À propos de l'épisode de la mort du commissaire à Lyon en 68

Publié le par la Rédaction


Aujourd’hui le journal pourri Dauphiné Libéré continue son sale boulot sous le titre «La mort du commissaire» dans la rubrique «Racontez-nous mai 68»…

Nous avons trouvé un témoignage qui contredit tout ce langage flicard. Ce témoignage est publié dans le livre de Jacques Guigou et Jacques Wajnsziejn, dont la signature doit avoir lieu  à la librairie Urubu le 22 mai à 17h30 en présence d’un des auteurs.

Manifestation du 24 mai 1968…

Après les premiers affrontements, le fait que la manifestation se soit scindée en deux, de part et d
autre du pont Lafayette, qui compliquait notre situation, puisque si on pouvait penser que la police et la préfecture se trouvaient pris en tenaille, en fait tous ceux qui étaient côté presquîle se sont retrouvés loin de la préfecture… Ils étaient là en grand nombre sans trop savoir quoi faire d’autre que dattaquer de temps à autre le pont puis de se replier derrière des barricades peu stratégiques vu les grandes rues du quartier.

Les barricades n
avaient quune valeur symbolique et vu leur taille, elles servaient concrètement à souder les manifestants. Par contre les barricades côté cours Lafayette ont une valeur plus tactique et leur mise à feu contrarie fortement pompiers et policiers, mais peu à peu, comme sur lautre rive, les forces de lordre arrivent à maintenir les manifestants à bonne distance de la préfecture. Nous formions en fait la majorité des manifestants de la manifestation dorigine, mais ceux qui se trouvaient de lautre côté reçurent des renforts des quartiers ouvriers et de la banlieue qui pour accéder à la ville ne passaient pas par la presquîle. La composition sociale des manifestants du cours Lafayette était donc assez différente de celle des manifestants des Cordeliers et la bataille y fut plus rude même si ce nest pas de ce côté quil y eut mort dhomme. Cet épisode montre bien notre impréparation et notre incapacité à changer de direction en fonction de la situation et de son évolution. Lobjectif de départ, pour nous M22, cétait la Préfecture et on sy est tenu alors que nous avions à portée de main la Bourse et la Chambre de commerce. Aux Cordeliers, nous étions pourtant nombreux du M22, mais aucun dentre nous, ni personne dailleurs, ne chercha à réorienter les manifestants vers quelque chose dautrement plus symbolique. Cest ce manque de perspective autre que la prise de la Préfecture qui explique aussi lacharnement à vouloir retraverser le pont Lafayette à partir des Cordeliers et l’épisode du camion qui aurait dû nous permettre denfoncer les lignes adverses sil navait malencontreusement dévié de sa route pour venir heurter le parapet  et le commissaire Lacroix. En fait, aussi bien à Lyon quà Paris et ailleurs, à lépoque, pour nous, le capitalisme cétait l’État et le patron dusine, mais, nous ne savions pas vraiment, malgré nos lectures, ce quétait le capital. Dans un monde où tout semblait politique, nous avions du mal à envisager la domination sous les traits de léconomie. Au lieu de sattaquer aux temples du capital ce furent les temples de la marchandise (Galeries Lafayette et Grand Bazar) qui furent pillés…

Le 27 mai, un tract est diffusé intitulé “La liberté est dans la rue» qui rappelle le contexte général de la lutte pour essayer de contrer le discours officiel sur la violence du mouvement, et la présence d
éléments comme les trimards aux côtés  des étudiants.

Ces jeunes voyoux que qualifie André Dannerolle dans la version policière (voire du SAC), ce sont de jeunes marginaux, certains SDF, d
autres en fugue ou en fuite par rapport au service militaire ou à des affaires de police, dautres simples «en-dehors», révoltés à perpétuité. Après deux années de préventive, deux dentre eux (accusés dêtre les conducteurs du fameux camion du 24 mai) avec le soutien actif des anciens de 68 seront disculpés faute de véritables preuves.

Vive la révolte contre les stéréotypes !
Soutien des émeutiers !


Le Laboratoire, 14 mai 2008




24 mai : la nuit lyonnaise des barricades

La campitale parisienne voit un essoufflement des manifestations étudiantes en raison du dispositif mis en place par le préfet de police M. Grimaud. Les éléments les plus politisés du mouvement étudiant, les anarchistes et les «maos» décident d’élargir le mouvement aux grandes villes. Aussi, le défilé étudiant du 24 mai à Lyon se présente comme une nouvelle manifestation «bon enfant» dont l’objectif est d’aller occuper le théâtre «bourgeois» des Célestins ; le cortège passe rue de la République mais certains organisateurs «du mouvement du 22 mars» à Lyon ont préparé une autre suite. Finalement le défilé se dirige vers les Cordeliers. Là, le mot d’ordre est lancé : il faut prendre la préfecture, sur l’autre rive du Rhône.


Arrivant au cours Lafayette, des manifestants «équipés» lancent un violent assaut contre les forces de l’ordre. De nombreux blessés graves seront conduits à Grange Blanche à Desgenettes. Les CRS scindent les émeutiers en deux groupes, ils repoussent une partie des manifestants sur le pont Lafayette alors que d’autres se retrouvent isolés sur l’avenue de Saxe et la rue Molière. Les combats les plus violents se déroulent dans ce secteur car des manifestants arrivent d’autres quartiers ; plusieurs barricades sont dressées rue Molière et rue Vendôme.

Le drame se déroulera sur le pont Lafayette où les manifestants voulant repousser les forces de police lancent un camion benne qui écrase le commissaire René Lacroix, peu avant minuit ; l’émeute se poursuivra jusqu’à deux heures du matin.

Le lendemain, les Lyonnais découvrent l’importance des dégâts matériels, les Galeries Lafayette pillées et entendent à la radio le terrible bilan humain avec 49 blessés, dont une majorité de CRS, et le décès du commissaire Lacroix, le premier mort des événements.

Les manifestants dressent des barricades aux Cordeliers devant les Galeries Lafayette, magasin qui sera pillé dans la nuit. Ils constituent un réduit pour essayer de repousser les forces de l’ordre du pont Lafayette. Dans la nuit résonnent les cris des contestataires «CRS SS» frappant sur les bordures métalliques des quais et du pont.
  Sur la rive gauche du Rhône, dans les rues autour de la préfecture, les émeutes sont violentes, les manifestants veulent faire leur jonction avec ceux du pont Lafayette.

Les barricades sont incendiées rive gauche pour arrêter les forces de l’ordre composées de CRS et de gendarmes mobiles.


Y.E., Le Progrès, 9 mai 2008

Publié dans Histoire

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