Nécrologie mondaine d'Isidore Isou
L’inventeur du Lettrisme est mort le 28 juillet à l’âge de 82 ans. Isidore Isou, de son vrai nom Isidore Goldstein, était né en Roumanie le 21 janvier 1925.

Enfant surdoué, il élabore à 17 ans une théorie de la culture : le moteur de l’homme est la volonté de créer. Il débarque à Paris en 1945, avec une valise pleine de manuscrits, se rend directement au bureau de Jean Paulhan, directeur éditorial de Gallimard. Paulhan n’est pas là. Isou prétend alors être un journaliste, demande à interviewer Gaston Gallimard, et, à peine installé, lui déballe son Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique. En vain.
Au prix d'un sens de l’entrisme et du tohu-bohu, Isou parvient néanmoins dès 1946 à imposer son mouvement : le lettrisme, ou l’art de transformer la poésie en «protolangage», de jouer avec les lettres de l’alphabet et des particules linguistiques «dépourvues de tout sens immédiat». Il fait de la peinture une polyécriture, prône un cinéma sans image.
Faisant figure de provocateur, et créant bientôt sa revue, La Dictature lettriste, Isidore Isou publie un manuel sexuel, Isou ou La Mécanique des femmes. Le livre est interdit. Les chahuts lettristes font attraction à Saint-Germain-des-Prés. La nuit, son disciple Gabriel Pomerand monte sur les tables du Tabou, tape sur un tambour et récite des poésies sonores. Cheveux coiffés en banane à la Elvis Presley, Isou attaque Gide («vieille chienne»), Paulhan («style crapaud») et stigmatise la «fureur molle» de Breton.
Isidore Isou ne s’arrête pas à une critique impitoyable de l’expression artistique. Avec un autre disciple, Moïse Bismuth dit Maurice Lemaître, il tente de créer une organisation révolutionnaire capable de changer de société. Dans son Traité d’économie nucléaire : le soulèvement de la jeunesse, il appelle les jeunes à la construction d’une société «paradisiaque et créative».
En 1951, Isidore Isou lance son Manifeste du cinéma discrépant (systématisant la disjonction entre son et image) et réalise son premier film, Traité de bave et d’éternité, quatre heures et demie de plans tremblés, d’images rayées la tête en bas interrompues par un écran blanc. Il fait croisade au Festival de Cannes pour l’y projeter, obtient un Prix de l’avant-garde créé pour l'occasion.
Intrigué, Guy-Ernest Debord rejoint le groupe lettriste. Peu après, il annonce qu’il veut détruire le cinéma, signe Hurlements en faveur de Sade, film sans images où Isou déclame des phrases sur la mort du cinéma.
Entre Isou et Debord, rien ne va plus. Le premier rejette toutes les théories sur la lutte des classes et les pratiques révolutionnaires prônées par le second. Debord et ses complices fondent l’Internationale lettriste, puis, six ans plus tard, l’Internationale situationniste. Isou, lui, tentera de révolutionner d’autres disciplines, la science, la technique, ou d’imposer ce qu’il nomme l’art imaginaire.

Enfant surdoué, il élabore à 17 ans une théorie de la culture : le moteur de l’homme est la volonté de créer. Il débarque à Paris en 1945, avec une valise pleine de manuscrits, se rend directement au bureau de Jean Paulhan, directeur éditorial de Gallimard. Paulhan n’est pas là. Isou prétend alors être un journaliste, demande à interviewer Gaston Gallimard, et, à peine installé, lui déballe son Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique. En vain.
Au prix d'un sens de l’entrisme et du tohu-bohu, Isou parvient néanmoins dès 1946 à imposer son mouvement : le lettrisme, ou l’art de transformer la poésie en «protolangage», de jouer avec les lettres de l’alphabet et des particules linguistiques «dépourvues de tout sens immédiat». Il fait de la peinture une polyécriture, prône un cinéma sans image.
Faisant figure de provocateur, et créant bientôt sa revue, La Dictature lettriste, Isidore Isou publie un manuel sexuel, Isou ou La Mécanique des femmes. Le livre est interdit. Les chahuts lettristes font attraction à Saint-Germain-des-Prés. La nuit, son disciple Gabriel Pomerand monte sur les tables du Tabou, tape sur un tambour et récite des poésies sonores. Cheveux coiffés en banane à la Elvis Presley, Isou attaque Gide («vieille chienne»), Paulhan («style crapaud») et stigmatise la «fureur molle» de Breton.
Isidore Isou ne s’arrête pas à une critique impitoyable de l’expression artistique. Avec un autre disciple, Moïse Bismuth dit Maurice Lemaître, il tente de créer une organisation révolutionnaire capable de changer de société. Dans son Traité d’économie nucléaire : le soulèvement de la jeunesse, il appelle les jeunes à la construction d’une société «paradisiaque et créative».
En 1951, Isidore Isou lance son Manifeste du cinéma discrépant (systématisant la disjonction entre son et image) et réalise son premier film, Traité de bave et d’éternité, quatre heures et demie de plans tremblés, d’images rayées la tête en bas interrompues par un écran blanc. Il fait croisade au Festival de Cannes pour l’y projeter, obtient un Prix de l’avant-garde créé pour l'occasion.
Intrigué, Guy-Ernest Debord rejoint le groupe lettriste. Peu après, il annonce qu’il veut détruire le cinéma, signe Hurlements en faveur de Sade, film sans images où Isou déclame des phrases sur la mort du cinéma.
Entre Isou et Debord, rien ne va plus. Le premier rejette toutes les théories sur la lutte des classes et les pratiques révolutionnaires prônées par le second. Debord et ses complices fondent l’Internationale lettriste, puis, six ans plus tard, l’Internationale situationniste. Isou, lui, tentera de révolutionner d’autres disciplines, la science, la technique, ou d’imposer ce qu’il nomme l’art imaginaire.
Jean-Luc Douin
Le Monde, 2 août 2007
Le Monde, 2 août 2007