Sur l'affaire du Corbeau
avons-nous évité un nouveau Tarnac ?
Un rassemblement de citoyens et une conférence de presse publique sont organisés mercredi 9 septembre à Saint-Pons de Thomières (34) à 11h00 pour dénoncer des méthodes policières qui ont cours depuis quelques semaines dans les Hauts Cantons du département de l’Hérault. Des visites et perquisitions tous azimuts et des gardes à vue allant jusqu’à 60 heures ont eu lieu dans le cadre de l’affaire dite du «corbeau» affaire suivie par la brigade antiterroriste. Ces interventions de police ont concerné les milieux associatif, politique, syndical, artistique, commerçant et s’adressent essentiellement à des personnes engagées dans des structures militantes ou associatives : on compte plusieurs dizaines de personnes victimes de ces perquisitions ou de ces gardes à vue. Ce rassemblement permettra aux personnes incriminées, aujourd’hui innocentées toutes libérées grâce à la mobilisation de la population, de s’exprimer publiquement.
Rendez vous donc ce mercredi 9 septembre 2009
à Saint-Pons de Thomières dans l’Hérault à 11 heures devant la mairie.
à Saint-Pons de Thomières dans l’Hérault à 11 heures devant la mairie.
Les citoyens victimes de la dérive sécuritaire soutenues par : Association Hurlevent - ATTAC Jaur/Somail - CNT 34 - Confédération Paysanne - PCF
8 septembre 2009.
La traque au corbeau fait chou blanc
Le dernier des onze gardés à vue dans l’affaire des lettres accompagnées de balles a été relâché samedi soir.
«On est revenus, on n’a rien à se reprocher et on demandera des comptes», s’exclame Pierre Blondeau. Il est un peu plus de 22 heures samedi soir, à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault). Le dernier des onze gardés à vue dans la traque au corbeau a été libéré juste après 20 heures du commissariat de Montpellier.
Pierre Blondeau, 56 ans, ancien militaire parachutiste et militant communiste actif, est revenu avec trois de ses camarades, libérés quelques heures avant lui. Une cinquantaine de militants et d’amis (PC, CNT, Confédération paysanne, association Hurlevent…) les ont attendus devant la mairie. Ils étaient plus du double à s’être rassemblés au même endroit, hier à 18 heures, pour dénoncer une «dérive policière» ainsi que les amalgames effectués par la police et par les médias.
Amalgame entre terrorisme, motif sous lequel ont été réalisées les onze interpellations jeudi matin, et militantisme. La plupart des gardés à vue a en effet comme point commun, de se battre au quotidien contre des problèmes locaux, en particulier contre l’implantation d’une grosse décharge Sita-Suez en 2003 et contre des projets éoliens aujourd’hui.
La police n’a donc pas trouvé le ou les auteurs de la trentaine de lettres de menaces adressées depuis fin 2008 à des personnalités politiques. Lettres dont certaines contenaient une balle de 9 mm ou de type 38. Dès le jeudi soir, le fils d’un des hommes gardés à vue était libéré.
«Aucune preuve»
Trois autres sont sortis le vendredi soir. Puis six dans l’après-midi du samedi, dont une femme ; et enfin Pierre Blondeau, celui que la police suspectait le plus. «Il fallait que j’avoue que c’était moi. Mais ils n’avaient aucune preuve matérielle, sinon ils m’auraient bien envoyés à Paris», assure celui qui tient depuis une dizaine d’années «la Cigale», un bureau de tabac dans le centre ville de St-Pons.
«Ils cherchaient à faire accuser Pierre», renchérit son ami Marcel Caron, 70 ans, président de l’association anti-éolienne Hurlevent, libéré hier à 18 heures. «À tout prix ils veulent le faire plonger», confirme Saïd, un maçon plâtrier de 58 ans sorti de garde à vue vers 17h30.
Pierre Blondeau semblait donc avoir pour la police le profil idéal du corbeau. Comme plus de 2300 personnes, il vit à St-Pons-de-Thomières, dans le nord-ouest de l’Hérault, région d’où ont été postées une partie des lettres de menaces. Comme des milliers de gens, il a un passé de militaire pouvant expliquer la détention de munitions telles que celles glissées dans les courriers de menaces.
Il est connu pour son intense activité de militant politique et d’opposant au député-maire socialiste Kléber Mesquida (absent lors du rassemblement de ses concitoyens samedi soir). Il est aussi le rédacteur (officiel) d’un journal local intitulé La commune, dont il dit «c’est de la dialectique d’extrême gauche». Certains enquêteurs n’ont pas hésité à faire le lien avec les lettres (anonymes) du corbeau.
«Cellule Jacques Roux»
Enfin, il a le tort d’être le secrétaire de la cellule Saint-Ponaise du parti communiste, baptisée «cellule de l’abbé Jacques Roux», du nom d’un abbé révolutionnaire en 1789. Ses membres se réunissent régulièrement dans l’arrière-salle de la Cigale. De «cellule 34», nom par lequel le corbeau a signé ses missives, à «cellule Jacques Roux», il n’y aurait donc qu’un pas, que les enquêteurs se sont, en vain, efforcés de lui faire franchir.
«J’ai été interrogé de vendredi 18 heures jusqu’à samedi matin 7 heures puis de 9 heures à 14 heures. C’est piloté directement de l’Élysée par Claude Guéant [secrétaire général de l’Élysée ndlr]», affirme Blondeau. Certains n’hésitent pas à parler d’une pression énorme mise par l’État, Nicolas Sarkozy ayant été lui-même destinataire de l’un des courriers du corbeau. Des centaines de policiers sont sur les dents.
Jeudi matin, en plus des onze interpellations (qui ont toutes un lien avec la Cigale et Blondeau), une dizaine d’autres personnes ont subi une perquisition, ont été auditionnées chez elles et ont dû donner leur empreinte génétique (ADN). Les disques durs de leurs ordinateurs ont été copiés. Et elles ont dû se soumettre à une dictée intitulée (qui a dit que la police n’avait pas d’humour ?) «le corbeau et le renard». Histoire de comparer leur écriture avec celle, manuscrite, retrouvée sur certaines enveloppes du vrai corbeau.
Leur presse (Carole Rap, Libération), 6 septembre.