La police et l'école

Publié le par la Rédaction


Depuis plusieurs années, des agents de police «en tenue» sont chargés, après accord des enseignants dans le primaire ou de la direction dans le secondaire, de prendre en charge tantôt l’éducation à la sécurité routière, tantôt la prévention «racket» ou «drogue».

Ces interventions posent un certain nombre de questions. Que représente la venue à l’intérieur de l’école d’un policier en tenue pour des enfants dont les parents sont sans papiers et qui doivent changer de trottoir quand ils croisent un agent dans la rue ? Comment justifier auprès des enfants de la présence d’une personne armée parmi eux ? Quelles garanties sur le contenu des interventions lorsque celles-ci sont imposées sans préparation ni concertation avec les enseignants ? Quel est le message d’une intervention racket auprès d’enfants de 9 ans dans des écoles où à part un vol de goûter une fois l’an, ce problème n’existe pas ? Pourquoi, sur les questions de racket, de drogue, à l’âge où ces problèmes peuvent exister, des éducateurs de rue ou des infirmiers scolaires ne sont-ils pas invités à sensibiliser les jeunes ? Pourquoi ne fait-on pas confiance aux instits (et aux parents d’élèves), pour apprendre aux enfants à regarder avant de traverser la rue ?

Lorsqu’on voit que de plus en plus souvent, des enseignants portent plainte contre des enfants qui ont parfois moins de dix ans, ces interventions ne risquent-elles pas de renforcer encore l’amalgame entre le rôle de la police et celui de l’école ?

À travers ces interventions de plus en plus fréquentes, on veut surtout tenter de réhabiliter une profession qui est seule responsable de la mauvaise réputation qu’elle a auprès de toute une partie de la population. D’autre part on veut faire sentir aux potentiels délinquants que sont tous les jeunes aux yeux du pouvoir, qu’ils ont en face d’eux un État qui sait imposer sa loi, et qu’ils ont intérêt à filer doux.

Quelle image renvoie-t-on à nos élèves en nous montrant si conciliants, accueillants, coopérants avec la police ? Quelle image se forme dans leur esprit à partir de cette action que nous menons «mano en la mano» avec les forces de l’ordre, au sein de nos classes ?

La dernière question qui se pose à chacun d’entre nous est de savoir si nous avons envie de participer à ce jeu, indépendamment de la gentillesse ou du sens pédagogique de tel ou tel intervenant, alors que nous avons la possibilité de refuser ces interventions, dont la dimension de prévention n’est qu’un prétexte.

Flics à l’école, paroles d’élèves
Un mardi de février, dans une école à Paris, à 13h30.
Les enfants : «Et nous maîtresse, les policiers y vont venir dans notre classe ?»
Moi : «Non»
— Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils font dans les classes ?
Moi : «De la prévention routière. Vous savez, ils expliquent où il faut traverser dans la rue et comment attacher sa ceinture dans la voiture.»
— Et nous alors, la prévention routière, on la fera pas ?
Une élève : «Ben si, l’année dernière on l’a faite avec Sylvie en CE2.»
Moi : «Ah ? Parce que pour ça, il faut être policier ? Je pense que vous pouvez faire un exposé si ça vous intéresse ou alors peut-être qu’on ne fera pas un cours, mais avec toutes les sorties qu’on fait… De toutes façons, pas question qu’une personne armée rentre dans la classe.»
Les enfants : «Ils ont une arme ???»
Moi : «Oui.»
— Pourquoi tu veux pas ? T’as peur qu’ils nous tirent dessus ?
Moi : «Oui… non ! C’est une question de principe. Je ne discute pas avec quelqu'un qui a le droit de vie ou de mort sur moi. On n’est pas à égalité.»
— Mais maîtresse, les policiers y vont pas nous tirer dessus.
— Bon, soit c’est un cours sur la prévention routière et alors je vois pas pourquoi il faudrait que des policiers viennent le faire. Soit c’est autre chose, et alors cela n’a pas sa place à l’école. L’école, c’est là où on fait de l’éducation. Les policiers, ce ne sont pas des éducateurs. D’ailleurs, ils ne veulent pas enlever leur arme, je leur ai demandé plusieurs fois. Ils n’ont pas le droit de l’enlever. C'est non.
Et là, une élève : «Ah oui, je comprends !!! Soit ils sont dans leur travail, ils gardent leur arme et viennent à l’école pour faire une intervention policière. Soit ils viennent pour nous faire un cours et alors ils ne sont plus dans leur travail et ils enlèvent leur arme.»
Voilà, c’est simple.



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