Affaire Demange : Faut-il laisser en liberté les députés UMP ?

Publié le par la Rédaction


Quelques heures à peine après le drame de Thionville, au cours duquel le député UMP Jean-Marie Demange a assassiné une femme avant de se donner la mort, Nicolas Sarkozy a réuni à l’Élysée une cellule de crise. Il a ainsi expressément demandé aux ministres de l’Intérieur et de la Justice de préparer au plus vite un projet de loi permettant d’encadrer de manière plus stricte les sorties de l’Assemblée nationale. «Les Français sont, à juste titre, choqués par ces crimes abominables. Il est temps de faire cesser ce laxisme.»

Parmi les objectifs déjà annoncés par Nicolas Sarkozy, la création d’un «fichier national des élus UMP» afin «d’améliorer la surveillance des députés susceptibles de représenter un danger pour autrui». Le président souhaite par ailleurs que soient mieux encadrées les sorties de l’Assemblée et du Sénat. «On ne peut pas laisser filer dans la nature chaque soir des centaines d’assassins potentiels. Il faut trouver un moyen de savoir où ils se trouvent et quand.»

Jean-Pierre Raffarin et Gérard Longuet
entourent Jean-Marie Demange, le 28 février 2004


L’acte barbare de Jean-Marie Demange est le point d’orgue d'une série d’exactions commises par les députés UMP depuis quelques années. Un spécialiste des questions de sécurité témoigne «d’une flambée de violence qui a pris un tour dramatique en 2007 avec l’éclosion de la droite décomplexée. Nous sommes confrontés à un grave problème de réadaptation à la vie réelle. Tous les députés de la majorité jouissent d’une liberté totale dans l’hémicycle pour casser. Ils élaborent des lois absurdes pour traquer les étrangers, essorer les pauvres, les chômeurs. Comment peuvent-ils comprendre que sortis de l’assemblée, ils n’ont pas droit de vie et de mort sur le peuple ?»

Très à l’aise sur ce créneau de la sécurité, Nicolas Sarkozy promettait ce soir la «tolérance zéro» pour tous ces députés récidivistes. «Je serai sans pitié» a-t-il prévenu «et à la première incartade c’est la prison». Le gouvernement est donc décidé à ne rien laisser passer et à condamner dès le premier acte d’incivilité. «La récréation est terminée» clamait le premier ministre ce soir au micro de RTL.

Le président aura t-il les moyens de sa politique ? Rien n’est moins sûr car les députés UMP ne sont pas décidés à se laisser faire. C’est Dominique Paillé, le porte-parole de l'UMP, qui est monté le premier au créneau. Sans exprimer aucun remord pour le crime de sang commis par son compagnon, il déclarait que la disparition de Jean-Marie Demange «est une perte pour l’UMP». Il n’a pas été jusqu'à déclarer que le parti perdait une de ses plus belles gâchettes, mais sa sortie a choqué. Par ailleurs, le chantier paraît colossal pour faire revenir l’ordre dans cette zone de non-droit. L’UMP abrite en son sein de nombreux repris de justice, qui de Alain Juppé à Jean Tibéri en passant par Alain Carignon ou Pierre Bédier ne regrettent rien de leurs gestes et n’expriment aucune compassion pour leurs victimes. En outre, de nombreux proches du président se trouveraient de fait dans le collimateur de la loi : on se rappelle de Patrick Devedjian insultant de «Salope» la centriste Anne-Marie Comparini ou le multi-récidiviste Patrick Balkany jouant du pistolet pour s’attirer des faveurs sexuelles. Bref, la tâche paraît ardue, et il s’agira de vérifier dans quelques mois s’il ne s’agissait que d’un effet d’annonce.

La garde des sceaux Rachida Dati se montrait plus mesurée sur les conditions d’application de la loi : «Les prisons sont déjà surpeuplées, là on risque l’embouteillage.» Il va donc falloir réfléchir à des moyens coercitifs alternatifs à la prison. Interrogée sur les pistes explorées par son ministère, Rachida Dati se montrait évasive. Avant d’ajouter dans un sourire : «Il y a déjà le Conseil général des Hauts-de-Seine…»

Le blog de Jean-Pierre Martin, 18 novembre 2008.

Publié dans La police travaille

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