Sabotage partout, répression partout : EDF Suez

La brigade criminelle a été saisie à Paris, mais les coupures sauvages se multiplient sur fond de revendications syndicales. Paris, sa banlieue et certaines villes de province ont été touchées ces derniers jours.
La capitale encore victime des grévistes saboteurs ? Bien des Parisiens, de Montmartre à Pigalle, maudiront ce long week-end du Premier Mai, où plus de 7500 foyers ont été privés de gaz, à la suite de la fermeture intempestive, samedi, d’une vanne alimentant les IXe et XVIIIe arrondissements. Ils auront dû se passer de chauffage, goûtant aux bienfaits de la douche froide, le temps que la situation soit rétablie. Ce qui n’était pas le cas pour tous dimanche, notamment certains abonnés qui avaient profité du pont pour s’échapper quelques jours. Plusieurs restaurateurs ont également fermé leurs établissements, faute de pouvoir pousser les feux sous leurs pianos. Perdant ainsi une partie de leur recette, en cette période où le client se fait pourtant rare.
Ce week-end, à Toulouse et à Dunkerque, des milliers de foyers ont subi les mêmes désagréments. Les vannes centrales alimentant des quartiers entiers ont été fermées par des mains anonymes. Aucun tract ni inscription n’ont été laissés sur place. Mais pour la police judiciaire qui enquête sur de nombreux incidents similaires relevés sur le réseau ces dernières semaines, il ne fait aucun doute que ces actions obéissent à un plan concerté. Les coupures sauvages sont même revendiquées par la CGT, en conflit ouvert avec la direction de GDF Suez depuis plusieurs mois sur la question des primes et des salaires accordés au personnel. «Les actions se sont visiblement durcies depuis l’annonce désastreuse des rémunérations des dirigeants du groupe», confie, embarrassé, un magistrat parisien très au fait des dossiers.
Écoutes téléphoniques
À Paris, le parquet a ouvert une enquête préliminaire. Il n’a pas hésité à saisir la brigade criminelle pour débusquer les responsables des premiers actes de malveillance constatés dans la capitale le mois dernier. Sept arrondissements avaient alors été touchés. Des dégradations avaient aussi été commises dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et l’Essonne, où pas moins de 14.000 abonnés avaient été privés de gaz, dans le seul secteur de Corbeil.
Confiante, la PJ s’accroche à ses méthodes : relevé d’indices, enquêtes de voisinage dans les quartiers où sont installées les vannes principales des réseaux affectés. Les hommes du Quai des Orfèvres s’attachent aussi à faire «parler» les portables de quelques suspects. Des téléphones seront inévitablement mis sur écoutes, comme cela est désormais possible sans même l’autorisation d’un juge d’instruction, depuis l’adoption des lois Perben. À mesure que les dossiers se remplissent, la perspective d’opérations ciblées chez les jusqu’au-boutistes se rapproche. Déjà, des responsables syndicaux en appellent à «l’indulgence» des pouvoirs publics.
Pour l’heure, les actes de malveillance se succèdent, obligeant, à chaque fois, à mobiliser d’importants effectifs pour remettre le réseau en ordre de marche. À Paris, pas moins de 80 agents d’astreinte de GrDF, la société distributrice de GDF Suez, se sont relayés ce week-end pour réparer les dégâts des grévistes. Car il ne suffit pas de rouvrir le robinet général sournoisement fermé. Les agents doivent se rendre dans chaque appartement concerné pour relancer l’alimentation, en s’assurant au préalable que les feux des gazinières ne sont pas restés ouverts à fond. «Les règles de sécurité à respecter sont draconiennes et imposent, à cette échelle, des délais d’intervention particulièrement longs que les grévistes n’ignorent guère», déplorait dimanche un commissaire de police.
La société distributrice de GDF Suez a annoncé qu’elle allait porter plainte contre les auteurs des dernières coupures du week-end. Le risque guette d’une banalisation des actes de sabotage chez les plus radicaux.
Leur presse (Jean-Marc Leclerc, Le Figaro), 4 mai 2009.
Coupures de gaz/salaires :
Les syndicats préparent de nouvelles mobilisations
Plus de cinq semaines après le début du conflit sur les salaires dans l’énergie, les coupures intempestives de gaz se sont poursuivies ce week-end, à Paris, une semaine après l’échec des négociations, les syndicats préparant de nouvelles mobilisations.
Environ un millier de clients attendaient encore lundi d’être réalimentés en gaz dans les 9e et 18e arrondissements de Paris, près de 7500 d’entre eux ayant été victimes d’une coupure samedi, due à un «acte de malveillance», selon GrDF, la filiale distribution de GDF Suez, qui a porté plainte contre X.
«Ces actes ont peut-être été commis par des agents isolés, au bout du rouleau après plus d’un mois de grève, mais il n'est pas question de justifier les coupures», a commenté Philippe Taurines, secrétaire général de la fédération FO de l’énergie.
Depuis la fin mars, des salariés des filiales de distribution ErDF et GrDF observent des arrêts de travail sporadiques pour obtenir des hausses de salaire de 5%, une prime de 1500 euros ainsi que l’arrêt de projets d’externalisation d'emplois.
Chez ErDF, aucune coupure de courant n’a cependant été constatée lors du week-end, selon un porte-parole, alors que jusqu’à 65.000 clients en avaient été victimes dans la journée du 23 avril.
Les négociations salariales ont pris fin le 25 avril.
«Les propositions salariales de GDF Suez représentent au maximum 500 millions d’euros, dans un groupe qui a dégagé pour la seule année 2008 un bénéfice net de 6,5 milliards d’euros, a déploré à l’AFP Yves Ledoux, coordinateur CGT pour GDF Suez.
«On est très loin des discours du chef de l’État demandant aux entreprises de réserver un tiers des profits aux salariés», a ajouté M. Ledoux.
Une soixantaine de salariés de GDF Suez ont distribué lundi des tracts réclamant des augmentations salariales, aux actionnaires du groupe réunis en assemblée générale à Paris : «Afin d'essayer d’attirer l’attention des actionnaires sur les augmentations de salaires des dirigeants, qui frisent l’indécence, alors même que les salariés sont mis au régime sec», a indiqué Jean Stoklischky, délégué CGT.
Selon les directions des deux entreprises de distribution, les grévistes étaient au total 578 lundi à la mi-journée, soit 1,24% des 46.000 agents travaillant à la distribution du gaz et de l’électricité.
Des assemblées générales devaient se réunir lundi pour décider de la suite du mouvement.
«Les copains avaient cessé la grève depuis deux semaines car ils avaient perdu beaucoup d’argent, mais le sentiment est maintenant à un retour de la mobilisation. Un préavis de grève est déposé pour jeudi, dans les Pyrénées orientales et une interfédérale est prévue mardi», a indiqué à l’AFP Sébastien Raya, secrétaire départemental de la CGT Énergie.
«C’est la base qui a clairement débordé certaines organisations majoritaires», a observé de son côté Philippe Taurines.
Les fédérations CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC de l’énergie ont organisé plusieurs journées d’action depuis le 9 avril. La mobilisation a atteint un pic d’intensité le 23 avril, avec le passage de trois millions de clients en tarifs d’heures creuses déclenché par les grévistes, selon la CGT.
«Nous avons du mal à identifier l’origine de ces actions de passage des clients en heures creuses. Nous ne pouvons même pas demander des informations aux clients, car ils n’en ont pas connaissance tant qu’ils n’ont pas reçu leur facture», a indiqué à l’AFP un porte-parole d’ErDF.
Leur presse (AFP), 4 mai.