La question du logement

Publié le par la Rédaction

Des analyses et des propositions anarchistes sur la question du logement

La «crise» permanente du logement

En France aujourdhui, des millions de personnes sont mal logées, plus de 100.000 personnes sans domicile fixe, 337 SDF morts en 2008 faute de logement, des loyers de plus en plus chers, des centaines de milliers de logements insalubres, limpossibilité de se loger décemment, alors que par ailleurs la France compte près de deux millions de logements vacants.

À l
origine de cette «crise» permanente du logement, la recherche de profit propre au capitalisme, et sa conséquence, la spéculation. Pour faire monter les loyers, les propriétaires maintiennent des logements vides, alors que des millions de personnes en ont besoin, quune centaine de milliers de personnes dorment à la rue. Cette spéculation sappuie sur le droit de propriété, et sur sa défense permanente par l’État, à travers ses bras armés que sont la police et la justice.

Pendant que des propriétaires s
enrichissent en encaissant des loyers de plus en plus élevés, les saisies et expulsions locatives pour impayés, pour occupation sans droit ni titre, se multiplient.

Des marchands de sommeil profitent de l
impossibilité daccéder à un bail pour les travailleurs et travailleuses les plus précaires (particulièrement les travailleuses et travailleurs sans papiers), pour louer des logements insalubres à prix dor.

Des familles vivent dans des pièces minuscules faute de trouver un logement adapté à leur taille.

Les travailleurs et travailleuses sans papiers et leurs familles, faute de pouvoir trouver un logement dans un cadre légal du fait de leur situation, sont livrées à l
appétit carnassier des marchands de sommeil ou contraintes au squatt de logements sociaux laissés vacants.

Des dizaines de personnes meurent dans des incendies liés à l
insalubrité des logements, dans le parc privé comme dans le parc public.

Refusons le fatalisme !

Ce ne sont pas les gesticulations démagogiques du gouvernement sur le «droit au logement opposable» qui feront oublier que l
État sert de bras armé des spéculateurs, usant de la violence pour faire prévaloir le droit de propriété et que les municipalités de droite comme de gauche, gestionnaires loyales du capitalisme, et donc des intérêts des propriétaires spéculateurs, contournent la loi sur les logements sociaux, pratiquent une gestion clientéliste du parc social, expulsent ou aident à expulser des locataires pour impayé ou pour occupation sans droit ni titre.

La gauche main dans la main avec la droite pour la défense des spéculateurs

La gauche a elle aussi beau jeu de se poser en défenseuse des mal-logé-e-s. Elle a toujours su, en dernier ressort privilégier le droit de propriété au droit au logement. Le logement est vide, il n
est pas habité par son propriétaire ? Peu importe pour les politicienne-s de gauche comme de droite : force reste à la propriété ! Les référés tombent et les habitant-e-s avec ou sans droit ni titre, se retrouvent à la rue. «Paye ou dégage», lalternative cynique trouve aussi ses bons défenseurs à gauche. Lurbanisme de classe, celui qui voit coexister, comme les deux faces de la même médaille, les quartiers pauvres où lon parque les travailleurs-euses (en activité ou au chômage) dans les tours, et les quartiers riches où le pavillon et limmeuble de rapport sont bien protégés (par le niveau de loyer comme par les flics) des «intrusions indésirables», la gauche la aussi développé. Pour les riches (même de gauche), la misère nest jamais belle à voir, il vaut mieux léloigner loin des quartiers bourgeois.

Les politiciens gèrent la misère au lieu de la combattre

Les exemples sont nombreux qui montrent que la gauche municipale se comporte en gestionnaire loyale du capitalisme, sur le dos des travailleuses et travailleurs, des chômeuses et chômeurs mal-logés, alternant discours public paternaliste, humanitaire, et mise en œuvre des politiques d
expulsion des résidents.

À Aubervilliers, par exemple, la municipalité PC (précédente mandature) n
a pas hésité à faire voter en conseil municipal lexpulsion des familles de la Maladrerie, occupant sans droit ni titre des logements sociaux laissés vacants, et ce avec le soutien du PS.

À Bondy, par exemple, la municipalité PS souhaitait expulser les occupants de l
ancienne clinique Michelet, jusquà ce que celles et ceux-ci sauto-organisent, luttent, et quun comité de soutien se forme. Le rapport de force les a contraints à passer de la volonté affichée dexpulsion à un «soutien» de pure forme, qui sapparente en fait à une protection du marchand de sommeil (on maintient le statu quo, sans laggraver, mais sans se donner de réels moyens de le régler). La mairie na jamais caché son objectif prioritaire : non la régularisation et le relogement décent des occupants, mais la fermeture du lieu.

Les arrêtés municipaux contre les expulsions locatives, lorsqu
ils sont pris, ne concernent dans la plupart des cas que les locataires considérés «de bonne foi» (qualification floue) et excluent les mal-logés occupant sans droit ni titre des logements par nécessité («squatteurs»), les Roms qui vivent dans des campements que ces mêmes municipalités, main dans la main avec les préfectures, nhésitent pas à faire détruire au bulldozer.

Des propositions anarchistes pour un accès à un logement décent pour toutes et tous !

À partir de cette série de constats, se posent les questions : Comment notre classe peut elle agir pour assurer à tous et toutes laccès à un logement décent ? Comment faire face à la «crise» permanente du logement ?

Les propositions que nous faisons sont les suivantes :

C
est par la lutte, par notre action directe comme travailleuses, travailleurs avec ou sans emploi, comme locataires, mal-logés avec ou sans droit ni titre, que nous pourrons construire les conditions de cet accès :
—  Dans limmédiat, par la reprise directe, cest-à-dire la réquisition collective, sans attendre laction de pouvoirs publics qui nont pas pour objectif la défense de nos intérêts mais celle de l’État et des propriétaires. Par ce biais, le résultat est direct : tout en relogeant certaines et certains dentre nous, nous contribuons à pousser les loyers à la baisse, parce que nous faisons baisser mécaniquement la «demande», et donc nous poussons les propriétaires à mettre en location les logements vides le plus rapidement possible pour éviter leur occupation. Il ny a donc pas de contradiction entre le squatt des logements et lintérêt des locataires, bien au contraire.
—  En organisant la solidarité entre habitants, locataires et squatteurs, contre les expulsions, dans une lutte commune, entre logés et mal-logés, et sans logis. Les intérêts des un-e-s sont les intérêts des autres, face aux spéculateurs et aux propriétaires. Refusons les logiques de division !
—  En envisageant la grève des loyers et des charges, comme moyen de pression sur les propriétaires, notamment contre le logement insalubre. Ce qui suppose la solidarité face à la répression.
—  En revendiquant la gestion directe des logements collectifs par des coopératives d’habitant-e-s, et non des institutions dépendant de l’État, ce qui aidera à combattre le clientélisme politicien sur le logement social.
—  En luttant pour la socialisation des logements, permettant laccès de tous et toutes à un logement décent, dans une dynamique de rupture avec le capitalisme et l’État.

La possibilité de mettre en œuvre cette stratégie et ces tactiques dépend de notre capacité collective à nous organiser pour la lutte, à tisser entre nous des solidarités concrètes, à refuser une médiation institutionnelle qui n’a pour objectif que de gérer la misère.

Sam (groupe de Seine-saintDenis)
Infos & analyses libertaires no 75, janvier-février 2009
Bimestriel de la Coordination des groupes libertaires.


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