Travailleurs étrangers dans les Émirats du Golfe

Publié le par la Rédaction


Les pays du Golfe, et en particulier les Émirats Arabes Unis, sont de véritables chantiers de construction ; des milliers de tonnes d’acier, de béton et de verre et toutes sortes de nouveaux matériaux sont importées ou fabriquées sur place, chaque année, pour des projets qui dépassent toute imagination : des tours, les plus hautes du monde, des hôtels (sept étoiles) flottant sur des îles artificielles, des cités nouvelles ou des stations de ski en plein désert. Des milliers d’entreprises réalisent des profits annuels astronomiques, sur le dos de quatorze millions d’ouvriers qui travaillent nuit et jour, sans durée légale du travail, sans protection sociale, sans salaire minimum, dans des conditions dignes d’un roman de science fiction. Une région apocalyptique où se mêlent l’Islam comme système de pensée et de gestion des relations sociales, le capitalisme le plus barbare comme système économique et un pouvoir héréditaire et absolu de quelques familles princières comme système politique. En prime, l’armée américaine surveille et assure la sécurité des puits de pétrole, et pour compléter ce cauchemar, les riches du monde entier viennent y admirer les parfums des mille et une nuits et s’extasier devant le miracle économique et architectural, sans s’apercevoir que la région est sur un volcan.

En 1853 le Royaume Uni signe un accord avec plusieurs chefs de tribus arabes pour stopper les actes de piraterie exercés contre les navires britanniques puis, en 1892, après que toute la région est sous contrôle anglais, les «États de la trêve» (trucial States) sont placés sous protectorat et font partie de l’empire colonial britannique ; en 1971, six Émirats retrouvent leur indépendance et forment une fédération, «les Émirats Arabes Unis» (E.A.U.) ; une année plus tard en 1972 Ras el Khaïmah a rejoint la fédération. Cette fédération est constituée de sept émirats : Abu Dhabi, Ajman, Charja, Dubaï, Fujaïrah, Ras El Khaïma, Oumm Al Qaïwain. Les réserves gazières et pétrolières les plus importantes sont à Abu Dhabi, capitale politique de la fédération ; Dubaï est considéré comme la capitale économique ayant développé depuis quelques années d’autres activités industrielles et financières comme les ports en zone franche, les nouvelles technologies et le tourisme de grand luxe. L’E.A.U. est membre du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ; ce conseil est constitué des pays de l’E.A.U., l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Bahreïn, le Qatar et Oman. Le CCG a été créé le 26 mai 1981, à l’initiative de l’Arabie Saoudite, sous l’impulsion des États-Unis, pour contrer l’Iran et l’Irak, régimes supposés hostiles aux intérêts américains, et limiter les conséquences nuisibles à l’exploitation pétrolière de la guerre Iran-Irak, instaurer un marché commun dans la région, y assurer la stabilité économique et politique et unifier le système financier.

Immigration

La première immigration dans le Golfe était essentiellement composée de cadres venant de pays arabes : médecins, ingénieurs, professeurs, hommes d’affaires, avocats et autres juristes venant d’Égypte, du Liban, de Syrie et de Palestine ; ce sont eux qui ont contribué à la fondation des bases des États du Golfe actuels et introduit des idées comme le nassérisme, le baâthisme, l’islamisme, le nationalisme arabe, la laïcité et une certaine forme de modernité.

Ces premiers immigrés participaient activement à la vie sociale, politique, économique et intellectuelle du pays ; ils étaient présents à la création des premiers partis politiques et certains rejoindront les mouvements «révolutionnaires» marxistes-léninistes comme le Front Populaire de Libération d’Oman et du Golfe Arabe (FPLOGA), actifs dans le maquis de Dhofar de 1963 à 1975. À partir de 1973, des ouvriers issus des pays arabes commencent à arriver, fuyant le chômage qui fait des ravages en Égypte, au Liban, en Syrie et en Jordanie, etc. ; ils sont paysans, pauvres venant des banlieues où ils vivent dans la misère, ils sont attirés par le boom économique dû à la première hausse importante du prix du pétrole. En 1990, l’invasion du Koweït par l’Irak va bouleverser cette situation et les travailleurs originaires de Jordanie, du Yémen, du Soudan ou de Palestine seront les victimes de vagues d’expulsion. Les émirats du Golfe expulsent tous les ressortissants dont le pays ou les régimes sont supposés soutenir l’Irak, et notamment au Koweït où les Palestiniens représentaient à l’époque près de 40% de la population.

Dans les années 90, l’immigration s’ouvre à d’autres continents pour remplacer les ressortissants arabes devenus indésirables ; la main d’œuvre vient alors d’Asie du Sud et du Sud-Est, poursuivant un processus déclenché dès les années 80 pendant la guerre Iran-Irak. Actuellement la majorité des travailleurs étrangers sont originaires de l’Inde, du Pakistan, du Népal, du Sri-Lanka, des Philippines, et aussi de Malaisie, d’Indonésie, travaillant essentiellement dans le bâtiment. Par contre dans le secteur de l’administration et de l’enseignement, on retrouve des étrangers venus des pays arabes comme l’Égypte, la Tunisie, etc. car l’arabe est la langue officielle du pays. À partir des années 70, le pays a connu un développement considérable au niveau économique, passant d’un niveau de vie très bas à celui de quatrième au rang mondial du PIB par habitant. Le développement soudain lié à l’industrie du pétrole a provoqué une forte progression démographique nécessitant une demande croissante de main d’œuvre étrangère.

La population de l’ensemble des pays du CCG est de 35 millions d’habitants dont 14 millions d’étrangers soit 40% de la population, selon les chiffres officiels du CCG ; leur répartition est variable d’un pays à l’autre et d’une période à l’autre en suivant les fluctuations économiques et le prix du pétrole.

Étrangers permanents

La population des Émirats Arabes Unis varie entre 4 et 5 millions et le pourcentage de travailleurs étrangers est de 80 à 85% de la population, selon les sources. Le terme «immigrés», en arabe «muhajiroun», appartient à l’histoire de l’Islam et à l’Arabie Saoudite, il est réservé aux premiers adeptes de Mohammed qui l’ont suivi dans sa fuite de la Mecque pour fonder la première société musulmane à Médine, date qui marque le début du calendrier musulman (hijri). Dans les pays du Golfe, on désigne les travailleurs immigrés par le terme «ajnabi», qui signifie étranger.

Pour d’autres raisons, on peut penser que le terme de travailleurs immigrés est impropre à désigner ces millions de personnes car, dans le cas d’une immigration classique, il y a toujours la possibilité de s’installer ou de refaire sa vie là où on vit et travaille. Alors que dans les pays du Golfe, le travailleur n’a aucune vie sociale réelle en dehors du chantier ou de l’entreprise, très peu de contact avec la population du pays et aucune possibilité d’installation même provisoire. En effet, les naturalisations, qui ne sont le fait que du Prince, sont quasi-inexistantes ; la nationalité ne se transmet que par le sang et par le père. Il arrive même que les enfants d’un couple mixte ne puissent pas bénéficier de la nationalité du père, si la mère est de nationalité étrangère. On pourrait plutôt parler de délocalisation ou de déportation de masse, pour le temps nécessaire à tel ou tel projet. Cette situation précaire rend plus difficile l’organisation des ouvriers qui sont menacés en cas de grève, non pas de perdre leur travail mais d’être expulsés et de perdre tout à la fois.

On ne peut même pas qualifier ce système d’esclavage car l’esclavage «classique» a permis aux anciens esclaves de gagner leur liberté après des luttes, du fait de leur présence sur place depuis plusieurs générations ; ici l’esclavage temporaire ou provisoire prive ces travailleurs de la construction d’une histoire, par le roulement permanent de la main d’œuvre, ce qui va s’accentuer avec l’instauration d’un seuil de six ans comme limite à la présence d’un travailleur dans le pays. D’autre part cette précarité extrême crée une situation où le sentiment d’injustice et d’inégalité est tellement fort qu’il peut déclencher une gigantesque révolte à l’échelle du Golfe tout entier, et c’est l’une des raisons de la présence de l’armée américaine et de l’armée française (voir encart en fin d’article).

Une législation d’exclusion

La situation est la même dans tous les pays du Golfe, malgré l’existence de lois qui réglementent d’une manière très rigoureuse les conditions d’entrée et de sortie des travailleurs et de leur séjours, celles qui réglementent le travail sont rudimentaires et minimalistes. Par ailleurs, ces lois ne concernent pas les travailleuses et travailleurs domestiques, majoritairement des femmes, qui subissent toute sorte d’exploitation et d’humiliation allant jusqu’aux violences physiques et sexuelles, à la privation de nourriture et à la séquestration… Les travailleurs étrangers ne disposent d’aucun droit à la retraite, à la sécurité sociale ou à faire grève ; ces lois n’autorisent pas le regroupement familial. Dans aucun pays du Golfe il n’existe de durée légale du travail. Depuis 2005, le gouvernement des E.A.U. a interdit le travail sur des chantiers en extérieur de 12h30 à 16h30 pendant les mois de juillet et août, la chaleur étant la cause de nombreux accidents du travail, souvent mortels, mais sous la pression des entreprises, cette interdiction n’a été appliquée que récemment en 2008 et modifiée de 12h30 à 15h. Il n’y a aucun règlement concernant les salaires, les ouvriers non qualifiés touchent entre 100 à 200 dollars par mois.

Pour travailler dans ces pays, il faut passer par des agences d’embauche qui se situent soit dans le pays d’origine soit dans le pays d’embauche. Selon la loi, c’est l’employeur qui paie mais la plupart du temps les agences obligent l’ouvrier à payer des sommes pouvant aller jusqu’à 4000 dollars ; il doit alors emprunter mais son salaire ne suffit pas à rembourser les dettes. Les travailleurs ne peuvent entrer et travailler dans ces pays sans passer par un autre intermédiaire administratif, nommé kafil ou garant. Le kafil peut être une agence ou un particulier qui est considéré comme le responsable légal de l’ouvrier, et cela peut être aussi l’employeur, lui-même. Le plus souvent c’est le kafil qui contacte les agences d’embauche pour recruter la main d’œuvre demandée. À l’arrivée de l’étranger, le kafil lui prend son passeport, décide de l’endroit où il sera logé, de son lieu de travail, et touche un pourcentage du salaire, etc. Le travailleur ne peut changer ni de travail, ni de logement, ni voyager sans l’accord du kafil, ce qui correspond à un système d’esclavage prononcé et une exploitation sans limite, sans aucun recours légal ; si l’ouvrier quitte son emploi de sa propre initiative, il est considéré comme déserteur et c’est à la police de le retrouver et de l’expulser. Parfois même, il ignore sa destination ou bien on la lui dissimule, comme en 2007 où il y a une panique dans un vol venant des Philippines : les passagers, des travailleurs d’une entreprise de construction des Philippines, apprennent durant le vol que leur destination est en fait l’Irak et non Dubaï comme prévu et que ce travail consiste à construire la nouvelle ambassade américaine dans la zone verte de Bagdad. Toute contestation, grève ou arrêt de travail est hors-la-loi, la police et l’armée interviennent immédiatement pour arrêter le mouvement et obliger les grévistes à reprendre le travail ou bien c’est l’expulsion. Dans une usine de prêt-à-porter au Barheïn, une grève a été déclenchée pour réclamer les salaires non payés depuis six mois, en réponse ce fut une répression sanglante et l’expulsion immédiate de 60 ouvriers, sans aucune possibilité de se défendre. Les organisations syndicales ou toutes autres formes de regroupements ouvriers sont interdites à l’exception du Koweït et du Barheïn, mais ces syndicats semi-indépendants s’occupent rarement des travailleurs étrangers.

Un racisme réel

Les travailleurs étrangers subissent un racisme ambiant qui se généralise de plus en plus au fur et à mesure que la contestation grandit. Ce racisme est quotidien dans le travail mais aussi dans l’administration où ils sont considérés comme des esclaves. Les gouvernants du CCG craignent que le grand nombre d’étrangers «étouffe la culture arabo-musulmane de la région». Le ministre du travail du Bahreïn, Majid Al-Alawy, déclare que «les travailleurs immigrés constituent un danger plus grave qu’une bombe atomique…», en soulignant que le nombre d’immigrés «risque» d’atteindre les 30 millions dans dix ans. Actuellement les permis de séjour et de travail sont d’un an renouvelable et les cas de naturalisation inexistants, même pour les ressortissants des pays arabes qui sont sur place depuis des dizaines d’années. En décembre 2007, le CCG étudie un projet de loi limitant le temps de séjour des travailleurs étrangers à six ans maximum, sous forme d’un contrat de travail de trois ans renouvelable une seule fois pour les ouvriers non qualifiés, mais les hommes d’affaires et les chefs d’entreprise s’y opposent fermement. En mai 2008, le conseil national fédéral des E.A.U. a adopté une recommandation allant dans le sens de cette restriction, en argumentant que de trop longs séjours des travailleurs étrangers pourraient impliquer, selon les lois internationales, des droits pouvant nuire à la composition démographique de la fédération, comme le droit à la nationalité ou à la propriété ou tout simplement les droits sociaux.

Le travail au noir existe comme système d’exploitation pire encore que tout ce qui vient d’être dit. Il y a des notables bien placés, intouchables, jamais contrôlés par le Ministère du Travail, qui procurent des autorisations pour faire venir des ouvriers en se constituant garants-kafil ; en échange ils demandent une somme fixe tous les mois mais c’est à l’ouvrier de se trouver du travail tout seul, ce qui est illégal et celui-ci risque d’être expulsé à tout moment. Beaucoup d’entreprises font appel à ces «clandestins» qui sont payés moins cher et travaillent dans les conditions les plus dures. L’Arabie Saoudite expulse entre 350 à 400.000 étrangers par an. En automne 1996, l’E.A.U. organise des rafles de grande envergure et l’expulsion de 167.000 immigrés illégaux ; les entrepreneurs sont hostiles à ce genre d’expulsion massive car cela entraîne une baisse de la population, soit une diminution et un ralentissement de la consommation et de la productivité et par suite une hausse du coût de la main d’œuvre.

Les «déserteurs» sont des ouvriers qui arrêtent de travailler, s’enfuient de leur logement, ne supportant plus les conditions inhumaines dans lesquelles ils vivent ou simplement parce qu’ils ne sont pas payés depuis des mois. C’est l’expulsion au bout du chemin mais il y a aussi des employeurs qui, pour se débarrasser d’un ouvrier, font appel à la police en le déclarant déserteur.

Le code du travail oblige les employeurs à loger leurs ouvriers «décemment» mais en général ils les entassent dans des campements ou des camps de bâtiments délabrés, inachevés, tels des bidons-villes ; les chambres mesurent 4×3 m avec six à huit lits superposés, des douches et des toilettes collectives. L’année dernière, seize personnes sont mortes dans un incendie dû à des conditions de logement précaires où, dans un bâtiment prévu pour accueillir 50 personnes, il y en avait 300.

Les émeutes

Le 19 mars 2008, mille cinq cents ouvriers ont cessé le travail dans une entreprise de maintenance électrique dans la région de Sâjaa dans l’émirat Achariqua ; ils ont mis le feu et saccagé d’abord ce qui leur sert de logement ; ensuite, sur le parking de leur entreprise, ils ont brûlé une cinquantaine de voitures et 28 bus. Deux semaines auparavant, un représentant avait été désigné pour discuter avec le «bureau du travail» de la question des salaires (augmentation et paiement des arriérés) sans aboutir. Les travailleurs ont commencé à s’organiser et à se révolter un peu partout dans la région, revendiquant des augmentations de salaires, de meilleures conditions de logement, le droit aux indemnités de maladie, celui de faire grève, d’avoir un jour férié par semaine et des congés annuels, pour le moins. Ces revendications ne datent pas d’aujourd’hui, les statistiques officielles indiquent que, dans la période de mai à décembre 2005, il y a eu au moins huit grèves de grande ampleur, comme celle de septembre 2005 où environ 1000 ouvriers ont bloqué une route centrale à Dubaï. En 2006, plusieurs grèves et manifestations ont eu lieu notamment le 16 mai ; en 2007 des événements semblables éclatent pendant tout le mois de février, puis en juillet, et avec une grève importante au mois d’octobre. En octobre 2007, plus de 40.000 ouvriers du bâtiment bloquent la principale route menant à la zone de libre échange de Djebel Ali où siègent des centaines d’entreprises ; ils attaquent les voitures à coup de pierres et de barres de fer, des milliers d’ouvriers d’autres entreprises les ont ensuite rejoints. Les forces anti-émeute sont intervenues à coup de canon à eau pour disperser les manifestants qui s’en sont pris aux véhicules des forces de l’ordre, des hélicoptères ont survolé la zone pour filmer la scène et identifier les manifestants. Le lendemain, le mouvement de grève s’est étendu à trois autres zones de Dubaï mais, par une répression terriblement efficace, la police a fini par mettre fin à la révolte et enfermer les grévistes dans leurs logements où ils sont restés assiégés en attendant leur expulsion. Le ministre du travail de Dubaï a qualifié les émeutiers de «barbares» et a annoncé son intention d’expulser définitivement les 4500 ouvriers arrêtés et accusés de révolte et d’agressions contre les forces de l’ordre ; finalement il a décidé de n’en expulser que 159, dont 90 Indiens. Les autres ont repris le travail le 31 octobre. Les grévistes demandaient une augmentation de leur salaire qui est de 100 à 200 dollars par mois, une augmentation du nombre de bus pour se rendre sur le lieu de travail qui peut se situer à 40 km et l’amélioration des conditions de logement. Il faut savoir que le salaire mensuel moyen dans ces pays est de 2106 dollars, alors que celui d’un travailleur étranger est de 175 dollars, selon les chiffres de Human Rights Watch (Observatoire international des Droits de l’Homme).

La plupart des informations dont nous disposons viennent soit de la presse locale ou de la presse arabe en général, soit des diverses organisations de défense des droits de l’homme ; nous savons peu de choses sur les mécanismes de déclenchement des grèves et des émeutes. Le facteur essentiel, ce sont les conditions de logement concentrationnaires qui, d’une certaine façon, permettent aux ouvriers de s’organiser, de discuter ensemble en permanence ; le fait que les ouvriers d’un chantier vivent dans le même baraquement facilite les prises de décisions collectives très rapidement et à l’improviste, suite à un retard de salaire par exemple. Mais cette concentration les fragilise aussi puisque le contrôle et la répression par la police peuvent intervenir plus vite et massivement. L’absence de syndicats en revanche est un atout pour l’auto-organisation. Mais celle-ci est mise en doute par les médias qui, à propos de la grève de 2006, mentionnent que ces mouvements sont de mieux en mieux organisés, de plus en plus durs, qu’ils peuvent s’étendre à des dizaines de sites dans le pays pour une même entreprise. Ils font alors le lien entre la majorité des grévistes organisés et leur origine indienne de l’État d’Andhra Pradesh, les qualifiant d’ouvriers hyper-politisés sous influence de groupes maoistes «Naxal» ; ces groupes mènent une guérilla armée dans cette région de l’Inde, et d’autres aussi, depuis les années 70. Les médias vont jusqu’à prétendre que des membres de «Naxal» (des naxalites) infiltrent les travailleurs indiens pour les organiser.

Face à l’ampleur des révoltes, les différents gouvernements des pays du Golfe ont été contraints de prendre en compte la précarité de la situation sociale, notamment après les grandes grèves et événements de 2007 qui ont fait l’objet d’une couverture médiatique importante et de plusieurs rapports des associations humanitaires dénonçant les conditions de travail. Plusieurs responsables politiques des E.A.U. ont déclaré leur intention de se pencher sur la question et de négocier avec les entreprises une augmentation de salaire et une amélioration des conditions de logement, de transport, etc. Le 4 mai 2008, lors d’un colloque intitulé «Vers une prise de conscience des droits et devoirs des travailleurs» organisé par la Direction générale des droits de l’homme de la police de Dubaï, le directeur et colonel Muhammed Al-Murr déclare que le gouvernement des E.A.U. a décrété plusieurs lois allant dans ce sens ; qu’en 2007 le gouvernement a obligé les entreprises à verser 52 millions de dollars de salaires en retard ; qu’il a fermé 1300 entreprises pour défaut de paiement des salaires et autorisé 1350 ouvriers, qui n’avaient jamais été payés, à changer d’employeur ; il a remplacé le terme de kafil par celui d’employeur. D’autres mesures ont été annoncées, comme l’augmentation du nombre des inspecteurs du travail : actuellement, il y a 190 inspecteurs du travail pour 240.000 entreprises employant des travailleurs étrangers en grand nombre. Par contre il n’est pas question de légaliser le droit de grève, ni celui de s’organiser en syndicats, ni d’instaurer une durée légale du travail ou un salaire minimum.

Ce qui ne laisse d’autre choix aux exploités que l’insurrection…

Les accords militaires
Un «accord de présence» a été signé avec lÉtat français, le 15 janvier par les autorités des Émirats Arabes Unis, pour linstallation dune base interarmées (Terre, Air et Mer) avec un effectif de 4 à 500 militaires, dont un tiers serait situé dans lactuel port de commerce dAbu Dhabi. La base «sera opérationnelle courant 2009» à Abu Dhabi et assurera le soutien des navires de la marine française en mission dans le Golfe et locéan Indien, ainsi que laccueil de lensemble des moyens militaires que la France déploie régulièrement dans le cadre dexercices interarmées menés en coopération avec les armées des pays du Golfe. Lécole militaire supérieure de SaintCyr ouvrira prochainement à Doha une branche pour former les officiers des armées de terre du Qatar et de plusieurs autres États du Golfe. Des navires de la marine française font déjà escale aux Émirats une trentaine de fois par an. Larmée de lair y organise deux fois par an un stage pour les pilotes de chasse. Larmée de Terre effectue dans la région vingt-cinq exercices annuels, avec échanges dunités et dofficiers, comme en février et mars 2008 lexercice interarmée Gulf Shield (Bouclier du Golfe) qui a regroupé 1400 militaires émiratis et qataris, ainsi que 400 français.
Les Émirats Arabes Unis étudient «sérieusement» le remplacement à partir de 2013 de leurs Mirage 2000 français par lavion de combat polyvalent Rafale de la firme Dassault Aviation. Ils avaient acheté trente Mirage 2000 en 1998. Le contrat de lépoque, dun montant de 3,2 milliards de dollars, comprenait également la modernisation de 33 Mirage. Quatre ans plus tôt, larmée des E.A.U. a commandé plus de 400 chars Leclerc auprès de la firme française Giat. La coopération entre les deux pays, consolidée par un accord conclu en 1995, prévoit un «Haut comité mixte» qui se réunit régulièrement sous la présidence des chefs détat-major français et émirati pour en fixer les grands axes. Les États-Unis sont aussi très présents : létat-major de la Ve flotte est installé à Bahrein, le quartier général du Central Command et le Centre dopérations aériennes pour tout le Proche Orient sont au Qatar, des garnisons et des dépôts sont stationnés au Koweït ; les Émirats Arabes Unis et Oman offrent des facilités aériennes à leur aviation.

Saoud, OCL Toulouse, juin 2008
Courant alternatif no 182, été 2008.

Publié dans Colère ouvrière

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