Jeunesse et Sports, auxiliaire de police ?

Publié le par la Rédaction

undefined«Police judiciaire de la jeunesse et des sports»

Conseiller de jeunesse et d’éducation populaire au Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, je viens de recevoir cette information concernant un stage de formation continue inscrit au Plan National de Formation :

Le stage inscrit au PNF sous le np PJAT 869, initialement intitulé : «Formation à l’exercice des pouvoirs de police judiciaire dans le cadre des accueils de mineurs» et devant se dérouler du 5 au 8 février 2008, se déroulera du 11 au 14 mars prochain à l’INJEP et concernera non seulement le secteur des accueils de mineurs mais également celui des activités physiques ou sportives.

Ce stage s’adresse donc aux personnels, fonctionnaires de catégorie A, en charge du secteur de la protection des mineurs et/ou de la protection de l’usager sportif.

Il constitue un préalable obligatoire à l’habilitation accordée par la ministre de la santé de la jeunesse et des sports à rechercher et à constater les infractions prévues à la fois par le code de l’action sociale et des familles et par le code du sport.

Il compte à ce jour 8 inscrits.


Cette offre de formation n’a apparemment pas suscité un grand intérêt, puisque seulement huit personnes s’y sont inscrites spontanément, son objet ne serait-il pas suffisamment explicite ?

Pourtant cette programmation semble correspondre aux besoins des services puisqu’il s’agit d’une relance de l’administration. Sont sollicités les fonctionnaires de catégorie A, en charge de la protection des mineurs et de la protection de l’usager sportif ce qui dépasse le cadre des missions de contrôle habituellement confiées au corps d’inspection. C’est une formation à l’exercice des pouvoirs de police judiciaire, «préalable et obligatoire» à l’habilitation accordée par le Ministre de la santé de la jeunesse et des sports. Le Ministère veut donc habiliter des fonctionnaires (de catégorie A) à exercer des pouvoirs de police judiciaire. Il fait appel pour encadrer ce stage à des formateurs de la police nationale.

De quels périls nouveaux sont donc menacés les mineurs et les «usagers sportifs» qui justifient cette soudaine mobilisation, ce renfort de police ?

En ce qui concerne les mineurs, l’organisation du système judiciaire français a une juridiction propre, des magistrats spécialisés (les juges des enfants) qui disposent de services compétents : ceux de la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Les jeunes enfants sont suivis par les services de la Protection maternelle et infantile (PMI).

Pour les «usagers sportifs», ce terme apparaît bien vague : il ne peut s’agir de la protection des sportifs professionnels car ils sont liés par des contrats de travail et donc régis par le droit du travail, il ne peut être question des sportifs pratiquants (dit amateurs) puisqu’ils sont adhérents à des clubs et donc relèvent du droit privé, il ne peut être question de clients des prestataires de services du secteur sports qui entrent dans le champ du commerce voire de l’industrie touristique. Et qu’en serait-il des usagers sportifs s’ils sont mineurs ?

Pour autant ce document fait référence à la loi — le code de l’action sociale et des familles et le code du sport — qu’il s’agit de faire respecter : «… à rechercher et à constater les infractions prévues à la fois par le code de l’action sociale et des familles et par le code du sport».

Et là le but de cette formation devient soudainement plus évident, il s’agit de rechercher et de constater des infractions prévues par ces textes ! Car si le législateur a prévu des infractions c’est qu’elles existent. Les lois ne sont pas des œuvres de fiction, quand même ! Cela tombe sous le sens (Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?) donc il faut des fonctionnaires pour les rechercher !

Et tout le bruit médiatique devient plus compréhensible : la violence, les stades, les vestiaires, les pédophiles, les récidivistes…

Cette formation s’adresse donc à ceux qui pensent que la sauvegarde des services passe par une nécessaire réaffirmation des missions régaliennes des services de la Jeunesse et des Sports autour d’un pôle de compétence : Protection de l’usager et au plus prés du représentant de l’État dans le département…

Car la Réforme générale des pouvoirs publics (RGPP) n’est que la restructuration d’un système qui s’appuie sur des finalités policières, déjà partiellement et potentiellement mises en œuvre. Ce n’est qu’une question de périmètre (ou de poids, c’est selon !). Et l’embrigadement des services de la Jeunesse et des Sports ne sera que la contrepartie des camps de vacances déjà organisés par les gendarmes des brigades de Prévention de la Délinquance Juvénile ou des interventions préventives de la police nationale dans les stages de formation d’encadrants ou directement dans les centres de loisirs.

La loi sur la prévention de la délinquance vient d’être promulguée. Les maires et les présidents des conseils généraux peuvent établir des fichiers de signalement d’enfants et de familles, ces fichiers peuvent être croisés avec ceux des CCAS et ceux des CAF, les procédures de retrait des allocations familiales sont à nouveau permises. Tous les outils du contrôle social sont en place, il ne manque que les fonctionnaires.
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Le silence syndical devient chaque jour plus pesant à peine rompu par quelques interrogations sur l’avenir de la situation des uns ou des autres. Oui il y a lieu de s’interroger, mais notre devoir d’éducation populaire n’est-il pas a minima d’informer sur la dérive actuelle de l’ensemble du système éducatif ?

Pour la CNT - Syndicat des travailleurs
de l’Éducation 35
: Gildas Duplenne, CEPJ.

Publié dans Santé & Social

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