Correspondance entre Raoul Hausmann et Guy Debord (mars 1963 - avril 1966)
Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann
6 rue Neuve Saint-Étienne
87 Limoges / Haute-Vienne
le 24 mars 1963
Monsieur,
J’écris un livre sur le Néodadaïsme, cette exploitation sans vergogne d’une situation qui était actuelle il y a 40 ans. Évidemment, j’ai dû me mettre en relation avec M. Kunzelmann du mouvement SPUR, qui m’a confirmé que ce mouvement a des liens avec DADA. Alors, je me suis procuré deux numéros de l’Internationale Situationniste, et dans le no 5 j’ai trouvé une citation d’une lettre de Schwitters à moi, datant de 1947, où il fait allusion au lettrisme, qui n’est pas autre chose qu’une imposture. Si Isidore Isou prétend être le premier à avoir fait des poèmes lettristes, qu’il prenne connaissance des récits de Ball dans son Journal de 1916 et des déclarations de Schwitters dans G de 1923. Quant à M. Lemaître, il a publié dans UR de 1947, un dessin qu’il a simplement calqué sur un dessin d’un Indien nord-américain, publié en 1912 dans le livre de Danzel Les Origines de l’Écriture (Anfänge der Schrift) que je possède. Toute la peinture des Lettristes n’est qu’une imitation de mes Poèmes-Affiches et Tableaux-Écritures de 1918 à 1923.
Mais pour revenir à mon nouveau livre, qui paraîtra en Allemagne, je voudrais savoir par vous, quelle est votre position envers Dada et le Néodadaïsme, dans votre revue je ne peux pas le distinguer, ni même vos propres idées. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me donner des renseignements précis.
Pourquoi «Situationnisme» ? Car une situation est : pénible, dangereuse, ennuyeuse, bête, insignifiante, sans importance et elle peut être comprise comme on veut, situation ne dit RIEN. Quelles sont vos relations avec le no 2 The Situationist Times que Noël Arnaud m’a envoyé il y a quelque temps?
Veuillez accepter mes salutations distinguées.
Mais pour revenir à mon nouveau livre, qui paraîtra en Allemagne, je voudrais savoir par vous, quelle est votre position envers Dada et le Néodadaïsme, dans votre revue je ne peux pas le distinguer, ni même vos propres idées. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me donner des renseignements précis.
Pourquoi «Situationnisme» ? Car une situation est : pénible, dangereuse, ennuyeuse, bête, insignifiante, sans importance et elle peut être comprise comme on veut, situation ne dit RIEN. Quelles sont vos relations avec le no 2 The Situationist Times que Noël Arnaud m’a envoyé il y a quelque temps?
Veuillez accepter mes salutations distinguées.
Raoul Hausmann
*
Guy Debord à Raoul Hausmann
Paris, le 31 mars 1963
Monsieur,
En réponse à votre lettre du 24 mars, je vous envoie aujourd’hui une collection de la revue Internationale Situationniste. Je crois que nous y avons expliqué notre position à l’égard du dadaïsme et de son imitation réactionnaire d’aujourd’hui, principalement dans le numéro 2, pages 6-7-8 ; dans le numéro 6, pages 12 et 13 ; dans le numéro 7, pages 20 à 23 ; dans le numéro 8, page 11 — ce relevé n’étant pas limitatif.
Pour résumer, nous caractérisons le dadaïsme comme le moment révolutionnaire qui domine la culture de l’époque (et qui, en dépit de ses motivations négatives, a apporté une masse d’innovations dont s’est abondamment servi ce qui s’appelle actuellement l’art moderne). Au contraire, tout néo-dadaïsme se trouve être maintenant une reprise — plus ou moins dissimulée en paroles — de l’allure formelle du dadaïsme assorti d’une idéologie, d’une «justification» qui sont toujours réactionnaires (en jouant ouvertement sur ce fonds réactionnaire, comme Mathieu ; ou en l’enveloppant de quelque brume, comme plusieurs des «nouveaux réalistes»).
Le cas de Spur est plus ambigu. Quelque temps liés au mouvement situationniste, mais jamais réellement intégrés, les spuristes n’ont à vrai dire jamais suffisamment dépassé l’état d’ignorance qui est solidement organisé dans l’Allemagne actuelle à propos de tous les mouvements culturels ou politiques d’avant-garde antérieurs à 1933. Une part de l’aspect dadaïste de Spur était sûrement une façon — innocente, ignorante — de renouer avec une certaine violence (insuffisante, à notre avis), plutôt qu’une exploitation délibérée du néo-dadaïsme. Dans leur activité présente, et à venir, je ne sais jusqu’à quel point cette petite violence même peut se survivre.
Situationist Times, c’est seulement un titre pris au mouvement situationniste, pour faire les pires sottises publicitaires. Parmi les responsables, hormis un qui a été avec nous quelque temps, il n’y a que des gens que nous n’avons même jamais voulu rencontrer. Noël Arnaud est évidemment du nombre. À propos des références de votre lettre concernant le lettrisme (sur les points précis que vous citez, j’admets votre jugement), peut-être est-il bon de vous signaler que la revue Ur, à ma connaissance, a paru en 1951 et non en 1947 ?
«Situationnisme», nous n’en voulons pas, nous rejetons explicitement le mot, nous nous refusons à la doctrine. Nous avons voulu définir — commencer à expérimenter, autant que possible — une activité pratique situationniste. Au sens : créant des situations ; des moments si l’on veut dire autrement. Des environnements et des actes, en interaction. Vous êtes bien sévère pour le concept de situation, puisque vous trouvez toute situation pénible et insignifiante. On peut répondre : les situations dans la vie se présentent «spontanément», automatiquement comme cela, le plus souvent. Pas toujours : certaines peuvent nous plaire. Si on les construisait librement, elles seraient sans doute moins insignifiantes. C’est à essayer. Nous sommes en tout cas en complète rupture avec toute l’avant-garde officielle et reconnue qui s’est fait connaître depuis la guerre.
Veuillez accepter mes salutations distinguées. Et aussi, quel que puisse être votre jugement sur l’I.S., veuillez croire à toute mon estime pour votre Courrier Dada, et la grande époque dont il traite.
En réponse à votre lettre du 24 mars, je vous envoie aujourd’hui une collection de la revue Internationale Situationniste. Je crois que nous y avons expliqué notre position à l’égard du dadaïsme et de son imitation réactionnaire d’aujourd’hui, principalement dans le numéro 2, pages 6-7-8 ; dans le numéro 6, pages 12 et 13 ; dans le numéro 7, pages 20 à 23 ; dans le numéro 8, page 11 — ce relevé n’étant pas limitatif.
Pour résumer, nous caractérisons le dadaïsme comme le moment révolutionnaire qui domine la culture de l’époque (et qui, en dépit de ses motivations négatives, a apporté une masse d’innovations dont s’est abondamment servi ce qui s’appelle actuellement l’art moderne). Au contraire, tout néo-dadaïsme se trouve être maintenant une reprise — plus ou moins dissimulée en paroles — de l’allure formelle du dadaïsme assorti d’une idéologie, d’une «justification» qui sont toujours réactionnaires (en jouant ouvertement sur ce fonds réactionnaire, comme Mathieu ; ou en l’enveloppant de quelque brume, comme plusieurs des «nouveaux réalistes»).
Le cas de Spur est plus ambigu. Quelque temps liés au mouvement situationniste, mais jamais réellement intégrés, les spuristes n’ont à vrai dire jamais suffisamment dépassé l’état d’ignorance qui est solidement organisé dans l’Allemagne actuelle à propos de tous les mouvements culturels ou politiques d’avant-garde antérieurs à 1933. Une part de l’aspect dadaïste de Spur était sûrement une façon — innocente, ignorante — de renouer avec une certaine violence (insuffisante, à notre avis), plutôt qu’une exploitation délibérée du néo-dadaïsme. Dans leur activité présente, et à venir, je ne sais jusqu’à quel point cette petite violence même peut se survivre.
Situationist Times, c’est seulement un titre pris au mouvement situationniste, pour faire les pires sottises publicitaires. Parmi les responsables, hormis un qui a été avec nous quelque temps, il n’y a que des gens que nous n’avons même jamais voulu rencontrer. Noël Arnaud est évidemment du nombre. À propos des références de votre lettre concernant le lettrisme (sur les points précis que vous citez, j’admets votre jugement), peut-être est-il bon de vous signaler que la revue Ur, à ma connaissance, a paru en 1951 et non en 1947 ?
«Situationnisme», nous n’en voulons pas, nous rejetons explicitement le mot, nous nous refusons à la doctrine. Nous avons voulu définir — commencer à expérimenter, autant que possible — une activité pratique situationniste. Au sens : créant des situations ; des moments si l’on veut dire autrement. Des environnements et des actes, en interaction. Vous êtes bien sévère pour le concept de situation, puisque vous trouvez toute situation pénible et insignifiante. On peut répondre : les situations dans la vie se présentent «spontanément», automatiquement comme cela, le plus souvent. Pas toujours : certaines peuvent nous plaire. Si on les construisait librement, elles seraient sans doute moins insignifiantes. C’est à essayer. Nous sommes en tout cas en complète rupture avec toute l’avant-garde officielle et reconnue qui s’est fait connaître depuis la guerre.
Veuillez accepter mes salutations distinguées. Et aussi, quel que puisse être votre jugement sur l’I.S., veuillez croire à toute mon estime pour votre Courrier Dada, et la grande époque dont il traite.
Guy Debord
*
Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann
6 rue Neuve Saint-Étienne
87 Limoges / Haute-Vienne
le 5 avril 1963
Cher Monsieur,
J’ai reçu hier les 8 numéros de votre revue I.S.
Je vous en remercie, ainsi que de votre si gentille et si sérieuse lettre du 31 mars, qui se distingue si favorablement des lettres de M. Kunzelmann, qui se moque du Dadaisme — sans le connaître — et qui m’insulte personnellement — sans rien savoir de moi.
À cause du Dadaisme, permettez-moi quelques remarques : le monde paraissait inébranlable et assuré pour toujours, lorsqu’éclata la guerre de 1914. Ensuite survint la Révolution russe et la chute de l’Empire allemand (car le changement de régime en Allemagne n’était pas une révolution).
Alors que Dada en Suisse était une émeute esthétique (voir le Journal de Hugo Ball), la reprise de Dada à Berlin en 1918 était fondée sur des conflits humains et sur des expériences psychologiques, que nous avons définis dans notre revue Die Freie Strasse de tendance anti-freudienne.
C’était une situation révolutionnaire poétique dans une situation plus large, révolutionnaire elle aussi, mais pas du tout poétique. Car il s’agissait, par le nouveau système socialiste, de liquider le danger communiste en distribuant 300'000 places dans l’Administration, et c’est pourquoi un si grand nombre d’Allemands optèrent pour le Socialisme.
Malgré tout, cette situation poétique de dada à Berlin représentait un effort singulier, qui surpassait le stade de Zürich et de Paris. Cependant, le mouvement dadaïste à Berlin, combattu par les autres tendances dadaïstes et sans la possibilité réelle de se mettre en avant de la situation allemande, dut abandonner ses efforts créateurs en 1921.
Cette situation particulière du Club Dada de Berlin n’a, jusque-là jamais été assez clairement évoquée. Je m’efforce de le faire dans mon nouveau livre Chances ou fin du Néodadaïsme.
Il est vain de vouloir faire revivre une Situation, qui était valable il y a 45 ans. Et surtout, lorsque les gens qui s’occupent de cette «restauration» ne sont que des cuistots qui ne savent pas cuire.
Vous avez naturellement raison, le fascicule UR des lettristes a paru en 1951. Je les possède.
En vous souhaitant d’être capable de «créer» des situations, je vous envoie l’expression de ma sympathie.
J’ai reçu hier les 8 numéros de votre revue I.S.
Je vous en remercie, ainsi que de votre si gentille et si sérieuse lettre du 31 mars, qui se distingue si favorablement des lettres de M. Kunzelmann, qui se moque du Dadaisme — sans le connaître — et qui m’insulte personnellement — sans rien savoir de moi.
À cause du Dadaisme, permettez-moi quelques remarques : le monde paraissait inébranlable et assuré pour toujours, lorsqu’éclata la guerre de 1914. Ensuite survint la Révolution russe et la chute de l’Empire allemand (car le changement de régime en Allemagne n’était pas une révolution).
Alors que Dada en Suisse était une émeute esthétique (voir le Journal de Hugo Ball), la reprise de Dada à Berlin en 1918 était fondée sur des conflits humains et sur des expériences psychologiques, que nous avons définis dans notre revue Die Freie Strasse de tendance anti-freudienne.
C’était une situation révolutionnaire poétique dans une situation plus large, révolutionnaire elle aussi, mais pas du tout poétique. Car il s’agissait, par le nouveau système socialiste, de liquider le danger communiste en distribuant 300'000 places dans l’Administration, et c’est pourquoi un si grand nombre d’Allemands optèrent pour le Socialisme.
Malgré tout, cette situation poétique de dada à Berlin représentait un effort singulier, qui surpassait le stade de Zürich et de Paris. Cependant, le mouvement dadaïste à Berlin, combattu par les autres tendances dadaïstes et sans la possibilité réelle de se mettre en avant de la situation allemande, dut abandonner ses efforts créateurs en 1921.
Cette situation particulière du Club Dada de Berlin n’a, jusque-là jamais été assez clairement évoquée. Je m’efforce de le faire dans mon nouveau livre Chances ou fin du Néodadaïsme.
Il est vain de vouloir faire revivre une Situation, qui était valable il y a 45 ans. Et surtout, lorsque les gens qui s’occupent de cette «restauration» ne sont que des cuistots qui ne savent pas cuire.
Vous avez naturellement raison, le fascicule UR des lettristes a paru en 1951. Je les possède.
En vous souhaitant d’être capable de «créer» des situations, je vous envoie l’expression de ma sympathie.
Raoul Hausmann
*
Guy Debord à Raoul Hausmann
Paris, le 22 avril 1963
Cher Monsieur,
(…)
Nous serons très intéressé par votre prochain livre. Nous pensons comme vous que tout ordre qui paraît «inébranlable et assuré pour toujours» peut se disloquer très vite quand viennent certaines périodes favorables. Et les décorateurs — de tous les styles — de cet ordre s’évanouissent alors avec lui.
Bien cordialement à vous,
(…)
Nous serons très intéressé par votre prochain livre. Nous pensons comme vous que tout ordre qui paraît «inébranlable et assuré pour toujours» peut se disloquer très vite quand viennent certaines périodes favorables. Et les décorateurs — de tous les styles — de cet ordre s’évanouissent alors avec lui.
Bien cordialement à vous,
Guy Debord
*
Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann
6 rue Neuve Saint-Étienne
87 Limoges / Haute-Vienne
le 17 avril 1966
Cher Monsieur Debord,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt dans le No 10 de l’Internationale situationniste l’article de Khayati sur «Les mots captifs», et j’ai été très satisfait par les explications qu’il apporte sur Dada, car j’étais un des fondateurs du Club Dada de Berlin.
J’étais de 1916 à 1924 collaborateur de la revue Die Aktion pour un Socialisme anti-autoritaire et toujours opposé aux facilités avec lesquelles la plupart des Dadaistes traitait ce renouveau révolutionnaire.
En tout cas, l’article de Khayati exprime un point de vue qu’il fallait formuler depuis longtemps aujourd’hui où tant de futilités se font jour à cause du cinquantième «anniversaire de Dada».
J’ai fait une traduction de cet article en Allemand, que j’enverrai a un ami de la revue A-Z pour un art progressif, qui habite en Colombie, et à plusieurs amis en Allemagne.
Évidemment, j’indique l’auteur et la revue I.S.
Veuillez accepter, cher Monsieur Debord, avec mes remerciements, mes salutations les meilleures
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt dans le No 10 de l’Internationale situationniste l’article de Khayati sur «Les mots captifs», et j’ai été très satisfait par les explications qu’il apporte sur Dada, car j’étais un des fondateurs du Club Dada de Berlin.
J’étais de 1916 à 1924 collaborateur de la revue Die Aktion pour un Socialisme anti-autoritaire et toujours opposé aux facilités avec lesquelles la plupart des Dadaistes traitait ce renouveau révolutionnaire.
En tout cas, l’article de Khayati exprime un point de vue qu’il fallait formuler depuis longtemps aujourd’hui où tant de futilités se font jour à cause du cinquantième «anniversaire de Dada».
J’ai fait une traduction de cet article en Allemand, que j’enverrai a un ami de la revue A-Z pour un art progressif, qui habite en Colombie, et à plusieurs amis en Allemagne.
Évidemment, j’indique l’auteur et la revue I.S.
Veuillez accepter, cher Monsieur Debord, avec mes remerciements, mes salutations les meilleures
Raoul Hausmann
*
«Raoul Hausmann vient de m’écrire qu’il approuve fort ton article d’I.S. no 10. Il l’a traduit en allemand pour le faire passer dans une revue sud-américaine. Je vais lui demander une version pour nous. C’est assez émouvant d’avoir Hausmann pour traducteur.»
Lettre de Guy Debord à Mustapha Khayati, 19 avril 1966.
*
Guy Debord à Raoul Hausmann
[Paris, le] 25 avril 1966
Cher Monsieur,
Je vous remercie vivement de votre lettre du 17 avril. Nous connaissons bien sûr votre rôle dans le dadaïsme allemand ; de sorte qu’aucune approbation de nos thèses sur cette question centrale ne pourrait être pour nous aussi précieuse que la vôtre.
Après l’oubli organisé, la reconnaissance officielle actuelle du dadaïsme ne nous paraît être qu’un moment d’un processus prévisible, moment qui vient avec l’émiettement de la culture et des idéologies qui ont régné pendant une quarantaine d’années de réaction généralisée. La prochaine crise révolutionnaire qui pourra mettre totalement en question le monde que vous avez affronté (et son développement ultérieur) reconnaîtra toute la vérité du dadaïsme.
Nous-mêmes, nous approfondirons autant que possible ce problème historique, c’est-à-dire : d’intérêt immédiat. Nous avons trouvé dans votre livre Courrier Dada [Paru en 1958 aux éditions du Terrain Vague] une partie des rares informations déjà disponibles. Savez-vous où il est aujourd’hui possible de consulter la revue Die Aktion ? Vous m’aviez parlé, dans une précédente lettre, d’un nouveau livre sur le dadaïsme auquel vous travailliez. J’espère que nous le verrons bientôt paraître.
S’il vous était possible de me communiquer un exemplaire de la traduction que vous faites du texte de Khayati, nous serions heureux d’en disposer pour une des publications en allemand que nous tentons parfois.
Veuillez recevoir, cher Monsieur, le témoignage de notre sympathie et de notre admiration (toutes choses que la rumeur publique nous accuse, assez inexactement, de n’accorder à personne).
Je vous remercie vivement de votre lettre du 17 avril. Nous connaissons bien sûr votre rôle dans le dadaïsme allemand ; de sorte qu’aucune approbation de nos thèses sur cette question centrale ne pourrait être pour nous aussi précieuse que la vôtre.
Après l’oubli organisé, la reconnaissance officielle actuelle du dadaïsme ne nous paraît être qu’un moment d’un processus prévisible, moment qui vient avec l’émiettement de la culture et des idéologies qui ont régné pendant une quarantaine d’années de réaction généralisée. La prochaine crise révolutionnaire qui pourra mettre totalement en question le monde que vous avez affronté (et son développement ultérieur) reconnaîtra toute la vérité du dadaïsme.
Nous-mêmes, nous approfondirons autant que possible ce problème historique, c’est-à-dire : d’intérêt immédiat. Nous avons trouvé dans votre livre Courrier Dada [Paru en 1958 aux éditions du Terrain Vague] une partie des rares informations déjà disponibles. Savez-vous où il est aujourd’hui possible de consulter la revue Die Aktion ? Vous m’aviez parlé, dans une précédente lettre, d’un nouveau livre sur le dadaïsme auquel vous travailliez. J’espère que nous le verrons bientôt paraître.
S’il vous était possible de me communiquer un exemplaire de la traduction que vous faites du texte de Khayati, nous serions heureux d’en disposer pour une des publications en allemand que nous tentons parfois.
Veuillez recevoir, cher Monsieur, le témoignage de notre sympathie et de notre admiration (toutes choses que la rumeur publique nous accuse, assez inexactement, de n’accorder à personne).
Guy Debord
*
Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann
6 rue Neuve Saint-Étienne
87 Limoges
le 26 avril 1966
Cher Monsieur Debord,
Je vous remercie beaucoup de votre gentille lettre et de votre compréhension en ce qui me concerne.
Concernant la revue Die Aktion je sais seulement qu’un groupe de mes amis à Berlin a conservé tous les numéros, car évidemment en tant que revue communiste elle fut brûlée par les nazis.
Je veux écrire à Berlin afin de savoir de quelle manière on pourrait vous donner des informations sur les textes qu’il y avait dedans.
D’autre part, je crois que le Schiller-Museum de Marbach en possède aussi, au moins une partie, je vais écrire au Dr. Raabe qui dirige le musée.
Ci-joint la traduction que j’ai faite du texte de Mustapha Khayati, j’espère qu’elle vous servira.
Je n’ai évidemment pas de chances de publier un nouveau livre sur Dada, surtout pas en Allemagne.
Mais dans les revues Phases et Edda paraîtront certaines de mes explications.
Je vous envoie mes meilleures salutations
Je vous remercie beaucoup de votre gentille lettre et de votre compréhension en ce qui me concerne.
Concernant la revue Die Aktion je sais seulement qu’un groupe de mes amis à Berlin a conservé tous les numéros, car évidemment en tant que revue communiste elle fut brûlée par les nazis.
Je veux écrire à Berlin afin de savoir de quelle manière on pourrait vous donner des informations sur les textes qu’il y avait dedans.
D’autre part, je crois que le Schiller-Museum de Marbach en possède aussi, au moins une partie, je vais écrire au Dr. Raabe qui dirige le musée.
Ci-joint la traduction que j’ai faite du texte de Mustapha Khayati, j’espère qu’elle vous servira.
Je n’ai évidemment pas de chances de publier un nouveau livre sur Dada, surtout pas en Allemagne.
Mais dans les revues Phases et Edda paraîtront certaines de mes explications.
Je vous envoie mes meilleures salutations
Raoul Hausmann
*

«J’ai lu avec beaucoup de contentement le Pansaers [Clément Pansaers, Bar Nicanor et autres textes Dada, présentés par Marc Dachy]. C’est un livre qui prend une excellente place dans la série que Champ libre avait déjà apportée en contribution à l’histoire du dadaïsme ; et c’est un auteur qui le méritait particulièrement. Il y a vingt ans, même en Belgique, Pansaers n’était qu’un mythe vague, un nom presque effacé, rien qu’un seul titre d’une œuvre inaccessible.»
Lettre de Guy Debord à Floriana Lebovici, 5 mars 1986.
Guy Debord à Marc Dachy
Cher Monsieur (la formule, en effet, paraît la meilleure, et la plus libre, sauf puissante raison de dire autre chose),
J’ai trouvé hier seulement, en revenant à Paris, votre lettre du 7 août ; et j’ai bien regretté qu’elle ne me soit pas parvenue quelques jours plus tôt. Étant à la campagne, et classant, détruisant, quelques vieux papiers, j’ai vu en passant deux ou trois lettres de Raoul Hausmann qui concernaient l’époque que vous évoquez. Je ne les ai pas détruites, naturellement. Mais je n’ai pas eu là le loisir de les relire. je peux tout de même vous confirmer le fait que Raoul Hausmann nous avait tout de suite, et spontanément, envoyé une traduction allemande de La Misère, vers la fin de 1966.
Cette traduction, dont nous sentions bien toute la valeur historique, n’a pas été utilisée ; et a malheureusement aussitôt disparu. En effet, elle fut normalement communiquée à notre situ bilingue affecté aux publications allemandes, un nommé Holl, qui peu de jours après dut disparaître, justement englobé dans la proscription de la tendance «garnautine». Tout cela est, en somme, assez dadaïste.
Je pense comme vous que le dadaïsme a été beaucoup plus important que son interprétation «française» tardive. Il y a eu sûrement chez les situationnistes une quantité de références au dadaïsme, en plus de celle que vous citez ; et à travers toute leur activité, un permanent éloge.
Bien sincèrement,
Guy Debord à Marc Dachy
7 septembre 88
Cher Monsieur (la formule, en effet, paraît la meilleure, et la plus libre, sauf puissante raison de dire autre chose),
J’ai trouvé hier seulement, en revenant à Paris, votre lettre du 7 août ; et j’ai bien regretté qu’elle ne me soit pas parvenue quelques jours plus tôt. Étant à la campagne, et classant, détruisant, quelques vieux papiers, j’ai vu en passant deux ou trois lettres de Raoul Hausmann qui concernaient l’époque que vous évoquez. Je ne les ai pas détruites, naturellement. Mais je n’ai pas eu là le loisir de les relire. je peux tout de même vous confirmer le fait que Raoul Hausmann nous avait tout de suite, et spontanément, envoyé une traduction allemande de La Misère, vers la fin de 1966.
Cette traduction, dont nous sentions bien toute la valeur historique, n’a pas été utilisée ; et a malheureusement aussitôt disparu. En effet, elle fut normalement communiquée à notre situ bilingue affecté aux publications allemandes, un nommé Holl, qui peu de jours après dut disparaître, justement englobé dans la proscription de la tendance «garnautine». Tout cela est, en somme, assez dadaïste.
Je pense comme vous que le dadaïsme a été beaucoup plus important que son interprétation «française» tardive. Il y a eu sûrement chez les situationnistes une quantité de références au dadaïsme, en plus de celle que vous citez ; et à travers toute leur activité, un permanent éloge.
Bien sincèrement,
Debord
*
Guy Debord à Marc Dachy
10 décembre 1990
Cher Marc Dachy,
J’ai retrouvé, l’été dernier, les lettres d’Hausmann que je vous avais promises il y a longtemps. Elles sont finalement quatre.
Je vous avoue que j’avais été surpris par votre article dans Le Monde [Du 2 mars 1990], après la si regrettable mort de Floriana. L’idée que Nicolas Lebovici, dément ignare, pourrait prétendre «continuer le travail entrepris par sa mère» m’a paru d’un ton humoristique assez déplacé en la circonstance ; et peut-être même une sévère raillerie contre les auteurs Champ libre — dont pourtant vous êtes vous-mêmes une si honorable illustration. Mais enfin j’ai pensé que vous aviez dû être un instant victime d’une désinformation de Madame Anita Blanc : celle-ci m’avait, au contraire, caché la même fausse nouvelle qu’elle vous a demandé d’authentifier.
Je profite de l’occasion pour vous féliciter de votre livre Merz [Kurt Schwitters, Merz et Ursonate, parus aux Éditions Gérard Lebovici].
Cordialement,

Je vous avoue que j’avais été surpris par votre article dans Le Monde [Du 2 mars 1990], après la si regrettable mort de Floriana. L’idée que Nicolas Lebovici, dément ignare, pourrait prétendre «continuer le travail entrepris par sa mère» m’a paru d’un ton humoristique assez déplacé en la circonstance ; et peut-être même une sévère raillerie contre les auteurs Champ libre — dont pourtant vous êtes vous-mêmes une si honorable illustration. Mais enfin j’ai pensé que vous aviez dû être un instant victime d’une désinformation de Madame Anita Blanc : celle-ci m’avait, au contraire, caché la même fausse nouvelle qu’elle vous a demandé d’authentifier.
Je profite de l’occasion pour vous féliciter de votre livre Merz [Kurt Schwitters, Merz et Ursonate, parus aux Éditions Gérard Lebovici].
Cordialement,
Guy Debord
[Source : Lettres confiées par Guy Debord à Marc Dachy et adressées le 17 août 2002 au Fonds Guy Debord créé par Christophe Bourseiller à l’lnstitut international d’histoire sociale (IISG, Amsterdam).]