Bernard Squarcini, infatigable guetteur d'antichambre

Publié le par la Rédaction

 

Tu croyais que c’en était terminé avec l’agitation de la menace «anarcho-autonome» ? Que le fiasco de Tarnac avait définitivement convaincu les têtes de gondoles antiterroristes d’abandonner ce genre de crasseuse manipulation ? Erreur. En un entretien donné au Figaro, Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, en remet une couche sur le sujet. Entre autres…

 

Deux ans !

 

Cela fait deux ans, tout juste, que la Direction centrale du renseignement intérieur (acronyme : DCRI) a vu le jour, fier organisme né de la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (acronyme : DST) et de la Direction centrale des Renseignements généraux (acronyme : RG).

 

Et la belle ambition qui a présidé à sa création — donner à la nation une corps d’élite du renseignement, façon FBI (acronyme : FBI) à la française [Je sais, cela fait beaucoup d’acronymes. Mais c’est bien le moins quand l’on évoque les affaires administratico-policières.] — n’a pas été prise en faute depuis.

 

C’est simple : la DCRI effectue un travail essentiel.

 

Et il est tout-à-fait naturel que son directeur Bernard Squarcini (acronyme : RDMDINAPUAUQSREL, pour «Regarde dans mon dos, il n’y aurait pas un anarcho-autonome qui se radinerait en loucedé ?») se répande un brin dans un média ami pour célébrer ce deuxième anniversaire.

 

Un exercice de communication mené de main de maître dans les colonnes du Figaro.

 

Et l’occasion pour Bernard Squarcini de prouver une nouvelle fois qu’il est the right man for the right place, comme disent nos amis américains du FBI.

 

Dans Le Figaro, Bernard joue donc son rôle à la perfection.

 

Classique partition où il s’agit de faire peur en rassurant, de gonfler les menaces tout en les annonçant sous contrôle, d’exagérer le danger pour mieux promettre la sécurité.

 

Un double mécanisme pas si simple : il faut à la fois agiter un maximum de menaces potentielles — l’ennemi est partout, il est tapi dans l’ombre, il est sanguinaire, il n’attend que le plus petit signe de relâchement de la surveillance française pour frapper fort, etc. [Bernard Squarcini donnait un parfait exemple de ce discours dans l’hedomadaire VSD, en juillet 2008 : «La menace est beaucoup plus diffuse, beaucoup plus éloignée et concerne directement notre territoire national, notre drapeau, nos expatriés», expliquait-il, ajoutant aussi que «les espions étrangers» «sont nombreux et parmi nous».] — et garantir à la populace que cet ennemi omniprésent n’est pas dangereux tant que les fins limiers de la DCRI seront là pour l’empêcher de nuire.

 

Tu noteras qu’il s’agit là d’une fort malicieuse adaptation du mouvement universel, cercle sans fin basé sur du vent et entretenu par le baratin :

— De un, la construction politico-policière donne une existence à une menace fictive, 
— De deux, les membres de la DCRI lancent une opération à grand spectacle pour circonvenir cette prétendue menace, 
— De trois, la construction politico-policière se félicite de la réussite d’une intervention prouvant l’existence de la menace tout autant que la nécessité de l’action de la DCRI, 
— Et puis, cela repart pour un tour, et un autre encore, et ainsi de suite ad vitam eternam…

 

Pour illustration fournie par Bernard, «le cas de ce converti qui avait planifié fin 2008 un attentat à la voiture piégée (…) contre un bâtiment public (éventuellement le siège de la DCRI à Levallois). Au moment de son interpellation, il était sur Internet pour se procurer des produits explosifs» : il s’agissait donc — si tu prends le temps de décomposer le truc — d’un seul homme ayant envisagé de peut-être s’attaquer à un bâtiment inconnu et indéterminé (éventuellement le siège de la DCRI ou éventuellement pas), et le mec en question était tellement débile qu’il prévoyait de chopper des explosifs sur le net comme moi j’achète mes capotes sur E-Bay — autant dire le degré zéro du terrorisme… [Tu remarqueras que Bernard Squarcini était beaucoup plus affirmatif sur le sujet en mars 2009, quand il répondait aux questions du prétendu journaliste (mais vrai flic manqué) Hervé Gattegno. Il disait alors : «À la mi-décembre, nous avons interpellé (avec la section antiterroriste de la PJ) un groupe lié à Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQM) qui projetait de faire sauter une voiture piégée contre notre immeuble, à Levallois-Perret.» Depuis, le «groupe» est devenu «un converti», la cible — l’immeuble de la DCRI — s’est faite «éventuelle»…]

 

LA DCRI a donc déjoué un attentat fictif contre la DCRI, la menace bidonnée renforçant le poids de l’organisme : malin ! [Pour simplifier les choses, les mecs de la Direction centrale du renseignement intérieur devraient choisir directement certains d’entre eux pour jouer le rôle des poseurs de bombe, ce serait ensuite encore plus facile d’aller faire le kakou dans Le Figaro]

 

En l’entretien, Bernard Squarcini explique aussi que les fins limiers placés sous ses ordres déjouent «deux attentats par an» — sans préciser s’il compte parmi ceux-ci la construction politico-policière autour de l’affaire dite de Tarnac, épatante démonstration que la DCRI s’y entend surtout à manipuler, mentir et falsifier.

 

Puis ce fidèle parmi les sarkozystes évoque, en un long paragraphe, la «menace d’extrême-gauche», celle-ci émanant à la fois de «l’ultragauche autonome», de la «mouvance autonomiste», de la «mouvance situationniste» (si, si…) et du «milieu alternatif».

 

Une nébuleuse lexicale — en laquelle vient s’intercaler une étonnante référence à Os Cangaceiros, groupe autonome des années 1980, issu (entre autres) des Fossoyeurs du Vieux Monde [Je ne peux que te conseiller, si tu souhaites en savoir plus, la lecture de cet article de Basse Intensité repris par Le Jura Libertaire.] — qui vaut parfaite mesure des confusions et manipulations effectuées par Squarcini.

 

Lequel fonde la réalité de cette menace (s’incarnant autant dans d’inexistantes actions violentes que dans la concrète opposition aux sommets internationaux) sur le constat que les «mouvements contestataires restent vivaces».

 

Et sur l’affirmation que lesdits mouvements «ont suivi de très près les émeutes en Grèce, accompagnées d’assassinats politiques» — si toi-aussi, tu t’intéresses à la révolte grecque, envoies moi un mail à cette adresse : j’aitrouvéunP38parterre.qu’est-cequej’enfais@gmail.com

 

Et ?

 

C’est tout.

 

Mais cela n’empêche pas Bernard d’assurer que «quelques clignotants s’allument» et que «nous sommes dans l’antichambre du passage à l’acte».

 

C’est finalement cette expression ridicule — «l’antichambre du passage à l’acte» — qui est la plus révélatrice.

 

Tant cette idée de «prélude» est régulièrement, depuis trois ans, mise en avant par le pouvoir quand il s’agit de justifier l’agitation récurrente de la menace dite d’extrême-gauche.

 

Tu remarqueras que les préliminaires s’éternisent méchamment.

 

Et tu noteras que les responsables de l’antiterrorisme en sont réduits à rabâcher les mêmes mots pour donner un peu de cohérence à cette éternelle attente.

 

Qu’il s’agisse de «clignotants» : «Ce groupe se situait dans les prémices de l’action violente ; le stade où les choses peuvent basculer à tout moment», affirmait le même Squarcini en mars 2009 à propos des gens de Tarnac, avant d’expliquer qu’une «série de clignotants nous alertent depuis quelques années sur la montée d’une contestation anarcho-autonome».

 

Ou de «l’antichambre» : un commissaire de l’antiterrorisme, cité par Bakchich, assurait ainsi en mai 2009 que «nous nous trouvons, avec ces militants de l’ultra-gauche, dans l’antichambre du terrorisme».

 

Je ne sais pas ce qu’en pense Bernard.

 

Mais à force d’être investie de dangereux pré-terroristes [Ainsi que les nommaient le rapport remis en juin 2008 à Alliot-Marie par les ex-RG (juste avant qu’ils ne soient fusionnés avec la DST au sein de la DCRI), «Du conflit anti-CPE à la constitution d’un réseau préterroriste international : regards sur l’ultragauche française et européenne».], «l’antichambre» doit être salement surpeuplée.

 

Et les clignotants, éternelles loupiotes intermittentes, vont bien finir par tomber en rade.

 

Un peu comme des bougies qu’on souffle, en somme.

 

Ah tiens : joyeux anniversaire !

 

JBB - Article XI, 1er juillet 2010.

 


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