La Grèce vers une deuxième nuit d'émeutes

Dans le quartier «anar» (Exarchia), les flics sont toujours en nombre le week-end pour protéger les bâtiments «sensibles». Les «gamins» ont l’habitude de leur balancer des cailloux. Hier, un flic a tiré trois coups et a tué un jeune homme de 15 ans.
Très peu de temps après, plus d’un millier de personnes ont commencés à attaquer les banques, tous les magasins, et quelques voitures. Cela a duré toute la nuit, avec des affrontements contre la police. De mémoire de jeune grec, c’est du jamais vu.
Aujourd’hui il y a des manifestations spontanées, où l’on retrouvait des partis de gauche (socialiste, nouveau communiste, et communiste). Des «cagoulés» (pas seulement anar ou bachalas) ont profité de cette manifestation pour attaquer les vitrines et affronter la police.
La police utilise des gaz lacrymo mais aussi des gaz «paralysants». À Exarchia la population prend à parti les policiers pour qu’ils cessent de lancer ces gaz car les effets sont puissants. C’est autour de ce quartier qu’est partie la manif et après des affrontements devant le quartier de la police c’est à l’université polytechnique que tout le monde s’est retrouvé.
Le président d’université n’a pas «cassé» l’asylum (l’asile) qui interdit à la police d’entrer (par peur d’envenimer la situation). Donc les différents groupes en profitent pour attaquer à proximité, et rentrer se protéger dans l’université.

C’est le chaos. Les policiers ne savent pas quoi faire, ils n’ont pas d’ordre. Ils essaient seulement de contenir (et n’y arrivent pas), mais n’arrêtent quasiment pas. Le gouvernement a très peur et ne dit rien. Alors que des groupes attaquent, certains en profitent pour piller, créant par là même quelques tensions, certains préférant brûler que piller. À cette heure, et d’après ce qui m’est rapporté, il n’y a plus rien à détruire ou à brûler aux alentours de l’université.

Toutes les grandes villes sont touchées (Athènes, Thessalonique, Patras, Héraklion, Hania…). Beaucoup, beaucoup de monde dans les rues, pas seulement des anars. Des personnes qui avaient cessé d’être actives, sont redescendues dans la rue…
Au niveau du contexte général, il y a une grève des travailleurs, mais d’un autre côté les syndicats et les partis n’ont plus aucun écho.
Demain une manifestation est prévue pour «fixer». Cette nuit les émeutes vont continuer… D’après les contacts, il n’y aucune raison pour que cela s’arrête. La population soutient en grande majorité.
«D’habitude on agit, et on pense après, là on est obligé de faire les deux en même temps» : C’est à l’université que des groupes commencent à discuter de stratégies…
Et à cette heure, ça continue à brûler…
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La Grèce dans la crainte d’une deuxième nuit d’émeutes
Condoléances des autorités à la famille de l’adolescent tué
Athènes a vécu samedi et dimanche de graves incidents, suite à la mort d’un jeune homme de 16 ans tué par balles par un policier, avec échanges de cocktails molotov et grenades lacrymogènes entre protestataires cagoulés et forces de police, incendies de voitures, bris de vitrines, et un centre d’Athènes paralysé, alors que la capitale grecque se préparait à allumer officiellement l’Arbre de Noël, place Syntagma dimanche soir, opération reportée en attendant que le calme revienne.
Un premier bilan dimanche après-midi donnait sept personnes arrêtées lors des échauffourées ayant suivi la mort du jeune homme, la destruction de 8 grands magasins — dont Sprider et Intersport —, 7 banques, 20 voitures, dont 6 voitures de police stationnées près de l’Acropole. Le nombre de personnes blessées restait encore inconnu.
Par ailleurs, les deux policiers ont été conduits pour leur part devant le procureur pour répondre à des poursuites pénales (l’un pour homicide volontaire, le second pour complicité).
Cette vague de violence s’est répandue aussi dans les grandes villes universitaires, notamment à Thessalonique et à Ioannina.
Les manifestations de protestation qui ont été improvisées dimanche après-midi à Athènes, Thessalonique et dans plusieurs autres villes se sont déroulées dans un climat très tendu. Des échauffourées ont souvent opposé manifestants et forces de l’ordre qui se sont affrontés à coups de pierres et de cocktails molotov d’un côté et de grenades lacrymogènes de l’autre. Les affrontements se poursuivaient tard dans l’après-midi après la dispersion des manifestants.

Dimanche matin dans une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation, Procopis Pavlopoulos, responsable aussi de la Police hellénique, a informé avoir téléphoné personnellement le soir même à la mère du jeune homme, tué par balle dans l’après-midi, pour lui exprimer ses excuses, alors que se référant aux incidents graves qui ont suivi, le ministre a déclaré comprendre la peine de certains dans ce cas précis, notant aussi que les réactions de violence se retournent contre d’autres personnes et plus généralement contre toute la société.

M. Pavlopoulos a informé par ailleurs que lui-même et son secrétaire d’État M. Hinofotis avaient immédiatement soumis leurs démissions, en «assumant pleinement [leurs] responsabilités politiques», mais qu’elles n’avaient pas été acceptées, ajoutant pour la presse qu’il ne se référera pas aux circonstances exactes de ce drame avant l’autopsie de la victime.
«Il est du droit de chacun dans une démocratie de manifester et protester. Surtout dans ce cas inexplicable comme celui d’hier soir. Toutefois, la police agira en protection et sera présente dans les manifestations afin de ne pas mettre en danger des vies humaines et des biens.»
Le président de la République, Carolos Papoulias, a adressé dimanche un télégramme de condoléances à la famille du jeune homme tué par balle samedi, exprimant ses profonds regrets et sa douleur, soulignant que cet acte porte une blessure à l’État de droit.
Pour sa part, le Premier ministre, Costas Caramanlis, qui souligne à son tour qu’il n’y aura aucune pitié pour les responsables, note aussi dans sa lettre de condoléances «ressentir une profonde peine, au même titre que tous les Grecs». «Je sais», a ajouté M. Caramanlis, «que rien en ce moment ne peut apaiser votre douleur, mais je souhaite vous confirmer qu’il n’y aura aucune pitié pour les responsables, et que l’État se doit de faire tout ce qui est en son pouvoir pour qu’une telle tragédie, comme celle d’hier soir, ne ne répète pas.»
Info Grèce, 7 décembre 2008.
Situation explosive dans les villes grecques après la mort d'un jeune de 16 ans, victime du tir d'un policier
L’annonce de la mort d’un jeune de 16 ans, samedi soir, dans Exarcheia, le QG des contestataires à Athènes, victime d’une balle tirée par un garde spécial de la police grecque, s’est répandue comme une traînée de poudre dans les grandes villes universitaires comme Athènes, Thessalonique et Patras, où des centaines de jeunes et d’étudiants se sont rassemblées au cours de la nuit les mettant littéralement à feu.
Selon la police, la patrouille des gardes spéciaux de la police serait prise à partie par un groupe de 25-30 personnes, au croisement des rues Mesologgiou et Tzavela, vers 21h00 samedi soir. Les policiers auraient été attaqués avec des pierres et des planches de bois. C’est alors qu’un des deux policiers aurait tiré trois balles provoquant la mort du jeune homme. Selon la déposition du policier concerné, celui-ci aurait tiré une balle au sol et deux en l’air.
Aussitôt la nouvelle s’est répandue dans le quartier et de nombreux groupes de jeunes se sont rassemblés dans les rues voisines de l’École polytechnique. Le quartier d’Exarcheia est réputé pour être le lieu préféré des jeunes anarchisants, proches de l’extrême gauche, et autres sympathisants «antipouvoir», comme ils s’appellent. D’importantes forces de MAT (équivalent des CRS) ont bouclé le quartier.
Des incendies ont éclaté dans plusieurs endroits du quartier, prenant pour cible les bâtiments publics, les banques, les commerces et les voitures. Selon les pompiers, 16 banques et 12 commerces ont été incendiés au cours des épisodes et ont dénombrait jusqu’à 12 véhicules incendiés.
Les affrontements entre contestataires et forces de polices se sont étendus dans tout le centre de la capitale grecque atteignant même le quartier de Monastiraki, aux pieds de l’Acropole, où dimanche matin, des fumées s’échappaient encore d’un commerce de trois étages entièrement détruit.
Dimanche midi, près de 300 personnes se trouvaient toujours enfermées dans la faculté de Droit tandis que d’autres groupes ont pris place à l’intérieur de l’Université des Sciences économiques, rue Patission.
À Thessalonique, une centaine des jeunes s’est réfugiée dans le campus de l’Université Aristote d’où elle a tenté de sortir à coup de cocktails molotov provoquant des dommages dans un hôtel avoisinant. Des incendies et des bris de vitres ont aussi eu lieu dans les immeubles aux alentours de Lefkos Pyrgos et dans la ville haute.
À Patras, autre ville universitaire, près de 200 personnes ont improvisé une marche de protestation au centre de la ville, provoquant les policiers à coup de cocktails molotov et de jets de pierres.
Des rassemblements de protestation ont eu lieu à Chania en Crète, à Ioannina en Épire et à Agrinio dans le Péloponnèse, avec des incidents et des violences de moindre importance.

L’ensemble des partis politiques ont condamné les incidents. Pour Nea Dimokratia (ND, majorité gouvernementale), qui exprime ses doléances à la famille de la victime, il y a «besoin de sang froid» et la formation de demander «les résultats de l’enquête et l’attribution des responsabilités le plus rapidement possible». Le bureau de presse du Pasok (socialistes, opposition) attribue déjà la responsabilité à la police dont il condamne le comportement. Pour le KKE (communistes), la responsabilité du gouvernement «va de soi», tandis que pour le Syriza (gauche radicale), il s’agit d’un assassinat, puisque «les policiers tirent et tuent les enfants sans raison» ! Enfin, le LAOS (droite traditionaliste), qui déplore la jeunesse de la victime, estime que ce type d’incident était attendu dans la mesure où la violence des affrontements des contestataires avec la police s’aggravait graduellement depuis des mois et de façon incontrôlée et que, d’un bord ou de l’autre, une telle conclusion était fatale.
À noter que le ministre de l’Intérieur, Procopis Pavlopoulos, et le ministre délégué, Panagiotis Hinofotis, ont présenté leur démission mais que celles-ci ont été refusées par le Premier ministre.
Info Grèce, 7 décembre 2008.