Action directe à Pannessières
Pannessières : une salle de classe vidée par les parents
Déterminés. Voici un doux euphémisme pour qualifier l’état d’esprit des parents d’élèves et de la majorité du conseil municipal de Pannessières. Pour que leurs dix-neuf enfants continuent à étudier dans la classe unique du maître Pascal Faure, ils ont vidé la salle et caché tables, chaises et autre matériel. «On cherchait à marquer les esprits, explique Sophie Noherie, mère d’un élève de la classe. Pour l’inspecteur, c’est fini. Ils en sont à nous demander où nous voulons mettre nos enfants l’année prochaine. Mais c’est ici que nous voulons qu’ils soient !»
À l’heure où la leçon aurait dû commencer, parents d’élèves, conseillers municipaux et habitants du village, soit une quarantaine de personnes, attendaient donc un signe de l’inspection d’académie et ne cessaient de s’étonner devant la décision de supprimer le poste de l’instituteur dans le village. «Les enfants seront encore dix-sept l’année prochaine, ils pourraient même être plus nombreux si certains parents étaient sûrs de la pérennité de la classe, explique Charline Gianinazzi, conseillère municipale. Ils sont heureux ici, il n’y a pas d’échec scolaire. Il y a la cantine et la garderie. Pourquoi arrêter quelque chose qui fonctionne ?»
C’est à 9h30 que sont finalement arrivés M. Skrabacz, chef de la division de l’action éducative, et, dans l’après-midi, Mme Roux, inspectrice de la circonscription. Les deux émissaires de l’inspection d’académie se sont entretenus avec le maire, des conseillers municipaux et des parents d’élèves. Devant le refus des parents de restituer le matériel, les enfants ont été déplacés au foyer du village et du matériel pédagogique fourni à l’instituteur pour qu’il puisse faire classe. Les gendarmes de Lons ont été appelés pour le dépôt d’une plainte pour entrave au bon fonctionnement du service public d’enseignement.
«Je ne peux pas accepter qu’on empêche un enseignant de faire cours, explique Roland Franiatte, l’inspecteur d’académie. De plus, c’est un événement traumatisant pour les enfants. La gendarmerie va donc mener son enquête.»
L’action des parents de Pannessières n’a pas fait évoluer les positions de l’administration. «Je n’ai rien contre Pannessières, précise Roland Franiatte. J’essaie seulement de répartir les moyens de façon équitable dans le département. Il y a des exigences de qualité qui ne sont pas mises en œuvre, comme l’enseignement des langues vivantes, que l’instituteur ne peut pas faire et qui nécessite la venue d’un deuxième instituteur. Et même si les parents sont satisfaits aujourd’hui, qu’adviendrait-il si l’instituteur devait être remplacé par quelqu’un qui ne leur convienne pas ? C’est une trop grosse prise de risque, or je me dois de garantir l’avenir.»
En fin d’après-midi, les parents ont finalement restitué le matériel. «On ne voulait pas pénaliser les enfants, raconte Sophie Nohérie. Mais on n’a pas abandonné. En plus, à l’heure où on parle d’économie et d’écologie, alors que nous amenions tous nos enfants à pied à l’école, on nous oblige à emmener nos enfants en voiture à l’avenir ! On ne comprend pas tous ces discours contradictoires.»
Le maire Claude Chamouton et un représentant des parents d’élèves ont sollicité le préfet et l’inspecteur d’académie pour une rencontre en urgence.
«Nous sommes légitimes !»
«On est déterminés face au mépris affiché par l’inspecteur d’académie et le secrétaire général de la préfecture. On n’est pas d’accord avec la décision de supprimer l’école et on est bien décidés à aller jusqu’au bout du bout. Je vous le dis, il y aura une école à Pannessières en septembre prochain !» À l’image de Maurice Monnet, conseiller municipal, les parents d’élèves ne baissent pas les bras. En vidant les deux salles de la classe unique, dimanche, ils ont voulu frapper les esprits parce que, pour eux, l’école est un symbole : «C’est le lieu de la pensée, de la connaissance, de l’apprentissage de la vie en société. C’est aussi le symbole de la ruralité car quand on s’attaque à l’école, on s’attaque aussi à l’enfant et à l’esprit même du village. Aujourd’hui, notre société essaie d’apporter un tas de remèdes à ses maux, mais nous, ici nous avons le vaccin… On ne se situe pas en aval des problèmes, mais en amont. Nous faisons vivre ensemble les enfants, ils créent des liens de fraternité, ils apprennent l’altérité. Dans notre démarche de sauvegarde de l’école, nous avons vraiment l’impression de faire œuvre de modernité, on raisonne d’abord en termes humains et pas comptables. On veut que les gosses qui sortent de chez nous aient une vraie formation citoyenne.»
Le message à l’administration est clair, il prend à rebours le dogme des ratios et des moyens : «Toutes les conditions sont réunies pour que tout marche bien ici, on a une qualité encore bien supérieure à d’autres écoles. Contrairement à ce que dit l’inspecteur d’académie, on défend l’école du futur, l’école moderne. Une école à classe unique avec 19 élèves, c’est adapté à notre village, les grands apprennent aux petits. Il ne faut pas croire qu’on est dans la nostalgie, on a une vision moderne.»
Élus et parents ne culpabilisent pas et ne sont pas sur la défensive : «On est légitimes dans notre action, dans notre vision, c’est l’inspecteur d’académie qui ne l’est pas, il obéit, il applique les directives, mais il porte quand même sa part de responsabilité dans le mépris qu’il nous a affiché, il n’entend pas les gens. Aujourd’hui, on inverse le paradigme, on est totalement dans notre droit et on gagnera parce qu’on n’a plus rien à perdre. On ne se résigne pas, nos enfants seront à Pannessières à la rentrée !»
Il n’y avait plus rien dans la salle de classe lorsque l’instituteur est arrivé à l’école hier matin. Le matériel avait été déménagé et dissimulé la veille par les parents d’élèves et une partie du conseil municipal.
Déterminés. Voici un doux euphémisme pour qualifier l’état d’esprit des parents d’élèves et de la majorité du conseil municipal de Pannessières. Pour que leurs dix-neuf enfants continuent à étudier dans la classe unique du maître Pascal Faure, ils ont vidé la salle et caché tables, chaises et autre matériel. «On cherchait à marquer les esprits, explique Sophie Noherie, mère d’un élève de la classe. Pour l’inspecteur, c’est fini. Ils en sont à nous demander où nous voulons mettre nos enfants l’année prochaine. Mais c’est ici que nous voulons qu’ils soient !»
À l’heure où la leçon aurait dû commencer, parents d’élèves, conseillers municipaux et habitants du village, soit une quarantaine de personnes, attendaient donc un signe de l’inspection d’académie et ne cessaient de s’étonner devant la décision de supprimer le poste de l’instituteur dans le village. «Les enfants seront encore dix-sept l’année prochaine, ils pourraient même être plus nombreux si certains parents étaient sûrs de la pérennité de la classe, explique Charline Gianinazzi, conseillère municipale. Ils sont heureux ici, il n’y a pas d’échec scolaire. Il y a la cantine et la garderie. Pourquoi arrêter quelque chose qui fonctionne ?»
C’est à 9h30 que sont finalement arrivés M. Skrabacz, chef de la division de l’action éducative, et, dans l’après-midi, Mme Roux, inspectrice de la circonscription. Les deux émissaires de l’inspection d’académie se sont entretenus avec le maire, des conseillers municipaux et des parents d’élèves. Devant le refus des parents de restituer le matériel, les enfants ont été déplacés au foyer du village et du matériel pédagogique fourni à l’instituteur pour qu’il puisse faire classe. Les gendarmes de Lons ont été appelés pour le dépôt d’une plainte pour entrave au bon fonctionnement du service public d’enseignement.
«Je ne peux pas accepter qu’on empêche un enseignant de faire cours, explique Roland Franiatte, l’inspecteur d’académie. De plus, c’est un événement traumatisant pour les enfants. La gendarmerie va donc mener son enquête.»
L’action des parents de Pannessières n’a pas fait évoluer les positions de l’administration. «Je n’ai rien contre Pannessières, précise Roland Franiatte. J’essaie seulement de répartir les moyens de façon équitable dans le département. Il y a des exigences de qualité qui ne sont pas mises en œuvre, comme l’enseignement des langues vivantes, que l’instituteur ne peut pas faire et qui nécessite la venue d’un deuxième instituteur. Et même si les parents sont satisfaits aujourd’hui, qu’adviendrait-il si l’instituteur devait être remplacé par quelqu’un qui ne leur convienne pas ? C’est une trop grosse prise de risque, or je me dois de garantir l’avenir.»
En fin d’après-midi, les parents ont finalement restitué le matériel. «On ne voulait pas pénaliser les enfants, raconte Sophie Nohérie. Mais on n’a pas abandonné. En plus, à l’heure où on parle d’économie et d’écologie, alors que nous amenions tous nos enfants à pied à l’école, on nous oblige à emmener nos enfants en voiture à l’avenir ! On ne comprend pas tous ces discours contradictoires.»
Le maire Claude Chamouton et un représentant des parents d’élèves ont sollicité le préfet et l’inspecteur d’académie pour une rencontre en urgence.
Sarah Fréquelin
«Nous sommes légitimes !»
«On est déterminés face au mépris affiché par l’inspecteur d’académie et le secrétaire général de la préfecture. On n’est pas d’accord avec la décision de supprimer l’école et on est bien décidés à aller jusqu’au bout du bout. Je vous le dis, il y aura une école à Pannessières en septembre prochain !» À l’image de Maurice Monnet, conseiller municipal, les parents d’élèves ne baissent pas les bras. En vidant les deux salles de la classe unique, dimanche, ils ont voulu frapper les esprits parce que, pour eux, l’école est un symbole : «C’est le lieu de la pensée, de la connaissance, de l’apprentissage de la vie en société. C’est aussi le symbole de la ruralité car quand on s’attaque à l’école, on s’attaque aussi à l’enfant et à l’esprit même du village. Aujourd’hui, notre société essaie d’apporter un tas de remèdes à ses maux, mais nous, ici nous avons le vaccin… On ne se situe pas en aval des problèmes, mais en amont. Nous faisons vivre ensemble les enfants, ils créent des liens de fraternité, ils apprennent l’altérité. Dans notre démarche de sauvegarde de l’école, nous avons vraiment l’impression de faire œuvre de modernité, on raisonne d’abord en termes humains et pas comptables. On veut que les gosses qui sortent de chez nous aient une vraie formation citoyenne.»
Le message à l’administration est clair, il prend à rebours le dogme des ratios et des moyens : «Toutes les conditions sont réunies pour que tout marche bien ici, on a une qualité encore bien supérieure à d’autres écoles. Contrairement à ce que dit l’inspecteur d’académie, on défend l’école du futur, l’école moderne. Une école à classe unique avec 19 élèves, c’est adapté à notre village, les grands apprennent aux petits. Il ne faut pas croire qu’on est dans la nostalgie, on a une vision moderne.»
Élus et parents ne culpabilisent pas et ne sont pas sur la défensive : «On est légitimes dans notre action, dans notre vision, c’est l’inspecteur d’académie qui ne l’est pas, il obéit, il applique les directives, mais il porte quand même sa part de responsabilité dans le mépris qu’il nous a affiché, il n’entend pas les gens. Aujourd’hui, on inverse le paradigme, on est totalement dans notre droit et on gagnera parce qu’on n’a plus rien à perdre. On ne se résigne pas, nos enfants seront à Pannessières à la rentrée !»
Armand Spicher
Le Progrès (édition du Jura), 29 avril 2008
Le Progrès (édition du Jura), 29 avril 2008