L'arnaque de Tarnac ?

Que contient le dossier d’instruction de l’affaire Tarnac ? Rien ! Le Monde a eu accès au dossier de l’affaire Tarnac, du nom du village où habitaient neuf personnes arrêtées sous l’accusation de terrorisme et, pour certaines, de sabotage contre des lignes TGV de la SNCF entre octobre et novembre 2008.
Selon le quotidien français, les quelque mille pièces et procès verbaux atteignent la hauteur «de sept à huit bottins». Bref, la police n’a pas chômé. L’enquête préliminaire a été ouverte le 16 avril 2008. Les neuf ont été filés, espionnés, filmés, leur courrier a été ouvert, leurs emails ont été piratés, jusqu’à leur interpellation le 11 novembre.
Selon Le Monde, «le dossier a beau être dense, il ne contient ni preuve matérielle ni aveux». Un seul témoignage — anonyme — qualifie Julien Coupat, le seul du groupe toujours incarcéré (sa troisième demande de libération a été rejetée), de gourou gauchiste. Diantre !

Cette affaire s’inscrit dans une tendance profonde. Celle de la régression des libertés publiques. Il est possible — sans preuve — de harceler et d’embastiller des personnes dont, jusqu’à nouvel ordre, le seul crime est de ne pas aimer l’idéologie dominante. Il se trouve qu’elles ne sont pas les seules. Les millions de manifestants qui conspuent la démagogie populiste, la politique néolibérale et les liens affairistes de Nicolas Sarkozy sont dans le même cas, bien que ne partageant pas forcément le radicalisme du collectif de Tarnac.
Le Parti socialiste français vient de publier un fort instructif ouvrage qui fait froid dans le dos. Un abécédaire de cent cinquante pages de toutes les dérives en la matière depuis quelques années : création de fichiers en tous genres, bases de données ADN, vidéosurveillance, emprisonnement de mineurs, restriction du droit de grève, etc.
En l’occurrence, depuis le 11 septembre 2001, on assiste à un tournant. Le système capitaliste a jeté le masque. Là où, par ruse systémique, il plaidait pour un développement du libéralisme économique parallèlement aux libertés démocratiques, il montre désormais son vrai visage. Seul compte le taux de profit. Et s’il faut l’imposer à coups de matraque, voire de guerre «éthiques», où est le problème ?
Cela n’étonnera que les naïfs. Rappelons-nous que la révolution néolibérale a d’abord été testée dans des pays aussi charmants que la dictature de Pinochet, où la démocratie venait d’être noyée dans le sang. Et que c’est bien la bourgeoisie allemande qui a mis en place le régime nazi pour sauvegarder ses intérêts. On assiste simplement à un système qui nous montre aujourd’hui sa vraie nature.
Philippe Bach - Le Courrier, 27 mars 2009
Quotidien suisse indépendant.