Bons baisers de saintAstier

Publié le par la Rédaction

CaveCanem-05.JPGViolences urbaines :
Quand le gendarme se prépare au pire


Rafales de Kalachnikov sur un fourgon de police à La Courneuve, tirs au fusil de chasse contre des policiers à Brest… Comment les forces de l’ordre font-elles face à cette radicalisation ? Réponse au centre d’entraînement de la Gendarmerie, en Dordogne.

«Ils étaient prêts à nous lyncher.» Ce commandant de CRS, qui a servi à Sarajevo, n’avait jamais connu pareil déchaînement de violences. La scène s’est produite lors des émeutes de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), le 26 novembre 2007, après le décès de deux adolescents dans la collision de leur mini-moto avec une voiture de police. Ce soir-là, les six fourgons (36 hommes) de la demi-compagnie de la CRS 43 sont encerclés alors qu’ils pénètrent dans une zone de la cité plongée dans le noir.

36 CRS pris au piège de 300 émeutiers

Autour des policiers, près de 300 émeutiers armés de pistolets à grenaille, de fusils de chasse, de cocktails Molotov, de bombes lacrymogènes, de gros pavés, de barres de fer… Les CRS s’extraient des véhicules. Mais ils n’ont aucune solution de repli. C’est l’affrontement. Vingt-cinq minutes de violences, onze policiers blessés, dont six par armes à feu, et trois fourgons «pulvérisés». Mais aucun mort. Un miracle. Les circonstances exactes de cet épisode sont soigneusement archivées au Centre national d’entraînement des forces de la Gendarmerie (CNEFG), à Saint-Astier (Dordogne). Tous les incidents de ce type y sont répertoriés. Le but est simple : préparer les quelque 17.000 gendarmes mobiles aux nouvelles menaces. Tous les deux ans, à tour de rôle, les 123 escadrons français défilent dans ce petit village du Périgord. Au sein du CNEFG, une petite ville de 28 hectares, avec ses avenues, ses immeubles, places et ruelles, a été reconstituée. C’est ici, au gré d’exercices plus ou moins apocalyptiques, que les connaissances et techniques sont mises à jour. Et l’actualité du moment, c’est clairement l’usage d’armes à feu contre les forces de l’ordre. «L’utilisation de fusils de chasse et de pistolets à grenaille est en train de devenir la norme dans les violences urbaines», reconnaît le lieutenant-colonel Francis Mézières, chef de la division maintien de l’ordre au CNEFG. Mais le militaire relativise aussitôt : «On ne peut pas dire que c’est de pire en pire. Rappelez-vous la violence inouïe des émeutes des bassins sidérurgiques du Nord, dans les années 80, et de Plogoff, en Bretagne !»

1300 grenades tirées en trois jours

Pour les gendarmes, l’usage d’armes à feu n’est «pas une surprise». «On a déjà essuyé des coups de feu au cours d’opérations en Nouvelle-Calédonie, en Guyane, à La Réunion, et dernièrement aux Antilles.» Guadeloupe, fin janvier 2009 : en trois jours, plus de 1200 grenades lacrymogènes tirées, 100 explosives lancées, et plus de dix gendarmes blessés, dont quatre par armes à feu. «En opération de maintien de l’ordre, même quand on nous tirait dessus, nous avons toujours gardé notre sang-froid. Et c’est ainsi depuis plusieurs dizaines d’années», observe l’officier. «C’est une chose à laquelle on nous prépare beaucoup», confirme un gendarme mobile au cours d’un entraînement à Saint-Astier. Premier réflexe enseigné aux stagiaires : se mettre à l’abri. Préparer, dans la foulée, l’interpellation. Difficile, sur le vif. Difficile d’identifier un tireur dans une foule en mouvement, dans la pénombre et dans le vacarme d’une émeute. Le plus souvent, l’interpellation a d’ailleurs lieu à froid, quelques jours plus tard.

Des armes de guerre

À chaud, les gendarmes obéissent à une règle intangible : la riposte «graduée». Même face à un tireur. «On privilégiera toujours l’emploi d’armes non létales, assure le lieutenant-colonel Mézières. Jusqu’à présent, l’usage de grenades explosives (assourdissantes) a toujours suffi…» Les gendarmes peuvent aussi utiliser des grenades lacrymogènes, des balles Bliniz (balles molles, qui s’écrasent à l’impact et provoquent un hématome) ou avoir recours au lanceur de balles de défense (flash-ball amélioré). Une arme classée en catégorie 1, comme les armes de guerre. «Être touché par l’une de ces balles équivaut à recevoir un uppercut de boxer catégorie poids lourd», explique un officier instructeur, spécialiste des armes à feu. Mais les gendarmes redoutent que leurs adversaires passent à l’arme de gros calibre, type Kalachnikov, jusqu’à présent «réservée» à la grande criminalité. Les gendarmes s’y préparent. «Parce que, quand cela va se produire, à 2 heures du matin, nous n’aurons pas la possibilité de sortir le drapeau blanc…» Le dernier recours des gendarmes mobiles : un «tir de neutralisation» effectué par l’un des trois tireurs de précision équipés de fusils Tikka (balles de 5.56 mm) en poste dans chaque escadron. Ou un tir au Famas, le fusil d’assaut de l’armée française.

Leur presse (Hervé Chambonnière, Le Télégramme), 14 juin 2009.

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«Ça camphre chez les moblos !»

Au Centre national d’entraînement de Saint-Astier, les 123 escadrons de gendarmes mobiles du pays suivent tous les deux ans un stage inte[…]

«Ça camphre chez les moblos !» Des pompiers du SDIS 24 de Dordogne sont tombés dans une embuscade et il faut d’urgence sécuriser leur intervention. L’IRISBUS s’ébroue sous la sirène deux tons et la tension monte à l’intérieur du véhicule du deuxième peloton de l’escadron 24/5 de Grenoble. Le chef lance ses consignes, entre rigueur militaire et flamme de l’entraîneur de rugby : «Bon, les boucliers, faudra être solides et soudés. Et les lanceurs, faites-moi des belles trajectoires. Allez les gars, c’est parti !» Au Centre national d’entraînement des forces de la gendarmerie, à Saint-Astier, à une vingtaine de kilomètres de Périgueux, on ne tarde pas à acquérir le jargon local, celui des gendarmes mobiles, les «moblos» donc. Et quand ça camphre, ça chauffe. L’institution, dont on ne soupçonne pas l’humour derrière la mâchoire carrée, affuble le journaliste de la tenue réglementaire de maintien de l’ordre : la carapace de Robocop, agrémentée de l’inénarrable BPPL (bâton de protection à poignée latérale, le tonfa), du lourd casque G2 et de l’indispensable masque à gaz dont on apprend rapidement à apprécier la vertu… D’ailleurs, entre les lunettes de vue et l’opportunité de respirer sans pleurer ni cracher ses tripes, le choix s’impose dare-dare.

«Surtout, tapez-moi sur l’épaule pour signaler votre présence, sinon…», indique un lieutenant d’expérience. Chez ces gens-là, tout est dans le «sinon». On s’empresse de suivre la consigne sous le déluge de faux pavés caoutchouteux et les flammes des bouteilles incendiaires remplies d’essence (à la différence du cocktail Molotov, mélange d’huile et d’essence). Celles-ci s’écrasent à trois mètres des boucliers et le feu se contente de lécher chaleureusement les joues. Lors de ce stage de deux semaines, le but n’est pas de blesser des gendarmes mobiles mais de coller au plus près des scénarios et des conditions d’une intervention de haute intensité. Comme à Strasbourg au sommet de l’OTAN, comme aux Antilles en février.

Au milieu de la fumée suffocante des lacrymogènes, des explosions des grenades F4 (mi-assourdissantes, mi-lacrymos invisibles) et des grenades offensives, on colle au jugé à un peloton de quatre équipes de quatre hommes, deux boucliers, un bâton, le guide des deux premiers, et un lanceur de Cougar (lance-grenades). Dans la ville fictive du centre de Saint-Astier, alors que les hauts-parleurs crachent une vraie ambiance de manif, c’est le chaos. En face, trois cents «plastrons» (adversaires incarnés par des gendarmes) mettent la pression entre l’avenue des Légionnaires et la place de l’Europe. Un constat : «Ce sont les gendarmes les meilleurs manifestants. Eux, ils savent ce qu’on va faire et se réorganiser.» Une banque, un garage, une gare et un café nommé ironiquement «Chez Francis» (du nom de la paillotte corse incendiée illégalement par des gendarmes sous les ordres du préfet Bonnet en 2003) sont le théâtre de cet exercice nocturne musclé. Dans le sous-pull ignifugé, la transpiration s’impose. Avant d’enfiler son masque à gaz, un adjudant plus que chevronné, trente-cinq ans de service, glisse, l’œil espiègle : «Le plus dur en Guadeloupe ou en Guyane, c’est de suer la première heure. Ça dégouline partout. Après, on baigne dans son jus et on est bien. Mais le soir, quand on enlève la tenue, ça fouette. C’est comme pour la lacrymo, on ne s’habitue pas.»

Dissuader ou réprimer

La pratique du maintien de l’ordre (MO) n’occupe que 15% du temps des gendarmes mobiles (lire par ailleurs). Mais c’est l’exercice le plus délicat à manier car il répond au «principe intangible de la gradation des réponses». En mode préventif ou réactif ; en clair, dissuader ou réprimer. Du déploiement et la canalisation jusqu’à l’usage des armes à feu.

On a connu plus pacifique, genre le volley-ball, mais le MO s’apparente à un sport collectif. Comme au rugby, lors d’un groupé-pénétrant des avants, les gendarmes mobiles se lancent dans un «bond offensif» de quelques mètres, censé repousser l’adversaire ou procéder à l’interpellation d’un meneur. Il est souvent lié à l’envoi d’une grenade lacrymogène, à 50, 100 ou 200 m, aléas du vent compris, dans le dos des «citoyens temporairement égarés», comme on se plaît à dire à Saint-Astier. Le but : expédier les manifestants dans le nuage et les disperser. La coordination et la riposte adaptée à la menace sont les clés du maintien de l’ordre.


Un phénomène récent inquiète les 123 escadrons de gendarmes mobiles qui suivent ce stage tous les deux ans : l’usage des armes à feu contre les forces de l’ordre. Il y a deux semaines, à La Courneuve, un tir de Kalachnikov a été essuyé. Après les fusils de chasse à Villiers-le-Bel en 2007, Romans-sur-Isère en 2008 et la Guadeloupe cet hiver, on passerait un cap. «Nous faisons le constat d’une radicalisation et ce n’est pas uniquement l’apanage des banlieues», note le lieutenant-colonel Francis Mézières qui dirige la division maintien de l’ordre au centre. «Le gendarme mobile est le mieux adapté pour répondre.» Un «sale boulot indispensable» résument à regret les hommes. Alors que son statut militaire (lire par ailleurs) en fait le protecteur des institutions républicaines, le gendarme mobile se sait mal aimé, incompris. Inutile de lui dire le contraire, même au moment des poignées de main franches et du retour au calme. On sympathise difficilement à travers un bouclier.

 

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Les Ch’tis mobiles


La région Nord - Pas-de-Calais étant une zone privilégiée de recrutement de la gendarmerie nationale, on n’a pas mis longtemps à trouver des Nordistes derrière les casques et les masques à gaz du centre de Saint-Astier…

 

On les a rencontrés en montant à l’arrière du véhicule Iris du troisième peloton de l’escadron 42/3 de Lucé. Le Béthunois Alain Brassart est l’ange gardien de l’escadron. Au sein du peloton hors rang, il s’occupe du soutien (ravitaillement, munitions…). Le Calaisien Yann Vereecken est «bouclier» et le Lensois Jean-Marie Copin chauffeur. Ils ont respectivement 26 et 33 ans et suivent des traces personnelles.


Le Calaisien n’est pas un «moblo» dans l’âme même si ses origines l’ont conduit naturellement chez les «bleus» : «Mon père est gendarme en Normandie et j’appréciais la vie militaire. Je suis dans la gendarmerie mobile depuis deux ans mais après, dans trois ou quatre ans, j’ai l’objectif de passer les examens pour devenir officier de police judiciaire.» En fait, après six ans dans la mobile, 80% des gendarmes passent dans la brigade départementale. La vie de la mobile, ça peut user les plus volontaires… Pour le Lensois, c’est l’inverse. Il ne rêve pas d’une autre trajectoire, plus tranquille : «J’aime la vie mouvementée, les missions qui changent sans arrêt. On bouge tout le temps et on se retrouve entre copains.» Inutile de vous dire que l’épouse d’un gendarme mobile, cantonnée à la caserne, doit parfois trouver le temps long. Jean-Marie Copin n’en disconvient pas : «Oui, c’est dur mais les femmes se retrouvent entre elles. Et au moins, on n’a pas le temps de s’engueuler !»

 

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«Chez nous, il n’y a pas de Robocop, de Terminator. Et je préfère ça…»


La création du centre d’entraînement de Saint-Astier date de 1969. Les événements de mai 1968 ont-ils été une date charnière pour la gendarmerie mobile  ?


La création du site il y a quarante ans est la conjonction de deux choses. Les leçons tirées de mai 1968 et la nécessité de former régulièrement avec une doctrine unique ceux qui sont amenés à pratiquer le maintien de l’ordre. En 1968, on s’est rendu compte de la difficulté du maintien de l’ordre avec des gendarmes équipés de vareuses, de cravates, de lunettes de motards et venant même au bidouillage avec des grilles soudées sur les casques ! C’est un virage important pour la gendarmerie mobile. La prise de conscience aboutit à la création du centre. Ici, sur 140 ha, six escadrons suivent un stage de deux semaines tous les deux ans. Nous formons également ici les formateurs en intervention professionnelle qui toucheront ensuite les 80.000 gendarmes.


En quoi, le gendarme mobile est-il utile à la nation ?


Le gendarme mobile est absolument indispensable. Il est le garant de la stabilité, de la continuation de l’action de l’État. Mais il n’est pas populaire en soi. Il ne fait jamais la «une» des journaux quand il a bien travaillé…


Quelle est la caractéristique d’un bon gendarme mobile ?

Son adaptabilité pour assurer un éventail de missions de plus en plus varié et exigeant. On passe du renfort d’une gendarmerie départementale pendant les vacances, à la garde d’un centre de rétention administrative, des points sensibles, en passant par le service d’ordre de manifestations comme à Strasbourg pour l’OTAN, de la crise sociale en outre-mer, jusqu’à la lutte contre l’orpaillage dans la jungle de Guyane. Après, s’il lui reste un peu de temps, le gendarme peut intervenir en Côte d’Ivoire, au Kosovo et bientôt en Afghanistan.


À Saint-Astier, on l’aide à réaliser cette palette sans donner de solutions toutes faites mais en l’amenant à s’adapter aux circonstances. Ici, on travaille sur l’outil humain. Chez nous, il n’y a pas de Robocop, de Terminator. Et je préfère ça, car un jour, un Robocop ou un Terminator, ça peut merder. Nous sommes une force humaine et je crois beaucoup en l’humain.

 

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Bientôt l’Afghanistan


Dans le cadre de la Force de gendarmerie européenne, créée en 2004, 150 gendarmes français opéreront en Afghanistan début 2010.


La mission sera double pour les 400 à 500 gendarmes européens. D’abord, ils formeront les policiers afghans au maintien de l’ordre public dans un camp sécurisé. Ils accompagneront également des policiers lors de leurs sorties dans un rôle de mentor. C’est là que les choses se compliquent même s’ils seront équipés de véhicules blindés.


Pour le colonel Didier Quenelle, le commandant du centre de Saint-Astier, «nous sommes des militaires déployables sur des théâtres extérieurs ; on l’a prouvé». Au Kosovo, en Côte d’Ivoire dernièrement.


Mais dans les rangs, l’ambiance n’est pas aussi résolue. Des gendarmes mobiles se demandent si c’est bien leur boulot d’aller au combat. Car le taliban, qui a fait du policier local une cible privilégiée, ne fera pas la différence entre un soldat et un gendarme. «Il y aura de très belles stèles dans les escadrons», n’hésitent pas à dire certains. La gendarmerie enverra-t-elle des volontaires ou des escadrons complets ?

 

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Repères


Mai 1968. La gendarmerie mobile date de 1921 mais le centre de Saint-Astier, en Dordogne, a été créé en 1969, à la suite des événements de mai 1968.


16.000 hommes. Sur 105.000 gendarmes, l’effectif de la gendarmerie mobile est de 16.000 hommes, répartis en 123 escadrons (62.000 pour la gendarmerie départementale).


Dans la région. Dans la zone de Défense Nord (Nord, Pas-de-Calais, Aisne et Somme), deux groupements de gendarmerie mobile sont basés à Arras et Saint-Quentin. Pour le commandement d’Arras et notre région, on compte 500 gendarmes mobiles, répartis en quatre escadrons à Arras, Calais, Villeneuve-d’Ascq et Valenciennes.


Éclairage


Le statut militaire. Passée au ministère de l’Intérieur le 1er janvier, la gendarmerie conserve le statut militaire. Pourquoi ? À la différence des policiers, tenus au principe de légitime défense, les gendarmes suivent le code de la Défense (article 2338-3) qui permet l’usage des armes «en cas d’absolue nécessité». Une circulaire interne réduit heureusement l’éventualité. Mais en clair, la gendarmerie est le garant de la République, en cas de guerre civile ou de coup d’État, grâce à ce recours possible à la force armée. Selon le général Rolland Gilles, directeur de la gendarmerie : «On pourra toujours demander plus à des gendarmes…»


Leur presse (Olivier Berger, La Voix du Nord), 10 juin.

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Des gendarmes picards bientôt en Afghanistan

150 gendarmes seront envoyés à l’automne en Afghanistan, afin de contribuer à la formation de la police locale. Parmi eux, 48 militaires de l’escadron de gendarmerie mobile de Chauny (Aisne), seront chargés de veiller à la sécurité de leurs collègues.

Quarante-huit gendarmes mobiles de l’escadron de Chauny, dans l’Aisne, vont faire partie du contingent français qui doit être déployé en Afghanistan à l’automne, pour contribuer à la formation de la police afghane.

Le choix de cet escadron a été arrêté par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), qui avait annoncé à la fin du mois de mai l’envoi de 150 gendarmes français à Kaboul et dans les provinces sous contrôle français, à savoir celles de Kapissa et Surobi, au nord-est de la capitale afghane. Un autre escadron de gendarmerie mobile, celui de Satory (Yvelines), doit partir également.

Six mois de mission

Si la mission des gendarmes «départementaux» consistera à prendre en charge la formation des policiers afghans, que ce soit dans le domaine de la police administrative, de la police judiciaire ou de la gestion de l’ordre public, les gendarmes mobiles de Chauny et Satory, eux, seront responsables de la sécurité de leurs collègues et des convois. «Il est prévu qu’une fois la formation initiale assurée, nos gendarmes accompagnent sur le terrain leurs élèves afghans afin de leur servir de “mentors”, explique-t-on à la DGGN. Les gendarmes mobiles serviront d’escorte à ce moment-là.» Ceux-ci sont déjà en cours de briefing sur la situation générale en Afghanistan. Puis ils apprendront des notions plus précises, telles que la gestion du stress, le secourisme au combat ou encore la réaction à observer devant l’ouverture du feu. Et enfin, cet été, ils partiront en camp militaire pour être formés plus concrètement. Il s’agira notamment d’apprendre le maniement de véhicules qu’ils piloteront, qui seront vraisemblablement des VAB (véhicule de l’avant blindé), des blindés lourds pouvant transporter une dizaine de personnes.

Du renfort européen ?

Les gendarmes mobiles de Chauny, comme chaque unité, seront relevés et rentreront au bercail au bout de six mois. Mais la mission, elle, durera «aussi longtemps que nécessaire», dixit le directeur national de la gendarmerie, le général Roland Gilles.

Il est prévu qu’à terme, les gendarmes français soient rejoints par leurs homologues espagnols et italiens, et l’ensemble (l’objectif est d’arriver à un nombre de 400 à 500 hommes) devrait alors être placé sous l’égide de la Force de gendarmerie européenne (FGE), créée en 2004. «Il y a une volonté politique très forte de l’Élysée d’arriver à cette solution, confirme la DGGN. Si les militaires français partent les premiers et aussi rapidement, c’est pour créer la dynamique.»

Leur presse (Bruno Renoul, Nord-Éclair), 12 juin.

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Sous le casque dun gendarme mobile

Cette semaine, Nicolas Sarkozy a fait de la «reconquête des quartiers sensibles» l’axe fort de sa politique en matière de sécurité. Vingt-cinq quartiers, «rongés par la délinquance, le trafic de drogue et d’armes» selon le président de la République, sont ciblés. L’Élysée prône le redéploiement des unités mobiles dans les banlieues. Reportage «embeded» avec les gendarmes à l’entraînement.

«Les rouges, en avant !» Le fourgon Iris se met en branle et s’insère dans le convoi. Sentiment d’assister à un avant-match de rugby. On rappelle les dernières consignes. On s’encourage d’une tape sur l’épaule, d’un coup de bâton sur le bouclier ou d’un clin d’œil sous la visière. Le maintien de l’ordre est un sport collectif. Le «moblo» ne doit jamais se retrouver seul : en binôme au minimum, en équipe de quatre, en groupe de huit… Au total, quatre pelotons composent un escadron de gendarmes mobiles, une soixantaine d’hommes. La grande majorité n’a pas 30 ans.

«C’est ton bouclier, insiste Mourad, le chef d’équipe, en me désignant un malabar équipé d’un rectangle en Plexiglas qui semble avoir vécu plusieurs guerres. Tu ne le quittes pas d’une semelle. Il te protège. Tu es ses yeux, surtout quand il faut reculer.» Même si la présence d’un journaliste leur est imposée, les gendarmes d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ne sont pas mécontents de faire découvrir la réalité de leur boulot, aussi ingrat que méconnu. Il y aurait donc des hommes sous les casques et les carapaces de «Robocop»…

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Garder ma paire de lunettes ou un masque à gaz étanche ?


Les portes du véhicule s’ouvrent. Pas une seconde à perdre. Les «mobiles» s’organisent. Les consignes fusent. Les premières grenades lacrymogènes aussi. Tirs longs si le vent vient d’en face, courts s’il souffle dans l’autre sens. Objectif : optimiser le «gazage» des manifestants violents, pas celui des forces de l’ordre. Dans les faits, tout le monde en profite. Entre garder ma paire de lunettes et un masque à gaz étanche, je choisis : plutôt voir flou que pleurer et tousser à en vomir.

Voitures incendiées, pompiers pris à parti, barricades érigées… Ce jeudi soir, de graves incidents ont éclaté place de l’Europe. Nous ne sommes pas en Seine-Saint-Denis mais au cœur du Périgord, à Saint-Astier (Dordogne), qui abrite le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG). Un site unique en Europe, 140 hectares pour «jouer» aux violences urbaines. Une mini-ville a été reconstituée avec sa gare routière, sa banque, ses commerces… Pas le temps de prendre un verre au bar Chez Francis — du nom de la célèbre paillote corse —, les ordres dégringolent depuis l’état-major avant d’être déclinés jusqu’au moindre binôme. Impression d’appartenir aux légions romaines.

En face, pas d’irréductibles Gaulois ni de méchants casseurs mais d’autres militaires en civil, les «plastrons» dans le jargon. Un jeu de rôle avec ses règles. Ici, pas de jets de boulons, de pierre ou de fusées de détresse mais de faux pavés en tartan. «L’important n’est pas de faire mal mais de sanctionner une faute d’inattention, un mauvais placement», explique un instructeur du centre. Bonds en avant, replis, jets de grenades, interpellations et surveillance des rues adjacentes (bouchons latéraux) se succèdent.

Ambiance surréaliste avec la nuit qui tombe. Les haut-parleurs qui diffusent les échos d’une vraie manif. Le vrombissement des moteurs des véhicules blindés à l’assaut des barricades. Le scintillement des gyrophares. Les explosions sporadiques de grenades (40 euros l’unité). La fumée des carcasses de voitures incendiées (une quarantaine par stage). Et ces nuages de gaz qui nous obligent à conserver ce masque qui réduit encore le champ de vision et complique toute communication.

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Se préparer à une «prise à partie par arme à feu»


L’exercice en cours ne prévoit pas de «prise à partie par arme à feu». Mais les 17.000 gendarmes mobiles de France s’y préparent au moins une fois tous les deux ans à Saint-Astier. Une nécessité au regard de l’actualité récente. Quatre unités ont été visées en début d’année en Guadeloupe. Sans oublier Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) en novembre 2007 ou Roman-sur-Isère (Drôme) en novembre dernier. Avec des armes de chasse ou des pistolets à grenailles. «Depuis la Nouvelle-Calédonie dans les années 1980, la gendarmerie n’a jamais répondu. On garde notre sang-froid», explique le lieutenant-colonel Francis Mézières, «On se protège et on réplique avec des lacrymos ou des grenades explosives. Pour l’instant, cela suffit…» Qu’en sera-t-il si des Kalachnikovs sont utilisées, comme à La Courneuve, contre des policiers ? «On s’y prépare, poursuit le responsable de la formation au maintien de l’ordre. Parce que quand cela va se produire à 2 heures du matin, nous n’aurons pas la possibilité de sortir le drapeau blanc.»

Difficile de ne pas se sentir vulnérable malgré le port d’un casque lourd (heureusement, le pavé qui vient d’atterrir sur le mien n’était pas un vrai!) et la carrure de mon porteur de bouclier. Ce dernier a terminé hier son stage de deux semaines. Après la Martinique en février, Strasbourg et le sommet de l’Otan en avril, lui et ses camarades sont attendus en Nouvelle-Calédonie dès juillet.

Leur presse (Stéphane Joahnny, Le Journal du Dimanche), 30 mai.

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Les gendarmes s’entraînent contre l’adversaire «périurbain»

Avenue de Sébastopol, jeudi 28 mai, dans un fracas de tôle et de cris, le VRBG de la gendarmerie mobile, un type de véhicule blindé léger, s’emploie à dégager la route bloquée par des carcasses de voitures enflammées. Alentour, ce n’est que fumées de gaz lacrymogènes et bruit de grenades explosives. Le sol est jonché de bris de verre et d’étuis de grenades. Le boulevard des Légions, où l’on distingue l’enseigne d’un Crédit agricole, a été repris aux forces de l’ordre. Mais de nouveaux petits groupes surgissent dans la nuit et les harcèlent avec des jets de pierres.

Tout ceci n’est qu’un un jeu de rôles grandeur nature interprété dans des rues reconstituées au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG), à Saint-Astier. Les assaillants étaient des gendarmes mobiles déguisés, des «plastrons». Six escadrons ont manœuvré des deux «côtés» pendant plus de deux heures, soit plus de 400 hommes. Et comme on dit dans le jargon de la gendarmerie, «ça a camphré» (chauffé).

Alors que Nicolas Sarkozy a, de nouveau, mis l’accent sur les bandes et la banlieue, c’est ici, sur ce domaine militaire de 140 hectares, que viennent s’entraîner aux violences urbaines, à tour de rôle, les 123 escadrons de gendarmes mobiles — «le couteau suisse de la gendarmerie», selon l’expression du commandant du CNEFG, le colonel Didier Quenelle.

La gendarmerie recense tous les épisodes de violence urbaine, depuis les premiers affrontements, dans le quartier de la Grappinière, à Vaux-en-Velin en 1979, jusqu’aux échauffourées de février avec des jeunes de Guadeloupe, la nuit, en passant par les événements de novembre 2005, de Villiers-le-Bel en novembre 2007. Et elle a dressé une typologie de l’adversaire «périurbain» : des jeunes de 13 à 25 ans équipés de façon légère et peu structurés mais déterminés, capables de s’organiser et de se regrouper très rapidement, à dix ou trente. Agissant souvent de nuit, «en réaction à un événement qui a perturbé la cité», ces «adversaires» évitent le contact. «Ils se placent à 20 ou 25 mètres de distance, ce qui leur permet de continuer à jeter des projectiles», indique le lieutenant-colonel Francis Mézières, commandant de la division maintien d’ordre. Mais ce qui inquiète les gendarmes, comme la police plus souvent encore en première ligne dans les quartiers sensibles, c’est l’utilisation depuis 2005 d’armes à feu (fusils de chasse ou pistolets à grenaille) contre les forces de l’ordre. Les affrontements sont devenus de plus en plus violents en même temps que consigne a été passée d’interpeller le plus grand nombre d’émeutiers.

Les gendarmes mobiles se sont dotés de «CIOP», des cellules «de l’image» équipées de caméras pour nourrir les preuves d’une éventuelle incrimination. À Saint-Astier, jeudi soir, 27 interpellations ont été réalisées. «Pas de faille», s’est félicité le colonel Quenelle.

Leur presse (Isabelle Mandraud, Le Monde), 29 mai.

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