Treizième jour de combat contre les chiens de garde de l'État en Grèce

Des échauffourées ont de nouveau éclaté entre manifestants et forces de l’ordre, alors que quelque 7000 personnes marchaient vers le Parlement grec.
Des cocktails Molotov ont été lancés, jeudi 18 décembre, sur les forces de l’ordre qui protégeaient le Parlement grec à Athènes, théâtre de manifestations quasi quotidiennes des jeunes depuis la mort d’Alexis Grigoropoulos, 15 ans, dans la capitale grecque, le 6 décembre.
Au treizième jour de contestation après la mort de l’adolescent sous les balles de la police, quelque 7000 manifestants voulaient marcher jusqu’au siège de la représentation nationale.
Ils se sont heurtés à un cordon de sécurité. Des échauffourées ont éclaté par endroits entre des groupes de manifestants et des policiers.

Cartouches de gaz
Environ 300 personnes ont également manifesté ce jeudi en début d’après-midi à Salonique, la grande ville du nord de la Grèce.
Mercredi matin, trois cartouches de gaz avaient explosé devant une agence bancaire de la ville provoquant des dégâts mineurs. Quatre autres cartouches de gaz ont également explosé devant un établissement public dans le centre de Salonique.
Des bâtiments de la police ont été régulièrement ciblés par les jeunes au cours des treize derniers jours en Grèce, lors des violences qui ont touché le pays à la suite de la mort de l’adolescent.
Selon la coordination des étudiants, près de 600 établissements scolaires (une centaine, selon le ministère de l’Éducation) et plusieurs universités continuaient d’être occupés par les lycéens et les étudiants dans le pays pour protester contre la mort d’Alexis Grigoropoulos tué dans le quartier d’Exarchia à Athènes par un policier.
Presse policière-bourgeoise :
Le Nouvel Observateur, 18 décembre 2008.

Grèce : étudiants et lycéens prennent la tête de la contestation
Depuis quelques jours, le mouvement de contestation qui secoue la Grèce a évolué. Étudiants et lycéens ont pris les choses en main, menant le mouvement sur un terrain politique, ce qui va à l’encontre de ce que les médias expliquaient au début des événements. Une grande manifestation regroupant étudiants, lycéens et salariés aura lieu cet après-midi, le 18 décembre, à Athènes.
Kostas Karamanlis n’aura eu que quelques heures pour croire que son discours devant le groupe parlementaire de Nouvelle démocratie pouvait redorer un tant soit peu l’image de déliquescence que donne en ce moment son gouvernement.
Des manifestants investissent le plateau de la chaîne publique NET
Alors que la chaîne de télévision publique NET retransmettait hier, mardi 16 décembre à 15 heures, ce discours, un groupe de jeunes a envahi le plateau et a, entre autres, suspendu un panneau qui recommandait aux citoyens : «Arrêtez de regarder, sortez dans les rues !» Précisons, car cela a son importance, que l’occupation du plateau de tournage n’a duré que quelques minutes, et a été suivie par des pages de publicité d’une longueur inédite avant que le bulletin d’informations ne reprenne son cours normal, sans aucun commentaire sur l’événement !
Tout en sueur, le président d’ERT, la radio-télévision publique grecque, est apparu plus d’une heure après pour évoquer l’incident. Mais au lieu de donner des explications, il est sorti de ses gonds, se lançant dans une attaque virulente à l’encontre des manifestants. Vraisemblablement, cette attitude était guidée par la réaction courroucée du palais Maximou [le Matignon grec] à cet accroc. Le président de la radio-télévision publique a soutenu qu’à l’ERT on avait reçu des informations annonçant cette action «à laquelle personne n’avait cru». On devait pourtant y croire un peu car le matin, des sociétés de sécurité privées avaient été appelées en renfort, afin de surveiller les bâtiments abritant les locaux de la radio-télévision grecque. Des hommes avaient été placés aux endroits-clés de l’édifice, à l’intérieur et aux entrées. Visiblement, leur efficacité aura été à l’image de celles des autorités…
Le président d’ERT a ensuite parlé «d’un incident qui dépasse le seuil de tolérance dont peut faire preuve une république». «Ils sont venus ici pour protester alors que nous ne sommes responsables de rien», a-t-il souligné. Selon un plan bien préparé, les manifestants se sont rassemblés en deux points des locaux de la chaîne télévisée, dans la salle de contrôle des studios et dans le bureau du président. Le président d’ERT semblait hors de lui : pendant toute la durée de son intervention sa voix tremblait. Il a endossé toute la responsabilité de l’incident ainsi que ses conséquences, conformément aux propos tenus par le Premier ministre Kostas Karamanlis.
Les manifestants remettent en cause la couverture médiatique des événements
Pendant le bulletin d’information de la NET, qui présentait le texte des manifestants, on pouvait lire :
«Notre action ne fait pas uniquement suite à la colère suscitée par la bavure policière qui a coûté la vie à Alexis Grigoropoulos. C’est en réalité le fruit de toute une tension accumulée. Notre mouvement est l’incarnation d’une partie des émeutes qui surviennent aujourd’hui. Notre intervention sur la télévision publique se veut une contestation de la couverture médiatique de la crise. Nous considérons que les médias entretiennent systématiquement la peur. Au lieu d’informer, ils désinforment. Ils présentent cette crise comme une révolte qui ne serait qu’un mouvement de violence aveugle. Les médias expliquent cette crise sociale toujours sous un angle judiciaire mais jamais politique. Ils sélectionnent les images et dissimulent de fait la réalité de ce qui se passe. Ils montrent une émeute comme si c’était un nouveau programme que l’on se contente de regarder en attendant que commence le suivant.
Chaque jour les médias répriment un peu plus la pensée libre et créative. Nous devons nous organiser. Aucun maître, si instruit soit-il, ne peut apporter de solution à nos problèmes. Nous devons transformer les lieux publics, les rues, les places, les parcs, les écoles en des espaces où chacun peut s’exprimer sans médiateur. Il faut que l’on se réunisse face à face pour élaborer ensemble un discours et des actions. Nous ne devons pas avoir peur, nous devons éteindre nos téléviseurs, sortir de chez nous, continuer à manifester, prendre nos vies en main. Nous dénonçons la violence policière. Nous demandons la libération immédiate des manifestants arrêtés, au nom de l’émancipation des hommes et de leur liberté.»
Après la télévision publique, la prochaine victime des manifestants pourrait être le ministère de la Culture. En effet, sans avoir été inquiétés, une cinquantaine d’étudiants ont brandi aujourd’hui, mercredi 17 décembre, d’immenses banderoles sur ce lieu culturel éminemment symbolique qu’est l’Acropole. Personne n’avait été prévenu de leur venue. Le mot «résistance» qu’on pouvait lire sur les banderoles était écrit en grec, mais aussi en anglais, français, italien, allemand, afin d’être compris par tous les touristes. Sur une autre banderole, les étudiants invitaient les gens à rejoindre la grande manifestation de jeudi à laquelle ils veulent donner une dimension européenne.
Les occupations de bâtiments publics se généralisent dans tout le pays
Plus globalement, on constate depuis le 15 décembre de nouvelles occupations de bâtiments publics, alors que continuent celles qui avaient commencées plus tôt à Athènes et dans sa périphérie. À Ioannina, le bâtiment du conseil régional d’Épire a été envahi par des jeunes du parti de gauche SYRIZA. Quand le président de la région est arrivé sur les lieux, la tension est montée d’un cran : deux sections des forces de l’ordre ont été dépêchées sur place et l’occupation des lieux a pris fin vers midi. C’est à peu près à la même heure que 40 à 50 individus ont envahi la Chambre de commerce de Serres. Des étudiants ont occupé lundi les mairies d’Artémidas, de Sykeis à Thessalonique, d’Aghios Dimitrios à Athènes où l’ancienne mairie de Chalandri a aussi été investie. À Ioannina encore, la mairie, le centre culturel et la station de radio publique de la ville ont également été envahis. Chaque jour, de nombreuses occupations de courte durée sont constatées, en particulier dans les stations de radio et de télévision locales.
L’incident le plus remarquable fut l’attaque des locaux de la sous-direction de la police, à Kaisariani (Athènes), sur la rue Hymittou, par environ 40 — certains avancent le chiffre de 50 — individus, mardi 16 décembre peu après midi. Les assaillants, divisés en deux groupes, ont lancé un assaut simultané de chaque côté du bâtiment : par le parking où sont garées les voitures de service, et par l’entrée principale. Des cocktails Molotov, des pierres et d’autres objets ont été lancés provoquant des dégâts sur une dizaine de véhicules, un bus, une jeep et plusieurs voitures de patrouille. Les policiers, pris par surprise, ont répondu en se servant de petits explosifs et de gaz lacrymogènes. Mais entre-temps, les assaillants s’étaient éloignés. D’après des témoins oculaires, certains d’entre eux portaient des masques à gaz et se sont enfuis en direction du campus universitaire.
Certaines rues du centre-ville d’Athènes sont restées fermées hier à cause de plusieurs rassemblements d’étudiants et lycéens. Une manifestation d’habitants d’Exarchia contre la répression policière a également eu lieu devant le commissariat du quartier.
Étudiants et lycéens prennent en main le mouvement de contestation
À Thessalonique, les élèves qui s’étaient réunis devant le ministère de la Thrace-Macédoine, sur initiative de la coordination des établissements scolaires de la ville, ont symboliquement jeté en l’air des cagoules noires pour montrer qu’ils défilent à visage découvert. Plus tôt, des lycéens et des étudiants s’étaient rassemblés devant la statue de Vénizélos, place Aristote, qu’ils ont quitté pour marcher pacifiquement en direction du ministère.
Environ 600 établissements scolaires grecs sont actuellement occupés et la plupart des universités sont fermées. Des enseignants-chercheurs ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils dénoncent les événements de ces derniers jours et s’en prennent à l’influence des partis politiques. En effet, des syndicats étudiants soutenus par le Parti communiste ont décidé sans concertation de fermer les universités en signe de protestation contre la politique du gouvernement. Par ailleurs, mardi 16 décembre, plusieurs assemblées générales se sont tenues : les élèves devaient décider de la suite à donner à leur mouvement et de la manière d’informer l’opinion publique, en particulier parents et salariés, concernant leurs revendications et leurs combats.
Le mercredi 17 décembre à 18h, lycéens et étudiants ont participé, place Omonoia à Athènes, à un rassemblement commun avec le PAME (Front commun de lutte des travailleurs). Ils doivent également prendre part à la grande manifestation regroupant étudiants, lycéens et salariés qui débutera à midi aujourd’hui jeudi 18 décembre.
Presse policière-bourgeoise :
Ethnos, 17 décembre 2008
Traduit par Le Courrier des Balkans.