Berne, six octobre deux mille sept

Publié le par la Rédaction

Qu’a fait la police ?

76823911.jpgImposer une marche arrière dans la rue à l’UDC ne la fera évidemment pas reculer dans les urnes. Même si l’on comprend la joie des quelques agités qui ont réussi à faire faire demi-tour à Christoph Blocher et ses fans, les événements de samedi laissent un goût amer. Privés de leur parade dans les rues bernoises, les blochériens ont désormais beau jeu de crier aux atteintes à leur liberté d’expression. Et les images d’une place Fédérale saccagée sont du pain béni pour un parti qui pourra continuer à jouer les martyrs de la démocratie en flattant la fibre patriotique de son électorat. Il faut à cet égard s’interroger sur la stratégie de la police bernoise, qui avait pourtant annoncé s’être parée pour l’événement et avoir appelé des renforts. À partir du moment où l’UDC avait obtenu l’autorisation de se rendre sur la place Fédérale pour s’y rassembler, il paraissait évident que l’objectif prioritaire d’une opération de police devait consister à permettre à la manifestation de parvenir à son but sur un parcours sécurisé, et de tenir les trouble-fête à distance. Voir des hordes de casseurs pouvoir mettre à sac les abords du Palais fédéral, grâce à des forces de l’ordre leur laissant soigneusement le champ libre, relève dès lors du mystère difficile à percer. Un mystère d’autant plus épais que, si l’on en croit des déclarations de Pascal Couchepin, le Conseil fédéral se préoccupait depuis plusieurs jours des tensions annoncées autour de la manifestation de l’UDC. Et qu’un autre conseiller fédéral, l’UDC Samuel Schmid, en charge de la sécurité, se trouvait au Palais fédéral pendant ces événements. Un conseiller fédéral qui aurait dû prendre la parole au côté de son collègue Christoph Blocher, mais qui s’en est trouvé ainsi empêché. Ce qui doit plutôt l’arranger, à voir la distance qu’il s’ingénie, depuis quelques jours, à mettre entre son parti et lui, afin d’assurer sa réélection, le 12 décembre, dans tous les cas d’école… Les étonnants choix tactiques de la police bernoise ont eu des précédents.
77103231.jpg Par exemple un certain 31 mai 2003, dans les rues Basses de la Ville de Genève, laissées à la merci des casseurs par des forces de l’ordre aux abonnés absents. Ce qui avait permis dès le lendemain, lors des rassemblements anti-G8, d’assimiler dans l’inconscient collectif tout manifestant à un casseur potentiel, et de criminaliser le mouvement. Une dynamique qu’on pourrait fort retrouver ces prochains jours dans les polémiques que ne manqueront pas de susciter les déprédations commises à Berne. Au-delà des questions, reste l’essentiel, rendu presque invisible par les dégâts matériels qui monopolisent l’attention des médias. L’UDC n’a pas tout à fait rameuté les foules annoncées. Ils étaient un peu moins de 10.000, Pour la plupart très jeunes ou plutôt âgés, à l’image de ces catégories les plus fragiles de la population que l’UDC emprisonne dans ses peurs. Ils étaient rassemblés derrière Zottel, l’animal nauséabond que les amis de Christoph Blocher se sont choisi comme mascotte. En face, malgré la défection des principales forces de gauche, près de 3000 personnes ont réussi le pari de se réunir dans le calme pour condamner le racisme de la campagne de l’UDC. Cela prouve que, plus que dans la rue, les forces existent pour faire reculer l’UDC dans les esprits. Le combat doit se poursuivre. Pacifiquement, bien sûr. Mais avec détermination.

Didier ESTOPPEY, Le Courrier, 8 octobre 2007



swisstxt20071006.jpgCasseurs, vraiment ?
Quelques remarques sur l’échec de la marche de l’UDC
et réactions aux commentaires lus sur Indymedia


Concernant la liberté d’expression :
Tirer à balles en caoutchouc sur une foule (env. 500 personnes d’après les médias officiels) rassemblée sur la Krammgasse, attroupement qui était encore, à ce moment là, entièrement pacifique, afin de dégager le chemin pour l’UDC, est-ce vraiment privilégier la liberté d’expression ?

Enfermer 2000 personnes sur une place avec des jeeps à grilles de 3m de haut, avec des pandores armés de fusils perchés dessus, qui tirent sans hésiter dès que la foule essaie de quitter la place. Est-ce de la liberté d’expression et de la liberté de manifester ?

Combien de fois nous-a-t-on interdits d’aller manifester contre le WEF à Davos ? Interdiction soutenue en premier lieu par les politiciens UDC (mais aussi par ceux de droite et de gauche) !

Concernant les réactions politiques :
Force m’est de constater qu’en dehors de l’UDC et de la gauche qui tapent de concert sur les autonomes, en prétendant que tout le mal du monde est de leur faute, la droite, à commencer par Couchepin, regrette les débordements mais accuse l’UDC d’être celui qui provoque et ne fait que récolter la tempête bien méritée.

C’est du reste assez frappant de constater que c’est avant tout la gauche et l’extrême gauche qui entretiennent le mythe du casseur apolitique qui détruit tout par plaisir (cf. tous leurs communiqués de presse) et refusent de voir derrière les émeutiers, des militants politiques. Qu’ils soient d’accord ou non avec leurs méthodes et/ou leurs revendications est une chose, mais leur théorie (selon l’époque) du casseur, du black block zurichois ou des autonomes lyonnais (pour les plus vieux) responsable de tout c’est juste de l’aveuglement politique.


 À relever Samuel Schmied (conseiller fédéral UDC), qui, bien que passablement censuré par la presse, se distancie de la marche UDC à laquelle il a refusé de participer car il ne voulait pas défiler aux côtés de néo-nazis !

Concernant faire le jeu de l’UDC :
Peut-être (et encore cela se discute) cela fait-il un peu le jeu de l’UDC, mais c’est toujours mieux que de voir la Une des journaux avec Blocher porté triomphalement au Palais fédéral par le peuple. Et c’était ça la manchette alternative du Matin, si la marche pseudo-fasciste de l’UDC n’avait pas été bloquée.


Tout est question de symbole : l’UDC avait beaucoup misé sur l’image d’un parti gagneur, martyrisé par la classe politique, mais soutenu par le peuple et la rue. L’arrivée drapeau au vent au Palais fédéral devait illégitimer toute tentative de l’évincer du Conseil fédéral en donnant cette image de lui soutenu par la foule jusqu’au palais. Aujourd’hui la rue a dit non et l’UDC n’a pas ces images, il ne peut que jouer au parti pleurnichard qui ne peut pas se promener à Berne et que c’est la faute des méchants gauchos (alors peut-être marque-t-il des points mais certainement moins que dans l’autre scénario). Aujourd’hui l’UDC a l’étiquette UDC = émeutes et cela ne pourrait inciter une partie des votants à choisir des partis plus dans la tradition feutrée de la politique suisse.


563986.jpgConcernant les motivations politiques des manifestants (réponse à Dominique cf. post manif UDC) :
Et puis quant aux réalisations concrètes et au manque d’imagination c’est peut-être que tu ne regardes que du côté de la politique classique. J’ai l’impression, pour avoir discuté avec certain-es que la plupart des personnes présentes à Berne sont extrêmement investies dans des projets de vie quotidienne et ne cherchent pas à faire la révolution, à laquelle plus grand monde ne croit, ni à prendre le pouvoir, mais à se dégager suffisamment d’espace pour pouvoir développer des modes de vie alternatifs, quitte à être rejoints par ceux-lles qui le désirent. La politique politicienne ne les intéresse pas, elle est stérile, ils ne cherchent qu’à défendre la possibilité de construire un autre monde dans les interstices de celui-ci, pour tous ceux qui le veulent. Ils sont plus dans le concret que dans la théorie. Leur but n’est pas de se faire élire mais de continuer, et d’offrir la possibilité aux autres de pouvoir vivre différemment.

Publié dans Anti-racisme

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