Vienne : Elle refuse que les policiers prélèvent son ADN
Militante pacifiste, une jeune femme refuse que son ADN soit inscrit au fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Jeune journaliste de 28 ans installée aujourd'hui dans la région, Sophie a un passé militant et pacifiste. En 2003, alors qu'elle avait 21 ans, cette militante de Greenpeace a participé à un sit-in dans la centrale nucléaire de Penly sur les côtes de la Manche en Seine-Maritime, aux côtés d'une quarantaine de personnes. «L'action consistait à déployer des éoliennes en carton à l'intérieur de la centrale», rappelle son avocat.
«Cela revient à criminaliser des actes militants»
Seuls vingt-deux militants ont finalement été poursuivis et condamnés à une peine d'amende de 700 euros par le tribunal correctionnel de Rouen en 2007, pour introduction non autorisée dans un terrain intéressant la défense nationale. Sa condamnation pour cette infraction entraînait par la suite la mise en oeuvre de la loi Perben en ce qu'elle a mis en place un fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Convoquée au commissariat de police de Poitiers le 13 janvier 2010 pour prélèvement de son ADN, la jeune femme a opposé un refus qui l'a conduite hier à la barre du tribunal correctionnel pour refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique.
Contraire à la dignité de la personne
«Cela revient à criminaliser des actes militants, soutient-elle devant le tribunal. Le prélèvement d'ADN, c'est quelque chose qui est propre à une personne, je ne veux pas qu'il puisse être conservé…» Pour sa part, le ministère public estime que l'infraction est constituée, rappelant au passage que le refus de se soumettre à un tel prélèvement est passible d'une peine d'un an de prison. Il précise aussi que la loi a prévu une liste limitative d'infractions. Il a requis une peine d'amende de 300 euros.
«Cette jeune femme fait partie des cinq cents personnes qui comparaissent régulièrement chaque année devant nos tribunaux pour cette infraction créée par la loi Perben», souligne la défense qui met l'accent sur le caractère illégal du prélèvement requis. Il signale que sur les vingt-deux militants condamnés, quatre ont fait l'objet d'une procédure et trois ont été relaxés. «Rien ne justifie qu'on conserve pendant 40 ans les empreintes génétiques de ma cliente» ajoute-t-il en plaidant la relaxe. Le tribunal n'a pas suivi : 150 euros d'amende.
Un fichier garde l'ADN pendant 40 ans
Mis en œuvre au ministère de l'Intérieur, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) centralise et confronte en permanence les empreintes issues des prélèvements effectués dans le cadre d'enquêtes judiciaires. Certaines sont anonymes, comme une trace de sang trouvée sur les lieux d'un cambriolage non élucidé. D'autres proviennent des prélèvements effectués sur les personnes soupçonnées ou condamnées à la suite de crimes et délits énoncés dans une longue liste (agressions sexuelles, violences, menaces, trafic de drogue, vol, recel, appels téléphoniques malveillants, etc). Les données sont conservées 25 ans pour un suspect, et 40 ans dans tous les autres cas (personne condamnée, trace anonyme, cadavre non identifié, etc. À noter que des personnes honnêtes peuvent s'y retrouver : le FNAEG peut contenir l'empreinte ADN d'un parent ou enfant de personne disparue, en vue de permettre une identification ultérieure.
Leur presse (Philippe Bruyère,
La Nouvelle République), 17 décembre 2010.