Retour à Tarnac
«Et on peut lire depuis hier sur le site de l’hebdomadaire le plus radicalement révolutionnaire du pays, le porte-voix des prolétaires conscients, bref l’indispensable Journal du dimanche , que l’ “athlète de l’esprit” Julien Coupat, occupé à servir la soupe (au propre comme au figuré !) au tout-venant des journalistes, à repeupler la France et à sauver l’école, et peut-être futur maire (quelle soudaine et complète humiliation ! c’est consternant !), juge tout au contraire que dans “les États occidentaux” au moins, “l’enjeu du moment — et c’était déjà le cas en prison [id est fin 2008, début 2009] — est de ne pas se radicaliser” ! Plus modérantiste, tu meurs… Les Gitans de Saint-Aignan, les émeutiers de Villeneuve et d’ailleurs, les Conti et compagnie, et jusqu’aux insurgés grecs peuvent aller se rhabiller ! “Bêtises”, que tout cela ! N’est-il pas tellement plus important d’assurer le ravitaillement en vivres des derniers résistants en lutte contre l’occupant dans les moyennes montagnes du Limousin ?»
Courriel d’un camarade, 21 septembre 2010.
Affaire de Tarnac : décision le 22 octobre sur les demandes d’annulation de la procédure
La cour d’appel de Paris se prononcera le 22 octobre sur les demandes d’annulation de la procédure dans laquelle les membres du groupe de Tarnac, soupçonnés d’avoir dégradé des lignes TGV à l’automne 2008, sont mis en examen sous des qualifications terroristes, a-t-on appris jeudi de sources judiciaires.
«Le dossier est en charpie», a estimé Me Jérémie Assous, l’un des avocats des dix de Tarnac, à l’issue de cette audience à huis-clos. «Le dossier repose sur des actes totalement illégaux ou à tout le moins contraire aux règles élémentaires du Code de procédure pénal», a-t-il ajouté.
Ces requêtes portent sur deux points : la vidéosurveillance du domicile parisien de Julien Coupat et les interceptions électroniques sur la ligne internet de l’épicerie de Tarnac, réalisées lors de l’enquête préliminaire. Le parquet général s’est opposé aux demandes d’annulation, a-t-on indiqué de sources judiciaires.
La défense considère que le dispositif de vidéosurveillance mis en place par la Sous-direction antiterroriste (SDAT) le 15 août 2008 est illégal car il aurait dû être autorisé par un juge d’instruction. Celui-ci ne sera saisi que le 15 novembre.
La défense réclamait par ailleurs l’annulation des interceptions électroniques effectuées sur le réseau internet de l’épicerie de Tarnac, où travaillaient certains des mis en examen, car le juge des libertés et de la détention, le seul à pouvoir ordonner une telle mesure dans le cadre de l’enquête préliminaire, avait autorisé des interceptions téléphoniques.
Lors de cette audience, la défense a également soulevé les incohérences d’une pièce centrale du dossier, le procès-verbal D104, sur lequel s’appuie toutes les mises en examen. Ce PV décrit la filature de Julien Coupat et Yldune Lévy, sa compagne, du 7 au 8 novembre. Et notamment leur halte aux alentours de Dhuisy, où le couple s’est arrêté dans la nuit, un village à proximité duquel des dégradations ont été commises contre une ligne TGV. La défense met en cause le PV établi par les policiers, estimant qu’il contient de nombreuses incohérences qui laissent planer, selon elle, un doute sur la présence sur les lieux des policiers qui l’ont rédigé.
Leur presse (AP), 23 septembre.
«Pour l’heure, en dehors de “protéger les intérêts de l’État” (?), comme dans l’affaire Woerth-Bettencourt, ou les rumeurs sur le couple présidentiel, le seul résultat concret que l’on connaît de la DCRI, c’est l’affaire de Tarnac. Vous vous souvenez, ces Corréziens interpellés pour avoir eu l’intention de tenter de saboter les caténaires des TGV… Tiens, où en est donc cette enquête retentissante ? Bon, il y a bien aussi ce projet d’attentat contre l’immeuble qui abrite la DCRI…»
Leur presse (Georges Moréas - POLICEtcetera), 22 septembre.
Tarnac : ennemi intérieur où es-tu ?
Des TGV bloqués plusieurs heures en rase campagne après le sabotage de leur alimentation en électricité. Puis des dizaines de policiers encagoulés qui prennent d’assaut un village du centre de la France pour neutraliser une organisation anarcho-autonome sur le point de s’engager dans la lutte armée. Deux ans après l’opération surmédiatisée qui a conduit à l’arrestation et l’inculpation d’une dizaine de personnes accusées de vouloir déstabiliser l’État, l’affaire de Tarnac se situe à un tournant. La cour d’appel de Paris se penche en effet depuis hier sur une demande d’annulation de la procédure.
Au-delà de la menace réelle pesant sur le destin de ces militants clamant leur innocence — ils risquent jusqu’à vingt ans de réclusion —, l’enjeu concerne l’ensemble des défenseurs des libertés publiques. Car ce dossier constitue un exemple saisissant des conséquences pour l’État de droit de l’adoption de lois antiterroristes autorisant toutes les dérives — disproportion des moyens mis en œuvre, violation de la présomption d’innocence, limitation extrême des droits de la défense, détention préventive interminable et mesures de contrôle judiciaire vexatoires.
En l’occurrence, aussi impressionnant soit-il, cet arsenal ne permet pas à lui seul de transformer une banale affaire de sabotage n’ayant pas mis en danger de vie humaine en un démantèlement spectaculaire d’une prétendue cellule terroriste. Sans preuves matérielles, sans aveux, les charges retenues contre les «dix de Tarnac» reposent essentiellement sur l’enquête des services de sécurité français qui surveillaient la bande d’amis depuis plusieurs mois.
Les avocats de la défense ont alors épluché ces rapports et témoignages policiers. Ils ont d’abord mis en lumière une série d’incohérences et d’invraisemblances parfois grossières dans le récit des filatures censées confondre les suspects — elles n’ont jamais été clarifiées. Ensuite, et c’est ce qui motive la requête en annulation examinée ces jours, les avocats dénoncent l’utilisation illégale de caméras vidéos et d’écoutes téléphoniques lors de l’enquête préliminaire.
Le château de cartes s’écroulera-t-il avant la tenue d’un procès devant une cour d’assises spéciale ? Alors que la rue recommence à contester le pouvoir, cette perspective paraît improbable. La figure d’un ennemi intérieur d’ultra gauche n’est pas inutile pour calmer les ardeurs du mouvement social. À moins que la menace islamiste réactivée depuis quelques jours soit jugée suffisante.
Olivier Chavaz - Le Courrier, 24 septembre
Quotidien suisse et indépendant.