Les maoïstes contre le Jura Libertaire (suite)

Publié le par la Rédaction


Le maoïsme travaille. Et les maoïstes de «Contre-Informations» en ont décidément après le Jura Libertaire. Les voilà même décidés à en faire la trame d’un feuilleton de l'été, à en juger par leur article du 1er août, qui en constitue déjà le cinquième épisode en date. À l’issue de cette époustouflante saga idéologique, seul le prolétariat en actes pourra nous dire si les glorieux faits d’armes de la Longue Marche et du Grand Bond en avant réunis ne risquent pas de se voir ravalés au rang d’une anecdotique partie de billes dans l’histoire des révolutions.

Le fond de leur querelle, révélée par leur courriel du 18 juillet, n’est autre que d’assimiler les anarchistes au fascisme. «Qui se ressemble s’assemble !» nous écrivaient-ils en effet alors (cf. Jean-Claude Michéa et le Jura Libertaire vus par des maoïstes). Cette campagne anti-anarchiste se base sur un entretien avec Jean-Claude Michéa, paru  d’abord en mai 2009 dans la 31e livraison du bulletin de critique bibliographique À contretemps, et repris par nos soins.


Le 5 juillet 2009, sous le titre La figure française du «rebelle», «Contre-Informations» désinforme et provoque en ces termes : «Michéa est un intellectuel bourgeois (agrégé de philo) qui, issu d’une famille communiste, est totalement passé à côté de mai-juin 1968 et dans le prolongement de sa culture P "C" F révisionniste, combat ardemment la prétendue décadence culturelle du peuple. Bref, un intellectuel bourgeois français de plus expliquant que le peuple est de plus en plus idiot, sans culture, qu’avant c’était différent, que le libéralisme serait une sorte de totalitarisme, etc. Une figure de ces nouveaux réactionnaires qui se parent d’un masque de gauche, comme Alain Soral notamment.»

Il n
y a rien à répondre à ces mensonges, sinon en renvoyant à ce que dit Jean-Claude Michéa lui-même :

«(…) depuis 1964, date de mon premier séjour en URSS, j’avais effectué de nombreux pèlerinages dans les pays du bloc soviétique. C’est la découverte du "socialisme réellement existant", davantage que toute autre considération, qui m’a progressivement amené à comprendre la nature du stalinisme et à remettre en question la vision du monde dans laquelle j’avais été élevé. (…) ces rencontres imprévues avec des travailleurs ordinaires m’ont permis de découvrir ce qu’était leur vie réelle ainsi que la véritable nature de classe du pouvoir soviétique. À moins d’être volontairement aveugle, c’est-à-dire à moins d’être un croyant, il arrive toujours un moment où l’on doit ouvrir les yeux.»
«(…) Marx lui-même, à la différence d’un Lénine, n’avait rien d’un idéologue. C’était un esprit libre, qui se souciait d’abord de savoir si une idée était vraie ou fausse et non si elle était politiquement correcte. Son grand malheur, comme Nietzsche, c’est d’avoir eu des disciples. On sait qu’à la fin de sa vie il avait l’habitude de déclarer : "Moi, je ne sais qu’une chose, c’est que je ne suis pas marxiste." La malédiction de Marx, c’est l’existence du marxisme, ou, plus exactement, celle du "marxisme-léninisme".»
«Je me définirais, pour commencer, comme un "socialiste", au sens que ce mot avait au début du XIXe siècle, dans les écrits de Pierre Leroux ou du jeune Engels (avant qu’il ne soit contaminé par la téléologie progressiste de Marx). En d’autres termes, je demeure fidèle au principe d’une société sans classe, fondée sur les valeurs traditionnelles de l’esprit du don et de l’entraide. (…) Je me définirais ensuite — ce n’est naturellement pas incompatible — comme un démocrate radical, c’est-à-dire comme quelqu’un qui pense que la démocratie ne saurait être réduite aux seuls principes du gouvernement représentatif. (…) Cependant, même si on parvenait à mettre en place des institutions réellement démocratiques (ce qui exigerait, au passage, que le contrôle des puissances d’argent sur le monde des médias soit aboli), il resterait encore un certain nombre de problèmes non résolus. C’est ici qu’entre en jeu ce que j’appelle la dimension proprement anarchiste du problème, en prenant le mot "anarchisme" au sens que lui donnait Orwell. (…) cette question (…) commande tout le reste. C’est même souvent parce qu’on oublie de la poser ou — ce qui est plus grave — parce qu’on s’y refuse, que la plupart des révolutions finissent habituellement par être détruites de l’intérieur ou détournées de leurs objectifs initiaux. C’est en tout cas la thèse qu’Orwell voulait défendre en écrivant La Ferme des animaux. (…) au début du roman, une révolution unanime chasse l’exploiteur Mr Jones. Aussitôt libérés, les animaux décident donc, dans l’enthousiasme général, d’édifier une ferme socialiste modèle. Le problème c’est que certains de ces animaux — ils sont symbolisés, dans le livre, par des cochons — ne sont pas vraiment prêts à vivre dans une société "libre, égalitaire et décente" (selon la définition orwellienne du socialisme) ; et cela parce qu’il leur est tout simplement psychologiquement impossible de s’adapter à un monde dans lequel ils ne pourraient pas contrôler la vie des autres, décider à leur place ou être au centre de toutes les attentions. Ce sont donc naturellement ces cochons qui vont élaborer l’idée selon laquelle, "si tous les animaux sont égaux, certains sont plus égaux que d’autres" (…). À partir de ce moment, conclut Orwell, le destin de la révolution est scellé : rien ne pourra plus empêcher la domination de classe de se reformer, même si c’est sous des formes historiquement inédites. À travers ce conte politique, on voit clairement que, pour Orwell, cette question du désir de pouvoir concerne d’abord les militants révolutionnaires eux-mêmes.»
«(…) il y a déjà très longtemps que le dressage capitaliste des classes populaires ne repose plus, prioritairement, sur l’action de la police ou de l’armée (sinon pourquoi la droite aurait-elle pris la peine de supprimer le service militaire ?). De nos jours, il devrait, au contraire, être évident aux yeux de tous que la production massive de l’aliénation trouve désormais sa source et ses points d’appui principaux dans la guerre totale que les industries combinées du divertissement, de la publicité et du mensonge médiatique livrent quotidiennement à l’intelligence humaine. Et les capacités de ces industries à contrôler le "temps de cerveau humain disponible" sont, à l’évidence, autrement plus redoutables que celles du policier, du prêtre ou de l’adjudant qui semblent tellement impressionner la nouvelle extrême gauche. Critiquer le rôle de l’État libéral contemporain sans mesurer à quel point le centre de gravité du système capitaliste s’est déplacé depuis longtemps vers les dynamiques du marché lui-même, représente par conséquent une erreur de diagnostic capitale. (…) l’assujettissement des individus au système libéral doit, à présent, beaucoup moins à l’ardeur répressive du policier ou du contremaître qu’à la dynamique autonome du spectacle lui-même — c’est-à-dire, pour reprendre la définition de Debord, du capital parvenu "à un tel degré d’accumulation qu’il est devenu image".»
«(…) les courants de "Mai 68" qui ont fini par l’emporter sur le plan politique et culturel — ce sont naturellement ceux qui exprimaient, d’une manière ou d’une autre, la nouvelle culture de consommation — ne sauraient en aucun cas être confondus avec ceux qui s’étaient organisés, depuis la fin des années 50, sur la base d’une critique intransigeante de la société du spectacle et du nouvel esprit du capitalisme.»

À lire ces lignes, on voit précisément quel est le «genre de sinistre individu» qu’«ose mettre en avant» le Jura Libertaire, au grand dam des policiers de la pensée MLM.

Tirant prétexte d’un copié-collé récupérant l’entretien en question sur le site du fasciste Soral — ce qui suffit à en faire selon eux «une référence intellectuelle à l’extrême droite» — pour revenir Encore une fois sur Michéa, les curés de «Contre-Informations» espèrent nous ramener «à la réalité» de 2009.

La réalité de Soral, le Jura Libertaire a déjà pu être amené à la dire. Céline du pauvre, cet intellectuel qui officie tant bien que mal à détourner la critique sociale est somme toute fidèle à la longue vocation des agents du fascisme (on pourra lire à ce propos l’étude de Michel Bounan sur lArt de Céline et son temps, parue en 1997 aux Éditions Allia). L’insignifiant Soral dit lui-même sur son site : «1994-1996 (…) Lecture approfondie de Marx, Lukacs, Wallon, Goldmann et Clouscard», ce qu’oublient opportunément les enfants de cœur de «Contre-Informations» quand ils déclinent la lignée de leurs Évangélistes : «l’extrême-droite ne peut pas reprendre Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong».


Les 19 et 20 juillet vinrent les deuxième (Quand des anarchistes soutiennent la «révolte contre le monde moderne») et troisième (Michéa et le «Jura Libertaire» contre mai 1968) volets de l’épopée anti-Jura Libertaire du PCMLM. Les calomnies maoïstes envers Michéa, lecteur d’Orwell et des situationnistes, nous ont naturellement amené à parler d’Orwell, des fascistes et des staliniens de son époque ; ainsi que des situationnistes, et des maoïstes de leur temps. Rétablir la réalité historique de deux moments révolutionnaires, et des deux camps dans lesquels ont combattu leurs protagonistes, c’est rappeler d’où vient la haine de «Contre-Informations» envers la vérité ; ce que «Contre-Informations» appelle «rejeter la critique». Quelle critique ? Le premier lecteur honnête sent bien que ces pauvres arguties idéologiques s’écroulent d’elles-mêmes, quand les armes ne sont pas là pour les soutenir.


Les maos, cest fragno !

Bien que nous soyons en passe de battre une sorte de record peu commun, le Jura Libertaire ne détient évidemment pas le monopole des attaques de la part de «Contre-Informations». Dans leur texte Comité invisible : Yildune Lévy, «l’aspect subversif de l’épicerie», ces zombies dénonçaient  dès le 22 juin «l’idéologie anti-communiste, élitiste, contre-révolutionnaire et fascisante du Comité invisible». Ainsi ils voient des fascistes partout, et d’abord chez les «anarchistes», ou assimilés.

On ne s’étonnera pas que des staliniens viennent chercher des poux dans la tête à des camarades victimes de la répression d’État. Cela montre bien quels flics ils sont. Leur «science MLM» leur fait profession de juger jusqu’à celles et ceux que le pouvoir jette en taule. Nous estimons pour notre part que ce n’est pas aux révolutionnaires de cracher sur la stratégie de défense choisie par des camarades; a fortiori quand un entretien ridiculisant la Justice et le gouvernement commande l’élargissement précipité du dernier des «Neuf de Tarnac», et que s’offre l’occasion de pousser l’avantage, serait-ce avec les armes de l’ennemi, «dans un grand quotidien bourgeois» donc.

Comme on l’a vu plus haut, le principal aspect de la sophistique déployée par le site «Contre-Informations» est de mentir, simplement en faisant dire à ses cibles le contraire de ce qu’elles disent ; en affirmant le contraire de ce qui est. C’est par ce simple exercice de novlangue qu’«autonomes» et «anarchistes» se voient transfigurés en fascistes.

«Contre-Informations» : «Le texte d’Yldune Lévy prouve bien que la petite-bourgeoisie continue de vivre dans l’illusion d’une société capitaliste garantissant la "liberté" et s’étonne quand une restriction les frappe personnellement.»Yildune Lévy : «Ladite "affaire de Tarnac", l’actuelle chasse à l’autonome ne méritent pas que l’on s’y attarde, sinon comme machine de vision. On s’indigne, en règle générale, de ce que l’on ne veut pas voir. Mais ici pas plus qu’ailleurs il n’y a lieu de s’indigner. Car c’est la logique d’un monde qui s’y révèle. À cette lumière, l’état de séparation scrupuleuse qui règne de nos jours, où le voisin ignore le voisin, où le collègue se défie du collègue, où chacun est affairé à tromper l’autre, à s’en croire le vainqueur, où nous échappe tant l’origine de ce que nous mangeons, que la fonction des faussetés, dont les médias pourvoient la conversation du jour, n’est pas le résultat d’une obscure décadence, mais l’objet d’une police constante. Elle éclaire jusqu’à la rage d’occupation policière dont le pouvoir submerge les quartiers populaires.»
«Contre-Informations» : «(…) le communisme, le Comité invisible ne veut pas en entendre parler. (…) Pour le Comité invisible, il n’y a pas besoin de lutte de classes, de révolution, de guerre populaire antifasciste, de communisme.»L’insurrection qui vient : «C’est le privilège des circonstances radicales que la justesse y mène en bonne logique à la révolution. (…) La commune est l’unité élémentaire de la réalité partisane. Une montée insurrectionnelle n’est peut-être rien d’autre qu’une multiplication de communes, leur liaison et leur articulation. Selon le cours des événements, les communes se fondent dans des entités de plus grande envergure, ou bien encore se fractionnent. Entre une bande de frères et de sœurs liés "à la vie à la mort" et la réunion d’une multiplicité de groupes, de comités, de bandes pour organiser l’approvisionnement et l’autodéfense d’un quartier, voire d’une région en soulèvement, il n’y a qu’une différence d’échelle, elles sont indistinctement des communes.»Julien Coupat : «Ce qu’il y a, c’est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu’il se sent réellement menacé. Le Prince n’a plus d’autre soutien que la peur qu’il inspire quand sa vue n’excite plus dans le peuple que la haine et le mépris. Ce qu’il y a, c’est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique : soit nous passons d’un paradigme de gouvernement à un paradigme de l’habiter au prix d’une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s’instaurer, à l’échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d’une gestion "décomplexée", une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s’est jamais vu qu’une classe dominante se suicide de bon cœur.»

Telle est la dérisoire bureaucratie maoïste qui rêve de prendre la relève du «ramassis d’escrocs, d’imposteurs, d’industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l’heure tient le pays». Mais ce qui échappe à ses messieurs, c’est le mouvement réel qui abolit les conditions existantes.

Le Jura Libertaire, 2 août 2009.


Post-scriptum : Dans le sixième épisode des palpitantes aventures de «Contre-Informations» contre le Jura Libertaire, voilà-t-y pas que les web-maos sont gagnés par la panique :

«Après l’agrégé de philo Michéa utilisé abondamment par l’extrême-droite, on retrouve la figure de Coupat, grand bourgeois utilisant la métaphysique pour fantasmer une insurrection.
Tout cela relève du dandysme à la Nietzsche, de l’élitisme bourgeois, du culte aristocratique de l’esprit "rebelle", du culte des grands hommes.
Tout cela est inquiétant, tout cela révèle non seulement la force de la tendance à la confusion, mais surtout l’influence et le poids que commence à avoir la "révolte contre le monde moderne" prônée par l’extrême-droite.
Chaque jour qui passe témoigne de la profondeur de la putréfaction de la société capitaliste.»


Dignement rivé à sa piteuse taxonomie du monde à l’envers (à en croire ces curés, donner à lire Julien Coupat relèverait du «culte des grands hommes») plutôt que de répondre à l’insulte, «Contre-Informations» s’attache à revendiquer une bribe précieuse de son capital doctrinaire : «Le terme de "camarade" est un terme communiste», chouine-t-il.


C’est une infirmité constitutive du pouvoir que d’ignorer la joie d’avoir des camarades.


3 août.

Publié dans Autodéfense

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A
Ce sont des trolls.
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O
Ils ne veulent surtout rien changer et nous, on représente le changement radical qui les effraye tant.
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U
Je ne sais pas si ceux qui les lises se rendent bien compte à quel point ces gens la ne fond que mentir, ils parlent du comité invisible comme s'ils avaient lu leur texte... mais à voir ce qu'il en dise c'est claire que non! À croirent qu'ils pensent vraiment tout ce qu'ils disent... ah "L'intelligence humaine" ( comme ils aiment tant l'écrire) ne sera rarement tombé aussi bas.
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R
L'orthodoxie c'est toujours meilleur quand c'est réchauffé...
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A
Relents d'idées putrides batties sur des cadavres.
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