Trop c'est trop !

Publié le par la Rédaction

En cette douce fin d’année, la chasse aux sans-papiers se déchaîne. Pour respecter les objectifs hystériques de la «politique du chiffre», la police et la gendarmerie arrêtent à tour de bras, et enferment dans les centres de rétention des victimes de la chasse au faciès — souvent en dépit de toute légalité, et en faisant fi toujours du sens humain le plus élémentaire. Trop cest trop.

À Roissy, à Vincennes, et ailleurs, le mouvement de révolte des sans-papiers se répand comme une traînée de poudre. Tout aura commencé lorsque Abou N
Dianor, un professeur de mathématiques sénégalais de la région dOrléans, se retrouvant au Mesnil-Amelot, menacé dexpulsion immédiate en dépit de son évidente «utilité sociale», aura regardé ses compagnons dinfortune et compris quils étaient tous victimes, comme lui, dune mécanique délirante et cruelle.

Et que voyait-il, Abou ? Des gens dans une détresse inouïe. Des gens pour la plupart «inexpulsables», enfermés-là par simple excès de zèle — tragique résultat d
une administration qui tente de se conformer aux pressantes demandes de «lautorité suprême». Surtout, il voyait les droits humains les plus évidents brutalement bafoués. Alors, il a écrit sur un papier «France pays des droits de l’Homme», et la aggraffé sur son Tshirt.

C
était gentil… Non : on laura compris, cétait au deuxième degré quAbou écrivait ça. Pire : par antiphrase. La violence de son observation aura été si détonnante que lorsquil est venu au réfectoire en arborant son écriteau, les gardiens du centre lui auront demandé de le retirer…

Ainsi, c
était eux-mêmes qui refusaient quon puisse affirmer une telle chose. Non, décidément, la France nest certainement pas le pays des droits de l’Homme, et dans ce centre de rétention les policiers en charge du maintien de l’ordre auront pris demblée comme une insulte quon puisse le leur rappeler. Ou bien voyaient-ils là une revendication déplacée ?

Alors, les autres «retenus» — de cette prison sur laquelle passent tous les touristes qui arrivent en avion à Roissy — sont venus voir Abou pour se solidariser de sa démarche. Le deuxième écrivait : «Liberté, Égalité, Fraternité». Toujours par antiphrase…

C
est comme ça quest partie la révolte de Mesnil-Amelot. Et si on leur demandait de retirer leurs écriteaux au réfectoire, et bien, les sans-papiers niraient plus au réfectoire. Ils déclaraient la grève de la faim. Lun dentre eux engageant même une grève de la soif qui durera trois jours…

Jeudi à 15 heures, Abou disparaissait. Juste après une visite au cours de laquelle il avait pu se coordonner avec un «soutien» extérieur, lançant un «appel au secours», il était déplacé manu militari dans un autre centre de rétention à l
autre bout de la région — celui de Vincennes.

Il y arrivera très déprimé. Les gens lui semblaient, au premier abord, beaucoup plus froids qu
au Mesnil-Amelot. Quelques heures plus tard, ils étaient une centaine à refuser le repas… Lépidémie se confirmait. Finalement samedi un Tribunal parisien ne pourra que libérer Abou, tout comme les Tribunaux sont amenés à libérer, ces jours-ci, à tour de bras des sans-papiers enfermés en dépit des règles de procédure (leur seule protection). Il paraît quon lui proposerait même une régularisation — sil voulait se tenir tranquille.

Tous les moyens sont bons pour tenter d
éteindre lincendie… Espérons que celui-ci laisse en poussière le nouveau système denfermement pour étrangers, «la honte de la République».

Le Quotidien des Sans-Papiers no 18, 31 décembre 2007
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