Les autorités de Guadeloupe gagnées par la panique

Le président du Conseil régional de Guadeloupe Victorin Lurel a déclaré aujourd’hui qu’«on est au bord de la sédition» dans l’île, tandis que les négociations sont au point mort et que les médiateurs envoyés par le gouvernement sont «out», dixit M. Lurel. «C’est une crise politique, c’est une crise institutionnelle, et on est au bord de la sédition», a estimé Victorin Lurel sur France-Info.
«Il y a déjà un embrasement. Ce soir (lundi soir) il y avait des incendies dans certains quartiers. Il y a un face-à-face tendu entre les forces de l’ordre et des manifestants», a souligné l’élu socialiste, qui prédit «une radicalisation, une montée aux extrêmes» du conflit dans le département français d’Outre-mer.
Une situation de crise «parce que l’État n’a pas respecté sa parole, parce qu’il y a un reniement, parce que l’État n’est pas autour de la table de négociations, et que les deux médiateurs laissés par M. Jégo sont complètement “out”, et que donc on a l’impression de vide du pouvoir», explique M. Lurel.
«On a l’impression qu’il y a un abandon, qu’il y a une indifférence organisée», a-t-il estimé, ajoutant qu’«on a même l’impression que la République est en train d’organiser sa propre détestation», à cause de la façon «absolument détestable» dont le gouvernement gère la crise.
Presse bourgeoise :
AFP, 17/02/2009 (9h10)

La situation sociale se tend en Guadeloupe
Routes barricadées, magasins pillés, voitures brûlées et même coups de feu. La situation s’est tendue en Guadeloupe, où trois gendarmes ont été légèrement blessés par des tirs lundi soir, même si le calme régnait mardi après-midi. «On est au bord de la sédition», s’est alarmé le président du conseil régional Victorin Lurel, en affirmant que les négociations étaient au point mort entre syndicats et patronat. De son côté, le secrétaire d’État à l’Outre-Mer Yves Jégo a assuré qu’il y avait un travail qui se faisait «en coulisses», disait avoir «bon espoir» que la crise sociale soit prochainement résolue.
La préfecture assurait mardi que le calme revenait dans l’île. La nuit aura cependant été «particulièrement agitée sur l’ensemble de la Guadeloupe», et surtout à Pointe-à-Pitre. C’est près de cette ville que trois gendarmes mobiles, qui regagnaient leur hébergement, ont été légèrement blessés par des tirs d’armes à feu.
«Il n’y a pas eu d’autres blessés», assurait-on en préfecture, en soulignant que les tirs d’armes à feu n’avaient «rien à voir avec le LKP» (Liyannaj kont pwofitasyon, Ensemble contre la surexploitation), le collectif qui mène le mouvement social qui paralyse l’île depuis le 20 janvier.
Dans la nuit de lundi à mardi, les forces de l’ordre ont procédé à 18 interpellations. Des voitures ont été brûlées, mais la préfecture ne pouvait pas en préciser le nombre. Plusieurs magasins ont été pillés à Sainte-Anne et à Pointe-à-Pitre. Une boutique de fournitures pour bateaux a été volontairement incendiée dans le chef-lieu. Des sinistres qui ont nécessité une cinquantaine d’interventions des pompiers au cours de la nuit.
Une quarantaine de barrages routiers ont été érigés dans 21 des 32 communes du département. Ces barrages, qui bloquaient les principaux axes de circulation, étaient progressivement levés mardi matin. Il en restait quelques-uns dans la région de Sainte-Rose, mais les véhicules pouvaient passer «tant bien que mal», selon la préfecture.
À l’aéroport de Pointe-à-Pitre, les vols ont été un temps suspendus à cause de «difficultés de fonctionnement». Il n’y avait pas assez de bagagistes et d’agents de sécurité, a-t-on expliqué à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Air France a annulé deux vols qui devaient atterrir lundi soir. Mais le trafic aérien a repris mardi matin. Les vols étaient «maintenus» mais affichaient des «retards», selon la préfecture.
Cependant, l’aéroport Guadeloupe - Pôle Caraïbes affichait mardi des annulations de vols en provenance et à destination de Martinique, de Saint-Martin, de Sainte-Lucie, de Guyane et de métropole. Le sous-préfet Marcel Renouf a fait savoir que des personnels en renfort devraient être acheminés par mer pour permettre aux avions de décoller.
Évoquant dans un communiqué des «dégradations, saccages et affrontements», la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a appelé mardi «chacun au calme, à la responsabilité et à la retenue».
Sur le plan des négociations, le président PS du conseil régional Victorin Lurel a déclaré qu’il n’y avait «pas de dialogue» entre syndicats et patronat. «Les deux médiateurs laissés par M. Jégo sont complètement out», a-t-il dit sur France-Info. «Les contacts n’ont pas cessé», a assuré pour sa part le secrétaire d’État à l’Outre-Mer. «Les médiateurs rencontrent chaque jour les uns et les autres», a-t-il dit sur RMC/BFM-TV. «J’espère que, très vite, il y aura des propositions sur la table.»
AP, 17 février 2009 (17h30).

La tension grandit encore en Guadeloupe
Des barrages en feu, un magasin incendié : la nuit a été agitée dans l’île. Le procureur demande plus de moyens policiers.
Scènes de violence en Guadeloupe. Le feu a été mis à une dizaine de barrages et à un magasin de fournitures de bateaux dans la nuit de lundi à mardi à Point-à-Pitre. Des journalistes locaux mentionnent la présence de bandes de casseurs «très mobiles et circulant à pied». «Je suis dans l’attente et l’angoisse que rien de grave ne se passe», a affirmé le procureur de Pointe-à-Pitre Jean-Michel Prêtre, tout en déplorant des «moyens insuffisants face aux manifestants». Sa voiture a d’ailleurs été caillassée dans la soirée.
Les grévistes restent sourds à la demande de «trêve» du secrétaire d’État à l’Outre-mer Yves Jégo, ou à l’appel «au sang-froid» du président socialiste de région Victorin Lurel. L’annonce par le président de la République Nicolas Sarkozy d’un rendez-vous jeudi avec les élus de tous les départements d’Outre-mer — première initiative directe du chef de l’État dans la crise antillaise — n’a en rien entamé leur détermination.
Dans une tribune publiée dans Le Figaro, Yves Jégo affirme que «la fin de la grève doit ouvrir le temps d’une refondation à la fois économique et sociale» et que la politique du gouvernement vis-à-vis de la Guadeloupe «n’est pas d’acheter» une «illusoire paix provisoire». Lundi soir, après avoir reçu de nombreux représentants d’associations et fédérations patronales, il a annoncé que l’État était en train d’étudier de «nouvelles baisses des charges» pour les entreprises en Guadeloupe. «Je veux que le rôle de l’État soit un investissement non pas pour payer des salaires, car ça ce n’est pas possible, nous allons mettre des moyens pour conforter l’économie», a-t-il dit.

Malgré ces propositions, le porte-parole et leader du LKP, Élie Domota, qui mène la grève en Guadeloupe depuis plus d’un mois a préconisé «la poursuite et le renforcement de la mobilisation» mardi et les jours suivants «jusqu’à la satisfaction de nos légitimes revendications». Au cours d’un meeting, lundi soir, il a également affirmé que la résolution du Collectif et «celle du peuple guadeloupéen demeuraient intactes malgré la répression».
La matinée de lundi avait été marquée par l’érection de barrages à des points stratégiques, puis leur démantèlement par les forces de l’ordre qui ont procédé à une cinquantaine d’interpellations. Ces barrages empêchaient à nouveau la circulation alors que la réouverture de stations service le week-end avait mis fin à la pénurie d’essence sévissant depuis des jours. Selon le Premier ministre, François Fillon : les barrages ne constituent pas des «moyens légaux» d’expression.
Dans la Martinique voisine en grève depuis onze jours, la situation semblait également bloquée. Entre 8000, de source préfectorale, et 15.000 personnes, selon les organisateurs, ont manifesté à Fort-de-France.
Le Figaro, 17 février 2009 (08h31).

Guadeloupe : Barrages nocturnes en feu
Une dizaine de barrages en feu ont été constatés hier soir vers minuit à Pointe-à-Pitre où un magasin de fournitures de bateaux a également été incendié, selon un photographe de l’AFP.
Une dizaine de barrages étaient en feu sans personne à proximité mais obligeant les voitures à faire demi-tour, selon la même source. Le magasin incendié est situé dans le quartier populaire du Carénage et devant lequel deux voitures ont été retournées.
Par ailleurs, un véhicule a été incendié devant un hôtel de Gosier, la ville la plus touristique de l’île située à 5 km de Pointe-à-Pitre.
À quelques centaines de mètres de là, un groupe d’une cinquantaine de jeunes, pour certains le visage masqué, jetaient des pierres sur un escadron de gendarmes mobiles qui intervenaient pour lever des barrages routiers, toujours selon un journaliste de l’AFP. Les jeunes visaient également des voitures de particuliers.
Selon une source policière, les barrages nocturnes «relèvent d’incivilités urbaines». Ils sont «en marge des manifestations du LKP», a indiqué à l’AFP une source préfectorale.
De son côté, le procureur de Pointe-à-Pitre Jean-Michel Prêtre, dont la voiture a été caillassée, a estimé sur Radio Caraïbes internationale que «les moyens ne sont pas suffisants face aux manifestants».
«Je suis dans l’attente et l’angoisse que rien de grave ne se passe», a-t-il également dit.
Le porte-parole et leader du LKP, Élie Domota, qui mène la grève en Guadeloupe depuis près d’un mois a préconisé lundi soir au cours d’un meeting «la poursuite et le renforcement de la mobilisation» mardi et les jours suivants «jusqu’à la satisfaction de nos légitimes revendications».
Il a également affirmé que la résolution du Collectif et «celle du peuple guadeloupéen demeuraient intactes malgré la répression».
AFP, 17 février 2009 (7h42).

Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane, ils osent !
Depuis désormais un mois en Guadeloupe, les plus démunis redressent la tête et osent braver les potentats locaux, héritiers racistes de ceux qui bâtirent leur fortune sur l’esclavagisme, et qui maintiennent l’économie de l’île dans un oligopole au rendement plus que confortable en contrôlant la distribution de vivres par le biais de grandes enseignes nationales d’hypermarchés et l’approvisionnement en pétrole par le biais d’une filiale de Total : la SARA. Depuis désormais un mois, les plus démunis osent revendiquer des augmentations de salaire, sortir d’un magasin sans payer, manifester quotidiennement, braver les forces dites «de l’ordre». Dès lors, la Martinique l’a rejointe dans le mouvement, et ce sont maintenant la Réunion et la Guyane qui sont en passe d’entrer en action.
La Fédération anarchiste apporte son entier soutien à tous ceux qui refusent la mise en coupe réglée du fruit de leur travail, la vie chère, la privatisation du littoral par les riches, le mirage de l’économie touristique, l’empoisonnement par les pesticides employés dans les exploitations bananières, en un mot l’injustice sociale, et condamne l’intervention brutale de la police pour réprimer leur légitime recours à la grève générale.
La Fédération anarchiste se reconnaît dans les revendications et prises de position du Manifeste pour les «produits» de haute nécessité, notamment dans son affirmation que la «très haute nécessité est […] de s’inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n’est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d’un dogme». et que «Ce mouvement se doit donc de fleurir en vision politique, laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes.» Par leur détermination et leur dignité, les grévistes de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion et de Guyane montent que le capitalisme n’est pas un horizon indépassable, qu’il peut être battu en brèche à condition d’être organisé.
Fédération anarchiste, 16 février 2009.