La police travaille à Calais
jouent au chat et à la souris avec les CRS
Des moyens disproportionnés, dont un hélicoptère, ont été mobilisés pour contenir une manifestation de l’association SOS soutien ô sans-papiers.
Les nombreux touristes anglais présents hier après-midi à Calais ont découvert une ville en état de siège. Peu avant 13 heures, un premier escadron de gendarmes mobiles prend place autour de l’hôtel de Ville où est prévu deux heures plus tard un rassemblement de l’association SOS soutien ô sans-papiers, celle-là même qui avait organisé la manifestation de migrants route de Gravelines le 23 avril dernier lors de la visite d’Éric Besson, ministre de l’Immigration, à Calais.
Au même moment, un hélicoptère sillonne le ciel calaisien, pour repérer tout déplacement suspect. La surveillance aérienne se poursuivra jusqu’en début de soirée.
À 14 heures, le lieutenant Champé, le numéro 2 de la gendarmerie calaisienne, et le commissaire Jean-Philippe Madec, commissaire de la police, fourbissent leurs armes sur la place du Soldat Inconnu. Un gendarme explique : «On attend une cinquantaine de personnes en provenance de Lille, des jeunes essentiellement issues d’un groupuscule anarchiste qui ne viennent pas pour manifester mais pour casser.»
Une heure plus tard, la montagne semble accoucher d’une fourmi. Vers 15 heures en effet, une dizaine d’activistes, arrivant du quai de la Moselle, se présentent au niveau de la voie ferrée le long de la rue Paul-Bert. Mobile, le dispositif de sécurité empêche les manifestants de traverser les voies et de rejoindre l’hôtel de Ville.
«Cette approche n’est qu’une diversion, avoue une militante. L’essentiel de l’opération va avoir lieu à Coquelles, au niveau du centre de rétention administrative.» Le bâtiment se situe à proximité de la Cité Europe. En ce jour férié, les parkings sont bondés et les bus de touristes anglais nombreux. Tous aperçoivent à proximité du centre commercial un impressionnant cordon de sécurité, avec là encore un hélicoptère en renfort. Le Cra de Coquelles, tel une forteresse imprenable, semble la véritable cible des manifestants. L’un d’eux ne s’en cache pas : «On souhaitait arriver par surprise pour occuper le bâtiment et monter sur les toits. Malheureusement, notre opération a été éventée et on a dû l’annuler au dernier moment.»
L’association est accusée d’avoir mis le feu au centre de rétention de Vincennes le 22 juin 2008. «Depuis, partout où on se déplace, les forces de l’ordre font tout pour nous criminaliser», souligne le porte-parole de l’association.

Les militants, dont certains venaient de Paris et même de Bruxelles, pensaient avoir fait le nécessaire pour éviter toute fuite : «On filtrait tous nos e-mails et depuis ce matin, nos portables étaient coupés car certains d’entre nous pensent être sur écoute.»
À 16 heures, tout ce petit monde se retrouve devant la mairie de Calais. Une assemblée générale est improvisée pour décider de la suite à donner au mouvement. Une majorité décide de rejoindre «la jungle» en manifestant. Le cortège s’ébranle rue Mollien. Les militants reprennent en chœur : «Assez de cette société qui fiche les migrants et expulse les étrangers.» Au loin, porte de Gravelines, un cordon de CRS se met en place au niveau du pont. Objectif : empêcher les manifestants de rejoindre «la jungle».
La trentaine d’activistes décident alors de jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre en empruntant tour à tour la rue Chateaubriand, la rue Dupetit Thouars et enfin la rue de Bitche, toujours dans l’espoir de passer de l’autre côté du canal. Mais les CRS veillent et bloquent le moindre sentier d’accès. Dans un dernier baroud d’honneur, les manifestants accélèrent le pas pour tenter de devancer les policiers au niveau du rond-point de l’avenue Cousteau, à proximité du port. En vain. Les CRS sont les plus prompts. Les défenseurs des droits des sans-papiers n’ont alors plus qu’à rebrousser chemin, sans chercher l’affrontement avec les forces de l’ordre. De retour sur le parking de l’hôtel de Ville sur les coups de 18 heures, ils décident d’en rester là pour aujourd’hui mais promettent de revenir bien plus nombreux du 23 au 29 juin à l’occasion de l’installation du camp No Border.
Tout ça pour ça.
Leur presse (Thierry Saint-Maxin, Nord Littoral), 22 mai 2009.
Un hélicoptère, trois compagnies de CRS et gendarmes…
et quarante manifestants
Bizarre la non-manifestation d’hier après-midi en centre-ville de Calais. Face à une quarantaine de jeunes se disant de l’association SOS soutien aux sans-papiers, trois compagnies de CRS et gendarmes. Explications.
«La manifestation était officielle et devait aller de la mairie au port», déclare le commissaire Jean-Philippe Madec.
Pourquoi autant d’hommes en tenue ? «Parce qu’il ne s’agissait pas d’une manifestation classique (défilé syndical par exemple). Nous ne savions pas combien ni qui ils étaient.» Alors une compagnie de forces de l’ordre à la mairie, une autre près du port rue des Garennes et une troisième au Centre de rétention de Coquelles car «on sait qu’il s’agit d’une de leurs motivations». Tout le monde est en place. Le jeu du chat et de la souris peut commencer.
14 heures. — Trois manifestants sur la place de l’hôtel de Ville. «On prépare un coup qui va vous plaire», annonce aux journalistes Rodolphe Nettier, responsable de l’association, venu de Paris.
15 heures. — Rien. Sauf une Calaisienne qui embarque trois migrants du quai de la Moselle vers la mairie.
Elle crie «No fermer jungle» et s’arrête après deux cents mètres. Elle est toute seule.
16 heures. — «C’est mort. On devait aller ailleurs (centre de rétention de Coquelles), ici c’était un leurre mais il y a eu des fuites. La police nous a bloqués», explique le leader par téléphone… alors que les journalistes sont sur place, à Coquelles. Il ne s’est rien passé. «On se replie devant la mairie, nous sommes une centaine…» Les quarante manifestants, donc, ont pris le chemin du port, comme convenu au départ, en dénonçant les retours en silence par charters. Et de continuer à jouer au chat et à la souris avec des forces de l’ordre.
«Que se passe-t-il ?» C’est la question que se posent tous les Calaisiens ayant assisté à ce défilé. «C’est pour que les migrants restent là, c’est ça ?», interroge l’un. «Et ils viennent d’où pour ça ?», interroge l’autre. De Paris, de Lille, de l’Aisne. D’un peu partout, mais pas de Calais. Toutes les personnes ayant croisé les policiers, entendu l’hélicoptère, se sont demandés «quel drame se jouait». Il n’en était rien. L’association a promis de revenir. Ça promet. Seulement, on n’a pas répondu à la question essentielle : pourquoi demander à manifester… et ne pas le faire ? Que cherchaient vraiment ces manifestants ? Un soutien local ? C’est raté.
Leur presse (Laurent Renault, La Voix du Nord), 22 mai.