Le mouvement étudiant, un mouvement révolutionnaire ?
Il faut donc avoir le «courage» d’avouer qu’il est nécessaire de finir un mouvement, non pas de le clore mais de le mettre en veilleuse, de le laisser se reposer en ayant l’espoir d’une reprise de feu lors de la rentrée prochaine, la lutte qui se tape des congés non payés et non redevables, une sorte d’avance dans la pensée, de consommation mouvementaire. Cela ne prend pas cette année, négocions la pause et reprenons l’année prochaine, en promettant main sur le cœur et voile sur les yeux que c’est la seule issue possible et imaginable.
Entendre ce discours, venant de la part de personne se revendiquant militante pour changer l’ordre des choses laisse perplexe, cela déroute, on se positionne dans un creux idéologique suicidaire, défaitiste et pas du tout révolutionnaire. On se prend à oublier que la raison même de notre engagement, de nos luttes est le dépassement salutaire de la simple mobilisation rituelle s’instaurant dans les cadres qu’ils nous autorisent à défendre. Notre mobilisation n’est pas un CDD que l’on va renouveler, après être passée par la case saisonnière du repos tranquille, notre lutte est un engagement qui sert une visée et s’inscrit dans le temps, et s’enracine dans les murs. Déstabiliser les dogmes et établir le bordel dans nos têtes et dans la pensée prémâchée qu’ils nous servent.
Haro sur les jusqu’au-boutistes qui pensent autre chose, contre ces voyous qui viennent pourrir nos AG (nouveau sanctuaire des luttes auto-digérées), qui nous mettent face à nos contradictions et face à notre fausse lâcheté. Halte, pensons autre chose, et jouons la peur du chiffre, projetons nos peurs sur l’absence de personne, évitons de nous voir en face et mettons sur le compte de la mobilisation ratée des consciences et des cœurs notre défaitisme, la nécessité de ne pas poursuivre la réflexion jusqu’au bout. Tout en s’empêchant de s’interroger que le système mis en place va nous avoir lui, jusqu’au bout, va détruire nos aspirations lui jusqu’au bout, va s’immiscer et s’instaurer dans nos plus profonds désir de changement, lui va mettre en place la nécessaire sortie de crise, la gestion syndicale les nouveaux professionnels (pas si nouveau !!) du management des luttes, qui se sentent responsables des foules et de l’avenir des étudiants. Mais face à cela dressons le constat de la folie suicidaire de ceux qui osent espérer que le mouvement étudiant est un mouvement mou qui ne changera ni de direction ni d’aspiration quel qu’en soit le nombre, que si nous montrons, nous ceux qui sommes engagés dans la lutte quotidienne et perpétuelle, qui nous interrogeons tous les jours sur la nécessité de dépasser le système capitaliste, qui observons sa violence et analysons ses défaillances, que si nous montrons qu’il est destabilisable. À dix ou à cent, ou même à mille peu importe, tant que nous pouvons montrer aux yeux (et surtout à la tête) de tous, que le géant qui se dresse en face de nous a des pieds en argile, des pieds de monument qui n’a de solide que l’apparat et de puissant que la force diffuse de la peur qu’il visse au plus profond de nos têtes. C’est donc cela le dépassement, le jusqu’au-boutisme, le gauchisme nécessaire, c’est cette responsabilité-là que l’on devrait s’incomber.
Frapper là où ça fait mal, contre-attaquer et sortir des cadres qu’ils nous imposent. La force du système actuel réside dans la possibilité qu’il a à gérer les reformes et leurs contestations, à faire le mal et son antidote, à nous pousser dans nos retranchements les plus ultimes et à compter sur ceux qui gèrent pour pouvoir gérer le pire. De négocier la vaseline. La résistance se fait dans tous les domaines, la vraie la seule le mouvement qui ne s’arrête pas face à une ridicule histoire d’examen ou de répression. C’est là où réside notre force ; les examens sont comme les bulletins de vote, il titillent notre conscience de citoyen respectueux des normes établies ; de citoyenneté il n’y en a pas, car notre citoyenneté ne s’exerce pas dans une communauté dont nous gérons le devenir ; la démocratie du bulletin de vote crée nos limites et notre consentement, les examens déstabilisent notre conscience et détruisent notre rage et notre révolte. Rocher stable sur lequel vient s’écraser des montagnes d’écume, de plus en plus noire, récoltant le désespoir de ceux qui luttent.
La situation, elle, est beaucoup plus grave, la situation veut que l’on puisse se dresser tous ensemble, contre la tenue de cette mascarade d’examen qui signifie le dépassement d’un cap et la deuxième défaite en si peu de temps. La situation elle, n’est pas ajournable, elle ne peut revenir sur le devant de la scène de par la suite car la situation est toujours au devant de nous, la libéralisation de l’éducation, de la santé, de nos droits, de ce que l’on prétend encore appeler démocratie, est une réalité qui s’exerce tous les jours, qui est continue, qui ne s’arrête pas. Aller les bloquer, c’est justement attaquer le gouvernement sur son propre terrain, c’est être présent sur un domaine où ils ne nous attendent plus. Leur certitude de notre défaitisme face à cette situation les pousse à chaque fois à faire pourrir un mouvement et le faire se censurer sur la question des examens.
Oui aujourd’hui, le combat se situe là, car nous sommes à l’aube de l’effet Thatcher sur nos luttes, oui ici maintenant, peu importe le rapport de force tant que nous sommes tous ensemble organisés dans une même visée de lutte. Pour toutes ces raisons et du fait même de ne pouvoir dépasser la situation de soit-disant privilégiés que l’on nous colle, le mouvement étudiant ne sera jamais un mouvement révolutionnaire, un mouvement qui ne fait pas que contester des réformes, mais qui déstabilise le pouvoir et remet en cause le système en entier. L’effort est difficile, les privilèges bien ancré, le confort qui va avec aussi, le mouvement étudiant n’est pas (pour l’instant) un mouvement révolutionnaire, les exemples de 68 ou même du CPE nous le démontrent clairement. Jusqu’au-boutiste étudiant abstenez-vous ou allons chercher autre chose.
Un individu, le 20 juin 2009.