Une pétition réclame l'abolition du délit d'outrage
Le collectif Codedo, qui regroupe notamment plusieurs militants condamnés après des plaintes de Nicolas Sarkozy, dénonce la multiplication des procès intentés «par le pouvoir pour limiter la liberté d’expression».
Un collectif réunissant des personnes poursuivies pour outrage, dont certains cas très médiatisés, a lancé, lundi 1er décembre à Laval, une pétition pour réclamer l’abolition de ce délit qui constitue, selon eux, «une atteinte à la liberté d’expression» et «une rupture d’égalité entre citoyens».
Les participants ont été accueillis dans une maison de quartier de Laval par le militant altermondialiste mayennais Hervé Éon, condamné début novembre à une «amende de principe» de 30 euros pour offense au chef de l’État parce qu’il avait brandi en août une affichette portant la mention «Casse-toi pov’con» devant la voiture de Nicolas Sarkozy.
Réunis au sein du Collectif pour une dépénalisation du délit d'outrage (Codedo), les militants ont dénoncé la multiplication des procès de ce type depuis quelques années, utilisés selon eux «par le pouvoir pour limiter la liberté d’expression».
Deux fois plus de procès qu’il y a dix ans
Selon l’Observatoire national de la délinquance, les poursuites pour délit d’outrage ont presque doublé en dix ans.
Le Codedo a été créé en juillet à l’initiative de Romain Dunand, un militant du Réseau éducation sans frontières (RESF) condamné en appel fin novembre à une amende de 200 euros pour avoir comparé dans un courriel la politique de Nicolas Sarkozy, au moment où il était ministre de l’Intérieur, à celle de l’État français sous Vichy.
La mère de famille franco-colombienne Maria Vuillet, poursuivie pour outrage à un sous-préfet et relaxée en septembre par le tribunal correctionnel de Paris, a également rejoint le collectif.
Inégalité entre le citoyen et l’autorité publique
La pétition, qui sera mise en ligne sur Internet le 15 décembre, a obtenu le soutien de la championne d’athlétisme Eunice Barber condamnée pour outrage et rébellion à deux mois de prison avec sursis après une interpellation controversée par la police, ont indiqué jeudi soir les militants.
L’écrivain et éditeur Jean-Jacques Reboux, lui aussi poursuivi pour outrage à des policiers suite à une altercation lors d’un simple contrôle routier, est l’initiateur de la pétition pour laquelle il espère rassembler dans un premier temps 100.000 signatures. Le délit d’outrage «est un délit obsolète» qui crée «une inégalité entre les simples citoyens et les personnes représentant l’autorité publique», dénonce-t-il.
Le Nouvel Observateur, 2 décembre 2008.
Ils demandent la disparition du délit d’outrage
Les poursuites ont presque doublé en dix ans. Jean-Jacques Reboux, un auteur mayennais de polar, réclame son abrogation. Il lance une pétition, ce soir, à Laval. Comme un maoïste serrant le petit livre rouge contre son cœur, Jean-Jacques Reboux tient contre lui sa Lettre au garde des Sceaux pour une dépénalisation du délit d’outrage. Barbe naissante, pull rouge, regard en alerte, l’écrivain-éditeur se démène pour sensibiliser l’opinion sur ce délit.
L’outrage, il en a fait son affaire. Tout comme Romain Dunand, coauteur de cette lettre de 100 pages. Les deux hommes ont été poursuivis pour outrage. Leurs délits ? Romain Dunand avait adressé un courrier à l’ancien ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy : «Voilà donc Vichy qui revient…» Jean-Jacques Reboux s’était énervé lors d’un contrôle policier. Il avait eu des mots déplacés et s’était retrouvé en garde à vue. En juillet, les deux hommes ont créé le Collectif pour la dépénalisation du délit d’outrage.

«C’est du tracas»
Le délit d’outrage n’a jamais été autant utilisé. Selon l’Observatoire national de la délinquance, les poursuites ont presque doublé en dix ans : 17.700 en 1996, 31.800 en 2007. Une affaire sur deux seulement donne lieu à condamnation. La commission de déontologie et de sécurité a dénoncé «une inflation des procédures pour outrages engagées de manière trop systématique».
Une pétition nationale pour la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République sera remise au ministère de la Justice le 23 février. Elle est lancée, ce soir, à Laval, où Hervé Éon a été condamné à 30 € d’amende pour offense au président de la République. À cause du fameux «Casse-toi pov’con». Entre outrageurs, on se serre les coudes. D’autant plus que les deux hommes se sont découvert compatriotes : «Je suis né en Mayenne, comme Hervé», s’amuse Jean-Jacques Reboux.
À Laval, l’écrivain avait aussi rencontré Jean-Luc Mélenchon, sénateur (ex-PS) et témoin de moralité d’Hervé Éon. Il lui avait présenté son projet de loi. Le contact fut bon. L’élu s’est engagé à prendre le dossier en main. Il a déposé une proposition de loi qui, pour l’instant, s’en tient à demander l’abrogation du délit d’offense au Président.
Une nouvelle étape est franchie dans le chemin de croix des «outrageurs» qui se rassemblent dans le Codedo (Collectif pour la dépénalisation du délit d’outrage). «Je me rends compte chaque jour qu’on a mis le doigt sur quelque chose qui concerne beaucoup de gens. Je reçois de plus en plus de témoignages. Je fais un peu l’assistante sociale. Je donne des tuyaux. C’est du tracas, mais c’est excitant. On peut faire bouger les choses.»
Noëlle Cousinié - Ouest France, 1er décembre 2008.