarqué les gens qui viennent souvent à ce genre de rassemblement.
Il nous dit que la manif s’est bien passée, que les flics nous bloquent la route et qu’il faut mieux rentrer chez nous, en groupe, en faisant attention aux contrôles, et que le quartier grouille de civils. Précautions d’usage qu’il est agréable et sans doute utile d’entendre à ce moment. L’invitation à rentrer chez nous est réitérée plusieurs fois, la banderole est pliée et la camionnette fait marche arrière à l’image d’une partie des manifestants. Mais un bon paquet reste et s’échauffe. Un groupe d’une vingtaine de civils est dégagé dans une rue adjacente sous les doigts d’honneur, les insultes et les cannettes.
C’est à ce moment-là qu’une rupture s’opère entre les membres aux gants de cuir de la CNT et les «énervés» (dixit le camarade). Plusieurs personnes sont déçues et le disent et gueulent leur envie de continuer, de pas se laisser démonter par ces dizaines de bleus (facilement démontables) ; finalement, ils interpellent les costauds de la CNT dont les gants de cuir ont quitté la poche arrière. Ils sont maintenant au bout de leurs bras musclés.
Comme les plus méprisables miliciens cégétistes, certains se jettent sur un type qui leur hurle son mépris. Une grosse baffe par ci, un coup de pression à un mec bourré mais sacrément énervé qui veut bouffer du condé et qui ne fait que renverser des poubelles. À chaque fois, les gros bras se déplacent en groupe… Instaurant une distinction claire entre «nous» et «eux». Devant les boucliers des keufs, sous l’œil bovin des condés en civils, voilà que des anars redonnent au terme de service d’ordre son sens premier : celui de faire règner l’ordre. Lequel ? Celui dicté par le type au micro quelques minutes plus tôt.
Génés, déçus, énervés ou attérés, les gens n’ont plus l’énergie de s’approprier la rue et de foutre une rouste bien méritée à la flicaille. Difficile de lutter sur deux fronts, les manifestants les plus «énervés» comme l’écrit plus haut le camarade doivent se résigner et rentrer chez eux. Résonne encore dans leur tête les derniers mots du type au micro : «la prochaine fois ! demain rendez-vous à 13 heures devant le Sénat !»
Pour se donner un nouveau rendez-vous ?
Bien à vous
Nestor - 24 septembre.
Ce genre de commentaires malveillant laisse rêveur, parce que ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Arrivé à quelque distance du MEDEF, effectivement, l’avenue est barrée par des camions de flics équipés de grillages, devant lesquels ont été placées des barrières. La CNT, qui a déposé la manifestation, annonce que celle-ci est terminée, et, en temps qu’organisation syndicale, demande de replier drapeaux et banderoles et fait reculer sa camionnette. Une petite centaine d’autonomes commence alors à balancer les barrières et des canettes de bière sur les flics et charge même un groupe de civils dans une rue adjacente. À aucun moment, la CNT n’intervient. Seulement, en marge du cortège, un allumé, visiblement bourré ou camé jusqu’aux yeux, commence à renverser des poubelles. Cet acte hautement révolutionnaire énerve non seulement les employés d’un restaurant qui nous engueulent en disant que ce sont eux qui vont devoir les ramasser, mais certains d’entre nous qui se demandent qui est cet énergumène : un simple d’esprit ou un flic qui tente la provocation pour pouvoir ensuite faire embarquer des gens ? En tout cas, sans aucune violence, nous tentons de calmer les employés du restaurant, nous relevons les poubelles et demandons au gusse d’aller s’exciter plus loin. L’œil allumé, éructant des insultes, le farouche ennemi des poubelles se rue sur certains d’entre nous, menaçant. Des camarades s’interposent, sans porter la main sur lui, en lui disant, plutôt gentiment (eh oui) que ça ne sert à rien de s’exciter comme ça, que s’il a vraiment envie d’en découdre, qu’il aille rejoindre ses petits copains totos pour faire le coup de poing.
Rien de plus, rien de moins. À aucun moment, ni les manifestants de la CNT ni son service d’ordre n’ont joué les auxilliaires des flics ni tenté d’empêcher qui que ce soit d’aller à l’affrontement. Simplement, nous n’étions pas venus pour en découdre, nous avions déposé un parcours de manifestation et nous nous devions, vis à vis de nos adhérents, souvent venus en famille, parfois avec poussettes, les mains dans les poches, de les protéger d’une éventuelle charge de flics. Alors comparer les militants cénétistes avec les flics des syndicats institutionnels comme ceux qu’on a vu opérer à Bruxelles, c’est tout simplement de la mauvaise foi. Nous n’empêchons personne d’aller faire le coup de poing ou de se faire bastonner pour un pas un rond si ça leur chante, mais à ce moment-là, encore une fois, nous n’étions pas venus pour ça.
Loup des steppes - 5 octobre
Penser qu’il aurait été possible d’inverser le rapport de forces avec les flics, c’est plus qu’une erreur d’appréciation, c’est tout simplement aberrant.
C’est par la grève générale qu’on aura peut-être une petite possibilité de ne pas perdre, le reste n’est que littérature.
Longue vie aux syndicats de transformation sociale et aux sections de base en lutte dans les grosses confédérations.
Nico - 6 octobre.