Communiqué des détenus du centre de rétention de Ponte Galeria à Rome

Publié le par la Rédaction

 

Le texte qui suit est un communiqué d’un groupe de détenus du centre de rétention de Ponte Galeria, à Rome. Ils ont voulu nous raconter leurs conditions de vie et ce qui s’est passé le 3 juin dernier, une révolte et des évasions. Neuf personnes sont passées en comparution immédiate le jour suivant, et attendent leur procès ; cinq personnes se sont évadées, une d’entre elles a été arrêtée non loin du centre le jour suivant. Ce communiqué nous a été dicté au téléphone. Nous avons choisi de ne pas le réécrire et de maintenir donc la langue qu’ils ont utilisée. Pour cette raison, nous avons gardé le même langage dans la traduction. Nous vous demandons donc de le diffuser le plus possible, mais sans faire de corrections, même si certaines tournures vous semblent parfois incorrectes. Les détenus nous demandent de le diffuser le plus possible, n’hésitez donc pas à le distribuer et à l’envoyer partout et à tout le monde. Si vous voulez des précisions, n’hésitez pas non plus à nous écrire. 
Liste de diffusion Migreurop, 11 juin 2010.

 

 

À toutes les personnes qui vivent dans ce pays,

À tous ceux qui croient les journaux et la télévision.

 

Ici, ils nous donnent de la nourriture avariée à manger, les cellules où nous dormons ont de vieux matelas et nous choisissons donc de dormir par terre. Quelques-uns d’entre nous ont la gale et la douche et les toilettes ne fonctionnent pas. Le papier toilette est distribué seulement deux jours par semaine, et ceux qui font le ménage dans le centre ne font rien et laissent sales les lieux où nous sommes contraints de vivre.

 

La rivière proche du parking en dehors du centre est pleine de grenouilles et de moustiques qui nous dérangent beaucoup toute la journée ; on nous promet de résoudre le problème, mais il continue chaque jour.

 

Il y a des détenus qui viennent des autres CIE (centres d’identification et d’expulsion) et aussi des prisons, qui ont été habitués à prendre leur «thérapie», mais ici, ils nous donnent des somnifères et des tranquillisants pour nous faire dormir toute la journée.

 

Quand nous demandons d’aller à l’infirmerie parce que nous sommes malades, l’Auxilium (gérant du centre qui a pris la place de la Croix Rouge) nous contraint à attendre, et si nous insistons, une bande de 8 ou 9 policiers nous enferment dans une pièce menottés, se mettent les gants et nous tabassent fort.

 

Pour se raser, tu dois faire une demande et tu dois attendre, un jour par semaine la barbe et un jour les cheveux. Nous ne pouvons pas avoir de lames de rasoir.

 

Ils nous appellent hôtes, mais nous sommes détenus.

 

Ce que nous nous demandons est pourquoi après la prison, nous devons aller dans ces centres, et pourquoi, après que nous avons terminé notre peine de prison, nous devons passer 6 mois dans ces lieux sans savoir pourquoi. Ne nous ont-ils pas déjà identifiés en prison ? Pourquoi une autre condamnation de 6 mois ?

 

Nous tous ne sommes pas d’accord avec cette loi, 6 mois, c’est beaucoup, et nous ne sommes tout de même pas des animaux. C’est pour ça que tous ceux qui sont ici ont fait la grève de la faim, et alors, le soir du 3 juin a commencé comme ça :

 

Ils nous ont dit : «si tu manges pas, tu ne prends pas de cure», mais ici, il y a des personnes qui ont des maladies graves, comme le diabète, et s’ils ne mangent pas et ne reçoivent pas leur cure, ils meurent.

 

L’un d’entre nous est allé parler avec eux, et ils l’ont emmené dans une pièce à côté de l’infirmerie où il n’y a pas de caméras, et ils l’ont tabassé. Ainsi les gens ont commencé à hurler de le laisser tranquille. À ce moment-là, environ 50 policiers sont entrés avec leur matériel et un objet électrique qui quand il touche les personnes, les personnes tombent.

 

Les gardes se sont tous déplacés sur les toits à côté de la caserne des carabiniers qui se trouvent à l’intérieur du centre, à gauche du terrain de foot. 50 autres policiers sont entrés de l’autre côté.

 

Quand nous avons vu les policiers, les carabiniers, les militaires, les policiers de la Finanza (autre corps de police italienne) et l’équipe d’intervention mobile du bureau des étrangers (les plus infâmes) sur les toits, l’un d’entre nous a essayé de comprendre pourquoi ils étaient en train de tabasser le garçon dans la pièce sans caméras. «Vas-t’en dégueulasse» a répondu un policier. À ce moment-là, nous sommes tous montés sur les grillages et les portails et quelqu’un a incendié un matelas, et donc les policiers ont eu peur et ils sont allés dehors pour rattraper quelqu’un qui s’échappait.

 

À partir de cet instant-là, ils ne nous ont plus donné ni à manger ni de médicaments pendant deux jours.

 

Nous avons pris un vieux robinet et nous avons défoncé la porte pour sortir, et quand la police a vu que la porte était ouverte, ils ont pris leurs casques et leurs matraques et ils ont tabassé le plus jeune du centre, un Égyptien. Ils l’ont fait tomber et ils nous ont tous tabassés, même avec des gaz. Ils ont cassé la jambe à un Algérien et ils ont emmené une personne âgée dont la famille et les enfants ont grandi à Rome, et après ils ont lancé des gaz lacrymogènes. Ils ont dit que nous avions voulu faire de la fumée pour ne pas être vus par les caméras. C’est ça que les journaux ont écrit.

 

Nous étions 25, et certains sortaient de la mosquée loin du bordel, mais samedi, les journaux ont écrit que tout avait été organisé dans la mosquée, et maintenant, ils veulent la fermer. Mais s’ils fermaient la mosquée, il y aurait encore du bordel.

 

Nous venons de pays pauvres, de pays en guerre, et certains d’entre nous ont vu leur famille se faire tuer devant leurs yeux. Certains ont fui pour voir le monde, et ils ont vu seulement des grilles et des grandes portes fermées.

 

Nous voulons travailler pour aider nos familles, mais la loi est un peu dure et ils nous mettent dans ces centres. Quand nous arrivons pour la première fois, nous ne savons même pas comment est l’Europe. Certains d’entre nous ont été emmenés ici directement de la mer, et n’ont jamais vu l’Italie.

 

La pire des choses, c’est de sortir de prison et d’être mis dans les centres pour encore 6 mois.

 

Nous ne sommes pas venus pour créer des problèmes, seulement pour travailler et avoir une vie différente, pourquoi ne pouvons-nous pas avoir une vie comme tout le monde ?

 

Sans argent, nous ne pouvons pas vivre et nous n’avons pas étudié parce que le premier grand problème, c’est la pauvreté. Il y a des gens qui ont peur des peines et des problèmes dans leur propre pays.

 

La loi qu’ils ont faite n’est pas juste, et ce sont ces choses qui te font haïr l’Italie. Si quelqu’un n’est jamais allé en prison dans son pays, il y est déjà allé en Italie. Nous voulons avoir une vie normale et aider nos familles qui nous attendent.

 

Nous espérons que vous pouvez comprendre ces choses, qui sont vraiment honteuses.

 

Un groupe de détenus de Ponte Galeria.

 


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<br /> <br /> Nous allons mettre le lien de cet article sur notre blog, cela permettra en outre à nos lecteurs de vous connaître.<br /> <br /> <br /> Nous recevons parfois des mails d'"honnêtes gens" qui montrent des images d'une prison française neuve avec des infrastructures assez luxueuses (salles de muscu etc).<br /> <br /> <br /> Un jour, coupables ou  non, ils tâteront peut-être de ce genre d'établissement, qui existe aussi en France.<br /> <br /> <br /> Notre amie Jacqueline (non coupable, et suicidée depuis, voir le lien sur son affaire dans notre colonne de présentation)  avait été mise au mitard un mois d'avril: on lui balançait des<br /> seaux d'eau froide, la privait de nourriture. Elle buvait le goutte à goutte  de la canalisation du lavabo, qu'elle avait réussi à fendre. Pas de visite de la famille, pas de livres ...<br /> l'aumônier avait alerté ses prôches et sa jumelle avait  écopé de 3 mois avec sursis pour avoir médiatisé cette situation.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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