Camp Climat : Autoréduction au Super U de Vigneux

Aujourd’hui à 12 heures, une centaine de personnes masquées ont réquisitionné de la nourriture au Super U de Vigneux pour alimenter le camp Climat.
Festoyons ensemble !
Les avenirs les mieux préparés se transforment souvent en de véritables catastrophes. En témoigne l’histoire de ce gérant de supermarché dans la petite bourgade de Vigneux-de-Bretagne. Il avait décidé d’implanter les nouveaux modèles de supermarchés aux abords d’un projet d’aéroport d’ampleur nationale. La tyrannie lui semblait être la position la plus habitable pour mener à bien son projet.
Mais c’était sans compter sur le boycott généralisé des habitants de la commune (orchestré par la municipalité à cause d’une triste histoire de voirie) accentué par l’irruption soudaine d’une horde d’affamés déterminée à vider les rayons de son magasin. Une horde bien insatisfaite de garder pour elle le butin de son intervention, et qui vous invite donc à partager en fête ce vendredi et pour les jours à venir une nourriture qui aura saveur de la gratuité aux dépens du tyran.
Aujourd’hui, jeudi 6 août 2009, ce sont plusieurs dizaines de personnes d’horizons divers qui se sont réunies dans ce Super U de campagne, tous, réunis pendant une semaine pour affirmer en paroles et en actes leur opposition au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pour marquer sensiblement le combat qui les oppose au nouvel ordre écologique.
Bien conscients d’avoir attaqué avec une violence inouïe le calme et la tranquillité de ce paisible supermarché de campagne, d’avoir sauvagement détruit le moral des salariés prêts à défendre corps et âmes leur lieu de travail, d’avoir entraîné jusqu’à son effondrement un espace de partage, de convivialité et de rencontre, nous nous sommes introduits dans ce magasin pour y faire régner le plus grand désordre possible et imaginable.
Soucieux cependant d’être en adéquation avec l’esprit du camp Action Climat et d’une lutte effective et conséquente contre le projet d’aéroport, nous sommes ressortis du magasin avec plusieurs douzaines de sacs remplis d’aliments de base et de boissons de première nécessité, destinés à alimenter les cantines du camp.
Nous sommes aussi entrés dans ce supermarché pour affirmer notre autonomie avec bien plus de classe et de joie que n’importe quel entrepreneur. C’est un rituel qui a été transgressé. Entrer. Choisir, en jugeant du rapport qualité-prix, aguiché par les montagnes de choses étalées de façon obscènes. Enfin, poireauter à la caisse et verser son argent comme une obole en ayant l’impression de se vendre soi-même, par l’échange du temps et de la peine qu’il a fallu pour obtenir cet argent. Tout ça dans une ambiance asceptisée et froide animée d’un subtil jeu de caméras, vigiles et portiques sonores.
Vous l’aurez compris, cette cérémonie sucsite suffisamment d’effroi pour vouloir en finir avec ce cathéchisme économique.
S’organiser pour la subsistance semble impensable sans l’attaque du dispositif supermarché. Que se nourrir devienne une expérimentation communiste !!! Soudés un temps pour mettre à mal un des temples de la marchandise nous a ouvert l’appétit beaucoup plus que lorsque nous étions assujettis au portefeuille. Cette autoréduction a été une revanche joyeuse. Et le partage du butin prolonge le pied-de-nez fait aux conventions, aux codes et obligations du monde marchand. Mais rassurez-vous d’autres coups sont possibles : les potagers collectifs, le vol à l’étalage et autres pratiques de bandits de grands chemins.
Bien entendu, là n’est pas le fond du problème. Car si les détracteurs s’agitent ce n’est pas parce que telle action a eu lieu mais bien parce qu’elle a été subversive.
Ce que traduit cette autoréduction, c’est l’envie d’inscrire cette semaine dans l’accroissement du rapport de force face aux institutions que connaissent les luttes en France, depuis les émeutes qui ont secoué l’élection de Sarko. Qu’un nouvel aéroport se construise ou qu’un Super U de campagne se modernise, cela traduit toujours le même effondrement des territoires dans lesquels ils s’implantent.
Ainsi, nous ne voulons pas nous engouffrer dans une voie qui respecte sagement les règles du jeu démocratico-judiciaire, comme le veulent certains, dans les luttes écolos et aussi à NDDL.
Le geste qui allie à la fois une plus grande offensivité et la possibilité d’un plus grand partage, compte plutôt entrer en résonnance avec un autre état d’esprit.
AVEC celui des fins stratèges qui ont su profiter d’un pique-nique famillial pour saboter des carrotages de terre pour le barreau routier de NDDL.
AVEC le sarcasme des ouvriers qui menacent de faire sauter l’usine, séquestrent leur supérieurs pour avoir la plus grosse prime possible.
AVEC les assaillants de Strasbourg au printemps dernier.
Ou, pour revenir quelques années en arrière, AVEC l’esprit de Plogoff, du Carnet ou du Pellerin qui a empêché que des centrales se construisent en Bretagne.
Si ces luttes ont été victorieuses ce n’est pas grâce au blabla administratif ou à des grands discours, mais plutôt à des attaques ciblées sur EDF, à une solidarité à toute épreuve, à un savant équilibre entre inventivité et offensivité, à un attachement profond au territoire et au refus de plier devant la police. Nous sentons bien, pour l’avoir vécu, qu’il y a plus de sens et d’effectivité lorsque de tels partages parcourent nos révoltes, que lorsque nous cherchons à ce qu’elles soient reconnues par nos ennemis.
C’est l’esprit de Plogoff qu’il nous faut retrouver et réinventer.
Une horde d’affamés
Indymedia Nantes, 6 août 2009.

Un supermarché pris pour cible
Une cinquantaine de personnes a pillé le magasin hier midi. Des fusées de détresse ont été tirées en direction des gendarmes. Hier soir, personne n’avait été interpellé.
Midi dix, hier. Les caissières du supermarché Super U de Vigneux-de-Bretagne n’en croient pas leurs yeux. Un commando d’une cinquantaine de personnes s’engouffre comme un seul homme dans leur magasin. Les intrus se déplacent le visage dissimulé sous une cagoule ou sous une écharpe. Certains sont munis de bâton. Et tous sont armés d’une détermination sans faille.
Ils prennent possession des rayons. Brisent une vitrine et font main basse sur le matériel hi-fi (appareils photo, lecteurs MP3…). Se servent en bouteilles de vin, spiritueux et alimentation. Frappent le directeur du magasin ou un employé qui tente de s’interposer. Puis, cinq minutes après leur irruption, les pillards ressortent les bras chargés sur le parking du Super U.
Aucun gendarme blessé
«Afin de couvrir leur fuite à pied à travers les broussailles, ils ont alors tiré en direction des forces de l’ordre qui arrivaient à ce moment-là des fusées de détresse et des fusées artisanales», confie une source proche de l’enquête. Par chance, aucun gendarme n’a été blessé.
Un important dispositif de recherches a été déployé : hélicoptère, équipe cynophile… Au total, une cinquantaine de militaires ont été mobilisés. L’état-major de la gendarmerie a aussi pu visionner les images capturées par les caméras de vidéosurveillance du magasin pour tenter d’identifier les pillards. Mais hier, en milieu de soirée, personne n’avait encore été interpellé.
«Mouvance anarcho-autonome»
Le regard des enquêteurs se tournait vers «des représentants de la mouvance anarcho-autonome venus en marge du Camp action climat organisé cette semaine à Notre-Dame-des-Landes».
«Nous sommes face à des partisans de l’extrême gauche radicale, qui s’expriment par la violence et que nous retrouvons régulièrement lors de différents rassemblements de contestation sur la voie publique», analyse une source proche du dossier. Hier, la gendarmerie promettait un renforcement des contrôles autour du camp action climat, dans la commune voisine de Notre-Dame-des-Landes.
Après l’attaque du Super U de Vigneux, contrôles renforcés dans le secteur
Plusieurs compagnies de gendarmerie ont détaché des hommes tout spécialement.
Depuis l’attaque du Super U de Vigneux-de-Bretagne hier midi, des moyens supplémentaires ont été engagés sur le terrain, pour éviter toute nouvelle action violente et renforcer les contrôles sur réquisition du procureur. Depuis le «pillage organisé» d’hier, personne n’a été interpellé. La quarantaine d’«envahisseurs» est passible de poursuites pour «violences volontaires» et «vol en réunion». Sur les lieux, «six ou sept» fusées de détresse ont été retrouvées par les gendarmes, qui répètent que ces engins sont «très dangereux».
Leur presse (Jérôme Jolivet, Presse-Océan), 7 août.

Traque des gendarmes après l’attaque au Super U
Un groupe masqué a fait irruption, hier, dans un supermarché de Vigneux-de-Bretagne. D’après le personnel, ils se réclamaient du mouvement anti-aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
13h
Coup de fil à la rédaction : une responsable du Super U de Vigneux-de-Bretagne est en alerte. Un groupe d’une dizaine de personnes, masquées et munies de barres de bois, a fait irruption dans le magasin. Ils ont volé de la nourriture et de l’alcool, brisé une vitrine contenant du matériel high-tech, molesté le personnel, explique-t-elle.
Un peu plus tard, plusieurs camions de gendarmerie sont en position devant le Super U. À l’intérieur du magasin, le personnel est sous le choc. «Je courais derrière les voleurs, je leur ai demandé de venir discuter, témoigne le responsable du magasin, Patrick Delhommeau. J’ai été frappé au visage et à la cheville. Un homme qui travaillait à côté et qui s’est interposé a aussi pris des coups.» Une dizaine d’employés étaient présents, mais n’ont rien pu faire. L’un d’entre eux raconte : «On était complètement impuissants, ils étaient en surnombre [ndlr. les gendarmes parlent d’une quarantaine d’intrus]. Ça faisait film ! Ils se réclamaient du mouvement contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.» Les intrus ont pris la fuite en lançant des fusées de détresse en direction des gendarmes.
15h30
Un important dispositif est déployé. Plus tôt, un hélicoptère a décollé. Ils sont une cinquantaine de militaires mobilisés, venus de plusieurs compagnies pour retrouver les auteurs de l’opération. Les véhicules se dirigent sur le site de Notre-Dames-des-Landes. Une semaine de mobilisation contre le projet d’aéroport s’y tient actuellement. Peut-on parler d’un lien avec l’attaque du supermarché ? «Peut-être, mais on n’en a pas la certitude», confie une source proche de l’enquête. Pour l’heure, aucune preuve matérielle ne permet de confirmer cette piste.
Dans les bois, une trentaine de gendarmes avancent derrière les chiens de l’équipe cynophile. File indienne à pas de loups, en silence. Peine perdue : une partie du dispositif est levée, sans qu’aucune interpellation n’ait eu lieu.
17h
Déclaration d’Yvan Auriel, procureur de la république adjoint à Nantes : «L’objectif est simple : interpeller les auteurs et retrouver les fusées tirées sur les gendarmes». Les engins étant potentiellement mortels, le parquet pourrait retenir la qualification de tentative d’homicide, si la dangerosité des fusées le justifiait. «On ne peut pas laisser passer ces faits d’agression caractérisée», estime-t-il.
Hier soir, une soixantaine de gendarmes étaient toujours à pied d’œuvre sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Ils procédaient à des contrôles d’identité tous azimuts.
«Nous n’allons pas soutenir ce type d’action»
Dominique Fresneau, président de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) : «C’est clair, ce type d’action nuit fortement à la Semaine de la résistance. Nous n’avions pas besoin de ça, de cette publicité. Pour nous, il ne s’agit pas de gens du Camp Action Climat (NDLR : Même si ce camp s’intègre à la Semaine de la Résistance réunissant différentes associations comme l’Acipa ou Attac, il est indépendant dans son fonctionnement). Ils n’ont d’ailleurs nullement revendiqué cette action. S’il avait fallu condamner la société de consommation la cible aurait été un hypermarché mais pas un petit “Super U” qui est loin de tout ça.»
Sylvain Fresneau, agriculteur de Notre-Dame-des-Landes, membre de l’Acipa : «Nous n’allons certainement pas soutenir ce type d’action. Nous, on agit toujours ouvertement et jamais violemment. À l’origine de cette action, il ne faut pas forcément y voir des gens du Camp Action Climat.»
Une porte-parole du Camp Action Climat : «On ne l’a pas revendiqué. On n’a pas voté pour avoir un avis là-dessus. Chacun a ses réflexions propres. Il n’est donc pas possible de vous donner la position officielle du CAC.»
Le préfet de Loire-Atlantique : «Je condamne fermement ces agissements qui surviennent après l’envahissement et la dégradation, lundi, d’un local de Nantes métropole. S’il convient d’éviter tout amalgame entre ces comportements et la manifestation pacifique actuellement en cours contre le projet de transfert de l’aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes, chacun doit garder à l’esprit que cette contestation ne saurait justifier une quelconque forme de violence.»
Leur presse (Clémence Holleville, Ouest-France), 7 août.
L’attaque du Super U pourrit la vie des décroissants
À Notre-Dame-des-Landes, le Camp action climat rassemblait dans la bonne humeur décroissants et opposants à l’aéroport. Mais hier soir, le Super U a été dévalisé par une bande de jeunes encagoulés. Et l’ambiance du camp en est un peu chamboulée…
Le diable est dans les détails, mais pas que. L’utopie cohabite avec le réel. Et le réel, ce matin à Notre-Dame des Landes, c’est un fait-divers qui s’est déroulé à quelques kilomètres du camp : une quarantaine de quidams cagoulés ont effectué une razzia dans le Super U du coin. Ils ne cherchaient pas d’argent, mais des victuailles, dans la grande tradition des «auto-réductions» pratiquées par les autonomes dans les années 1970 et 1980. L’auto-réduction ne s’est pas, cependant, déroulée sans quelques bousculades avec les employés et le directeur du supermarché.
Une fois leur sac à dos rempli, les jeunes protégeaient leur fuite, à pied, en lançant des fusées de détresse à une escouade de gendarmes accourus. Du coup, ces derniers ont fait chou blanc et les fuyards courent toujours même si, à l’arrière du camp, une banderole propose aux personnes présentes de se servir dans le butin d’épicerie déposé à même le sol, afin d’organiser un festin bien mérité. Impossible de savoir, bien sûr, si ceux qui traînent là ont un quelconque rapport avec le raid du Super U…
Le camp d’en face, comme on dit ici pour désigner les partisans de l’«Ayrault-port», a bien entendu immédiatement profité de l’occasion offerte d’assimiler décroissants et opposants à l’aéroport avec les jeunes délinquants radicaux. Toutes proportions gardées, l’amalgame ressemble un peu à celui de l’affaire Coupat.
«On a tendu les verges pour se faire battre, regrette un organisateur. Eux ils ne font que leur job.» Ledit job consiste en des gros titres de la presse locale, un déploiement policier spectaculaire et l’engagement du préfet de pourchasser les responsables.
En fait, l’attaque du Super U provoque une montée de la tension entre le comité local qui lutte contre l’aéroport et le Camp action climat dont il a accepté la présence sans bien savoir à quoi il s’exposait. Organisés sur une base libertaire, refusant tout chef ou porte-parole, les militants du camp ne se sont pas prononcés sur l’affaire du Super U.
L’inspiration des jeunes est-elle géographique, s’inspirant des Camps action climat anglais organisés par des écolos-radicaux ? Est-elle davantage historique, renouant avec le fil des autonomes français de l’ancien temps ? On n’en saura rien, car on ne trouve pas une aiguille dans une botte de foin, surtout quand on ne se sent pas l’âme policière…
Quoi qu’il en soit, l’incident a déjà provoqué une conséquence politique importante localement : les maires des villages du coin ont annulé leur participation à une conférence de presse contre l’aéroport prévue ce matin. Mais sur un chemin qui mobilise depuis des dizaines d’années les opposants à l’aéroport, il s’agit tout au plus d’un tout petit caillou…
Leur presse (Philippe Cohen, Marianne), 7 août.