Ces parents qui refusent le soutien individuel
Si l’administration assure que 100% des écoles du Jura ont mis en place le soutien individuel, certains parents font de la résistance. Sonia Pomario refuse que sa fille fasse des journées à rallonge.
La petite Camille, cinq ans et demi, est en CP à l’école de Crançot dans la même classe que son frère jumeau Benjamin. Fin septembre, ses parents ont reçu une lettre du directeur leur annonçant que la petite était admise en cours de soutien jusqu’aux vacances de la Toussaint, son frère échappant à cette mesure. Les horaires des modules étaient même fixés : le mardi et le jeudi de 16h45 à 17h30.
Pour la famille Pomario, pas question de laisser Camille suivre ces cours, pour des raisons d’éthique et pour des motifs pratiques. Sonia Pomario, sa mère, est déléguée de parents d’élèves. Depuis mars dernier, elle milite contre cette réforme : «Cette mesure a été prise n’importe comment, sans concertation avec les parents, juste pour que les enseignants récupèrent les 72 heures qu’ils ne font plus le samedi matin. Je suis contre parce que ma fille a déjà du mal à se concentrer toute une journée, le soir quand elle rentre elle est crevée. En plus, si elle suit ces modules, elle ne pourra plus prendre le bus et je devrai aller la chercher en voiture. Si elle a vraiment besoin de soutien, qu’elle soit inscrite en Rased, au moins ce sont des spécialistes. Je travaille à mi-temps et avec mon mari on accompagne Camille dans ses devoirs, je pense qu’on est en mesure de la faire travailler nous-mêmes.»
Depuis trois semaines, Camille ne suit donc pas les cours et le résultat ne semble pas catastrophique : «On passe plus de temps encore avec elle, en particulier le mercredi et elle est très volontariste, ça se passe bien et elle fait des progrès petit à petit. Je vois souvent l’institutrice qui la motive et respecte notre position. Ça se passe bien.»
Pourtant, tout n’a pas été simple pour la famille Pomario : «En tant que parents, on se posait des questions. Était-ce bon de refuser ce soutien ? N’allait-on pas subir de représailles ? La petite ne serait-elle pas montrée du doigt ? Aujourd’hui, on ne regrette rien, l’administration ne peut rien contre nous et Camille travaille bien à la maison, elle n’est pas fatiguée, on respecte ses rythmes. Il n’y a pas de raison qu’on modifie notre position. D’ailleurs, je pense même que pour le prochain module qui sera mis en place après les vacances, d’autres parents refuseront. Beaucoup d’enfants ont du mal à faire leurs devoirs après 17h30 et il y a souvent des crises de larmes !»
Armand Spicher
Administration et FSU en désaccord
Pour le rectorat, le lancement du soutien individuel est une réussite : 316 écoles sur 316, 3616 élèves pris en charge (760 en maternelle et 2856 en élémentaire) soit 15,15% du total par 1030 enseignants dans des groupes de 3,5 élèves en moyenne. De bonnes conditions et une adhésion massive…
Côté FSU, on dénonce «un effet de manches» et on fait remarquer que parmi l’avalanche de statistiques, on ne mentionne pas le nombre de parents qui ont refusé, ni le nombre de ceux qui profitent de l’aide sans que leurs enfants en aient vraiment besoin. Sur le fond, le syndicat s’interroge sur ce que cette mesure va réellement apporter aux enfants et insiste sur la lourdeur de journées pour des élèves qui devront se lever plus tôt et travailler plus. La FSU fait aussi remarquer qu’en trois ans, l’ensemble des postes Rased (spécialistes du suivi individuel) seront supprimés.
Le Progrès (édition du Jura), 17 novembre 2008.