Mariages gris... Chemises brunes !
La fin de l’année 2009 aura vu la disparition du poste de défenseur des enfants, dans le même temps qu’était décidée la constitution d’un fichier de police pour les mineurs délinquants, dès l′âge de 13 ans. Il y avait une Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui permettait, même de façon limitée de faire connaître les dérives policières les plus flagrantes mais cette instance a été supprimée. Tout cela dans une indifférence quasi-générale. Le gouvernement expliquant que les droits des uns et des autres seront bien mieux défendus dans une structure fourre-tout. Il en va un peu de même de la Commission informatique et liberté (CNIL), qui peut encore exister car ses avis ne sont que consultatifs, particulièrement en matière de fichiers de basse police. Dans notre douce France, tout se passe comme si l’ordre devait primer toute autre préoccupation.
Il est vrai que, dans l’esprit étroit de ceux qui nous gouvernent, les éléments porteurs de désordre seraient de plus en plus nombreux, particulièrement parmi ces sans-papiers, qui ont eu le tort de choisir de vivre et travailler au pays de la liberté. Tout aussi dangereuses, ces unions qualifiées de mariages gris par notre gardien de l’Identité nationale. Lequel estime suspect le fait qu’un homme ou une femme à la peau colorée puisse éprouver le désir de se marier avec un ou une autochtone au teint plus clair. Mariages gris, martèle Éric «Judas» Besson, et les policiers sont prêts à interpeller les égarés qui croyaient encore au symbole du pays des Droits de l’homme. Si l’on ne s’inquiète pas réellement de ces dérives, dans notre démocratie égarée, c’est peut-être parce que le langage codé permet encore de masquer les mauvaises manières d’un pouvoir qui s’abrite derrière la recette éculée de l’Identité nationale, pour persuader les bons blancs que l’on est tellement en sécurité entre Français de France. Cela sous l’œil suspicieux d’une police toujours en embuscade. «On rêve d’uniformes bleus et on découvre des chemises brunes !» C’était le cri d’alarme lancé par Denis Langlois, en 1986, sous Pasqua, avec un peu d’avance. Nous en prenons le mauvais chemin !
Maurice Rajsfus
Éditorial du bulletin d’information anti-autoritaire
Que fait la police ? no 36, janvier 2010.