Ils ont éteint la télé
que vous aviez tellement envie de faire taire
Soyons solidaires de Guilhem et Rémi :
Procès le 14 janvier 2008 à Millau
Souvenez vous : en ce terrible printemps de 2007, chaque soir, à la télé, c’était la chasse aux chômeurs, entre autres.
L’estomac noué, vous regardiez, terrorisé, le candidat de l’UMP vous montrer du doigt, vous l’«assisté», le «fraudeur», le responsable de tous les malheurs de la France, avec les jeunes pauvres et les sans-papiers.
Vous rasiez les murs, désertiez les repas de famille, ou il y avait toujours quelqu’un pour dire qu’«il y avait quand même des abus», que «ceux qui travaillaient dur n’en pouvaient plus de payer pour les autres».
Les autres candidats suivaient à la trace le futur Président : et de journaux télévisés en émissions «débats», vous sentiez venir le pire, et les médias l’appeler de leur vœux.
Peut-être avez vous jeté votre télé, et rêvé d’une panne générale qui stopperait la propagande.
Guilhem et Rémi, des précaires comme nous, comme vous, n’ont pas attendu la panne.
Le soir des élections, ils sont allés couper des câbles et l’espace de quelques heures, les voix ignobles se sont tues dans un coin de France.
Lorsqu’ils se sont fait arrêter, ils ont assumé leur acte : l’un d’eux parce qu’il était chômeur a fait de la préventive. Les deux ont été soumis à un contrôle judiciaire très strict.
Depuis, en Grèce, un soir de révolte massive, d’autres précaires ont interrompu en direct le discours du premier Ministre contre la colère de la rue.
Ils n’avaient rien à dire d’autre que le message inscrit sur leur banderole : «Arrêtez de regarder et descendez dans la rue».
C’est ce même message que Guilhem et Rémi, deux précaires parmi tant d’autres ont eu le courage de faire passer, à un moment où tant d’entre nous étaient hypnotisés par le serpent médiatique, paralysés par l’angoisse et l’impuissance.
Aujourd’hui les luttes ont repris et devant leur ampleur, les médias se font à nouveau caressants et compréhensifs, devant l’ampleur des licenciements, comment taper sur les «chômeurs qui ne veulent pas travailler» ? La télé n’ose plus guère taper sur les «assisté(e)s» à 400 euros, de peur que la comparaison avec les assité(e)es de la finance à plusieurs centaines de milliards ne fasse encore monter la colère qu’expriment les ouvriers, les salari(é)es, les précaires, les jeunes dans la rue et dans les luttes.
Le 14 janvier, et après, soyons nombreux à exprimer notre solidarité à Guilhem et Rémi qui ont agi quand nous n’osions pas encore le faire, qui ont fait taire la propagande malgré la répression prévisible, parce qu’il fallait bien commencer par quelque chose. Écrivez-leur, envoyez du fric au comité de soutien, participez au débat sur les médias organisé le 14 , diffusez la lettre où ils expliquent leur acte.
Lettre de Guilhem et Rémi
Éclaircissements
Nous avons, le soir des élections, interrompu les émissions de télévision en coupant les calbes des émetteurs. Cet acte, realisé par des personnes libres de toute contrainte et non influencées n’est ni commandité, ni orchestré par une quelconque organisation, chacun étant libre de son choix. Il a été réalisé en contestation de l’influence des médias de masse, formant une entrave au déroulement d’une véritable démocratie.
Y avait-il une alternative aux résultats déjà programmé de l’affrontement entre le Ps et l’Ump ?
Peut-on dire que nous vivons dans une démocratie lorsque les questions et les réponses sont déjà établies et ne sont données que par des médias manipulateurs aux mains d’intérêts financiers directement liés aux politiques ?
On vous dira que nous avons nui à la démocratie ; mais en quoi les personnes privées de télévision ce soir là étaient privées de réflexion ou de capacité à réagir et à débattre ? Nous préférions que nos «voisins» débattent entre eux, plutôt qu’avec leur poste de télévision.
Cet acte n’étant que symbolique, nous n’avons pas souhaité le revendiquer sur le moment parce que nous pensions qu’il parlait de lui-même ! Ensuite deux personnes sont aujourd’hui inculpées. Les médias usent déjà des qualificatifs de «saboteurs», «commandos», «comparses»… reprenant ainsi directement les mots du procureur. Nous n’avons jamais voulu commettre d’acte totalitaire visant à renverser la démocratie mais susciter une réflexion.
Cet acte était-il bien choisi ? Nous ne détenons pas de vérité quant à cette question. Certes nous étions conscients à l’époque des faits, d’un risque. Toutefois, l’inculpation choisie par la justice d’«association de malfaiteurs» est disproportionnée, deux personnes risquent aujourd’hui de lourdes peines. Nous dénoncer ? Nous constatons que cela ne fera qu’alourdir l’ensemble des sanctions. Quelques foyers n’ont pas eu de télévision pendant une soirée. Certains en ont été gênés, d’autres ont ri, et la plupart se sont couchés plus tôt. Cela nécessite-t-il de mettre deux personnes en prison pendant des années ? Puisque telle semble être l’intention de la justice. Deux questions se posent aujourd’hui aux gens ici présents :
1. Cette peine encourue n’est-elle pas disproportionnée ? Ne mérite-t-elle pas d’être contestée ?
2. Les motivations de cet acte méritent-elles d’être soutenues ?Vous vous poserez sans doute des questions, ce problème en soulève tant ! Nous pensons que nous n’avons pas de meilleurs réponses que celles que vous pourrez apporter.
Courrier adressé au comité de soutien,
puis paru dans le Midi Libre le 14 septembre 2007.
Collectif RTO, 11 janvier 2009.

Inscription murale relevée ces deniers jours
quelque part dans la Grèce insurgée
Cinq et dix ans de prison pour avoir sectionné des cables télé !
Un jugement du tribunal de Millau le 14 janvier décidera si Rémi et Guilhem, ayant commis l’acte symbolique de sectionner des câbles de relais télé pendant le premier tour de l’élection présidentielle en 2007 méritent… cinq et dix ans de prison !
Pour un poids, combien de mesures ?
Il s’agit d’un jugement qui sera prononcé le 14 janvier à Millau, à l’encontre de deux «malfaiteurs» ayant commis le «crime» de sectionner des câbles de relais télé pendant le premier tour de l’élection présidentielle en 2007.
Si le message est clair, pacifiste et parfaitement indolore pour la plupart d’entre nous, il ne l’est pas pour la justice millavoise : cinq et dix ans de prison sont requis à leur encontre pour «association de malfaiteurs» !
Un comité de soutien a été créé pour venir en aide aux inculpés (à moins que ce ne soient les victimes ?), toutes les infos et contacts sont disponibles ici.
Si toute faute mérite sanction, il est évident que celle disproportionnée qui risque de s’abattre sur Guilhem et Rémi a valeur d’exemple pour avoir osé s’opposer à la grand-messe médiatique.
Et pendant ce temps là, des fraudeurs de haut vol sont graciés, et les responsables du krach boursier se refont une santé au Monopoly…
Tout relais de cette affaire, ainsi que de l’existence du comité de soutien et de ses actions peut aider à une prise de conscience collective des dangereuses dérives que subit notre société depuis ce mois de mai 2007 !
Infozone, 9 janvier 2009
Liste d’information pour la France sauvage.

Des milliers d’habitants de la région de Millau ont été privés, le soir du premier tour de l’élection présidentielle, des faces avenantes des Hollande, Hortefeux, Montebourg, Gollnish, Alliot-Marie, Strauss-Kahn, et autres Voynet. Un profond traumatisme dont la petite ville aveyronnaise a bien du mal à se remettre.
«Quand l’image de la télé a disparu vers 20 heures 15, je me suis demandé ce qu’il se passait», raconte un Millavois. Le 26 avril au soir, des milliers d’habitants de Millau sont devant leur télé pour regarder le résultat du premier tour des élections présidentielles. À la même heure, dans les collines environnantes, des coups de hache viennent sectionner les câbles de deux relais de transmission des chaînes de télévision hertziennes, des stations de radio et de téléphonie mobile. Entre 4000 et 10.000 foyers de Millau auront eu juste le temps de connaître le score de leurs divers favoris. «Ça m’a franchement amusé. J’imagine que ce sont des jeunes révoltés qui ont fait le coup. C’est un truc de gamin. Et puis ça nous a évité les commentaires et les discussions des spécialistes et autres politicards. Mais j’espère que cette histoire ne va pas retomber sur le dos de José Bové, qu’on ne va pas l’accuser et encore lui chercher des noises», avance un jeune cuisinier. Une dame proteste : «Ça m’a mis en colère. Quand même, ce n’est pas bien ! La télévision, c’est indispensable !» Une autre reprend : «C’est inadmissible de priver tout le monde de télévision. Mais quand j’en parle autour de moi, personne ne dit rien. Les Français sont bizarres, ils ne veulent pas se mouiller. Il y a plein de gens qui n’ont même pas été scandalisés.»
Un patron de bar affirme : «À mon avis, ça a été fait exprès. Je pense que ce sont des gens qui n’étaient pas d’accord avec le résultat des élections. Bien sûr, on a tous été surpris, puis on a causé entre nous.» Un Basque aveyronnais en rigole : «C’était très bien. Pas de télé, pour une fois, ça fait du bien. On a vu les résultats avant que tout soit coupé. Et puis, on a fait un bon repas entre amis, dans une super ambiance.» La mairie, quant à elle, recentre le propos, dans une belle synthèse fourre-tout des sujets à la mode : «La Ville de Millau condamne fermement ces actes de dégradation, voire de terrorisme, qui ont privé la population de sa liberté d’accès à l’information.» Fort heureusement, les possesseurs de paraboles auront pu échapper au fléau qui s’est brutalement abattu sur cette petite ville tranquille. Ils auront pu, donc, jusqu’à plus soif, s’enivrer des propos passionnants des multiples apparatchiks enrobés dans le miel des journalistes de cour. Espérons que les autorités interviennent au plus vite pour sécuriser les installations avant que des actes aussi simples ne suscitent d’autres vocations. La puissance technologique et la «liberté d’accès à l’information» seraient-elles suspendues à quelques coups de hache ? On frémit au souvenir de la destruction de l’émetteur de Roc’h Trédudon (Finistère) en 1974, qui avait privé de télévision pendant un mois les habitants de la région et qui les avait contraints à passer leurs soirées entre amis et voisins.
Gilles Lucas - CQFD no 45, mai 2007.