Le retour du mythe de l'égalité des chances

Publié le par la Rédaction

L’école ne se conjugue pas au passé antérieur. Depuis son origine, l’école de la République repose sur un mythe, celui de l’égalité des chances, réaffirmé dans le préambule aux nouveaux programmes de l’école primaire (bulletin officiel du 20 février) : «Offrir à tous les enfants des chances égales de réussite et préparer, pour tous, une intégration réussie dans la société.»

Or, quelle égalité et quelles chances convoque-t-on dans les nouveaux programmes du ministère de l’Éducation nationale ? Égalité devant une «culture scolaire» dont la clef principale est l’étude de la langue française, comme objet en soi, déconnectée de toute réalité, de toutes pratiques sociales dans lesquelles cet apprentissage prendrait tout son sens ?

Seuls y réussissent les enfants dont le rapport à la langue et à cette «culture» se construit, dans, mais essentiellement hors les murs de l’école…

Cette «élaboration» s’effectuant dans un incessant va-et-vient maison-école donnant du sens à cette dernière, trop souvent incompréhensible pour les non initiés. Aussi, l’insistance avec laquelle les nouveaux programmes ambitionnent de faire travailler les élèves va creuser l’écart entre ceux qui pourront sans trop de difficultés s’exercer pour acquérir cette maîtrise et les autres.

Quelles chances, en effet, va-t-on donner aux élèves quand il va s’agir de se centrer sur les «fondamentaux du français et des maths» en multipliant les exercices systématiques pour le français et les techniques opératoires pour les mathématiques ? Cette vision désincarnée des savoirs à transmettre, son aspect mécaniste, utilitaire va renforcer les inégalités entre les élèves qui s’y colleront et ceux qui y résisteront. Stages de «remise à niveau» pendant les vacances scolaires ou heures de soutien n’y feront rien.

L’école n’a pas besoin d’un retour à la «rédaction» ou à l’«instruction civique et morale», des fausses recettes du passé, où, rappelons-le, la moitié d’une classe d’âge n’atteignait pas le certificat d’étude.

Une école émancipatrice est une école ouverte au monde où les parents ne sont pas cantonnés derrière les grilles.

Une école où il est possible dès la maternelle de produire de nouveaux savoirs plutôt que de les singer.

Une école où faire des mathématiques et du français a du sens parce que ces disciplines s’inscrivent dans un projet, dans un partage, où les productions sont socialisées, où l’on apprend ensemble dans la coopération, l’entraide, où personne n’est stigmatisé parce qu’en «difficulté»…

Tout le contraire de l’école de Monsieur Darcos.

Alain DERVIN, professeur des écoles en ZEP
en Seine-Saint-Denis, syndicaliste CNT

Libération, 17 avril 2008

Publié dans Éducation

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