Sur les luttes en Algérie, Tunisie et Égypte

Publié le par la Rédaction

 

Le texte qui suit me semble déf­endre un point de vue lucide sur les évé­nements qui secouent le monde dit «arabo-musul­man». Deux remar­ques pour com­men­cer et peut-être une diver­gence pour ter­mi­ner :
— Il est intér­essant de noter que le fac­teur reli­gieux, considéré comme décisif par pres­que tous les médias dans cette zone géog­rap­hique, a été jusqu’ici secondaire.
Cela n’exclut pas qu’il puisse repren­dre de l’impor­tance dans une autre phase de ces «révo­lutions», d’ailleurs, au grand dam de tous ces spéc­ial­istes qui nous expli­quent aujourd’hui que l’islam poli­ti­que serait en pleine évo­lution, divisé entre au moins deux frac­tions, une ten­dance moder­niste qui lor­gne­rait vers l’AKP turque et une frac­tion tra­di­tio­na­liste qui vou­drait se replier sur le ter­rain reli­gieux comme les sala­fis­tes et ne plus s’occu­per de poli­ti­que.
On peut aussi remar­quer que les Frères musul­mans, que beau­coup de gens de gauche ou d’extrême-gauche prés­entaient comme l’expres­sion de la rév­olte des opprimés, l’espoir d’un monde sans cœur, etc., non seu­le­ment n’ont pas sou­tenu la rév­olte au départ, mais dés­ormais sou­tien­nent l’armée qui les a réprimés sans pitié depuis des déc­ennies ! On notera aussi qu’ils ont pro­gres­si­ve­ment investi la place Tahir pour y orga­ni­ser le ser­vice d’ordre et le ravi­taille­ment, ce qui prouve qu’ils ont su habi­le­ment jouer leur partie.
Mais il n’est pas du tout sûr que les leçons en seront tirées par leurs par­ti­sans gau­chi­sants occi­den­taux…
— Ce texte men­tionne la ques­tion de la cor­rup­tion et il en est beau­coup fait men­tion paraît-il dans les médias égyptiens.
À ce propos il est intér­essant de pré­ciser que si les mili­tai­res étaient en Tunisie dans une posi­tion éco­no­mique appa­rem­ment moins envia­ble, ce n’était pas le cas en Égypte, puisqu’ils gagnaient trois fois plus qu’un fonc­tion­naire de l’admi­nis­tra­tion ayant un rang égal. C’est là une des limi­tes du mou­ve­ment égyptien pour le moment — en tout cas d’après ce que les médias nous racontent : se concen­trer sur des cibles évid­entes (les famil­les de quel­ques grands diri­geants) tout en lais­sant de côté le cœur du système : l’armée et bien sûr le Capital.
À ce niveau, d’ailleurs, reconnais­sons que la gauche (voire l’extrême-gauche) hexa­go­nale ne va pas plus loin dans sa cri­ti­que du régime en France. Elle se concen­tre sur les ciga­res de X, l’appar­te­ment luxueux de Y, ou les voya­ges gratos de Z mais ne veut sur­tout pas aller au-delà de ces dén­onc­iations per­son­nel­les des «excès» du système capi­ta­liste. «Faire payer la crise aux riches», ou «Woerth dém­ission !», voilà des slo­gans bien peu ambi­tieux…
— Dire que la démoc­ratie for­melle exis­tait déjà en Tunisie et en Egypte comme l’affirme Raoul Victor me semble dis­cu­ta­ble : quand les mani­fes­tants réc­lament la démoc­ratie c’est le plein exer­cice de TOUS les droits et de TOUTES les libertés démoc­ra­tiques qu’ils réc­lament. Or, on était loin du compte dans ces deux pays, pour ne pas parler de l’Algérie. On peut penser que, dans le cadre de la crise actuelle, il est impro­ba­ble voire impos­si­ble que les tra­vailleurs étendent par les luttes le cadre des droits et libertés démoc­ra­tiques. Et que donc l’alter­na­tive serait : Communisme ou bar­ba­rie. M’étant déjà trompé dans mes pro­nos­tics sur le Venezuela (où je ne pen­sais pas que Chavez tien­drait 12 ans au pou­voir sans être ren­versé ou alors sans ins­tau­rer un régime dic­ta­to­rial), je me per­met­trai, cette fois, d’être plus pru­dent à propos de pays que je ne connais pas du tout. 
Yves Coleman - Ni patrie ni fron­tières, 18 février 2011. 

 

 

Sur les luttes en Algérie, Tunisie et Égypte

 

La dimen­sion et la portée des mou­ve­ments sociaux en Algérie, Tunisie et Égypte se mesu­rent à l’éch­elle mon­diale. Les auto­rités chi­noi­ses cen­su­rent les recher­ches sur Internet concer­nant le mot «Égypte» [Une requête avec le mot «Égypte» décl­enche dés­ormais ce mes­sage : «Selon les lois en vigueur, le rés­ultat de votre recher­che ne peut être com­mu­ni­qué».]. Alors que depuis plus de deux ans le capi­ta­lisme en crise impose aux exploités et mar­gi­na­lisés de la planète une excep­tion­nelle dég­ra­dation de leurs condi­tions d’exis­tence, alors que les luttes des sala­riés dans les plus vieux pays capi­ta­lis­tes sem­blent impuis­san­tes et affai­blies, l’explo­sion sociale qui a secoué ces pays, avec sa spon­tanéité, son cou­rage et sa dét­er­mi­nation a cons­ti­tué une bouffée d’air frais, un rappel cin­glant de cette réalité simple, que ceux d’en bas, quand ils le veu­lent, peu­vent ébr­anler les pou­voirs les mieux établis.

 

Au point de départ de l’explo­sion se trouve la rév­olte des plus pau­vres, les chômeurs, les prolét­aires mais aussi d’une partie des clas­ses moyen­nes, des jeunes diplômés qui subis­sent aussi l’aggra­va­tion du chômage. De façon géné­rale, les jeunes géné­rations y jouent un rôle de pre­mier plan. Il s’agit d’une réaction contre la dég­ra­dation des condi­tions éco­no­miques d’exis­tence pro­vo­quée par la crise mon­diale, mais aussi contre le règne de la ter­reur quo­ti­dienne, la menace d’être licen­cié, empri­sonné ou tué si on mani­feste son méc­ont­en­tement, contre les abus d’une police omni­prés­ente et cor­rom­pue qui rackette la popu­la­tion à tous les niveaux [Le film Le chaos (2007) du met­teur en scène égyptien Youssef Chahine, décrit très bien cette impi­toya­ble réalité. S’il y a eu autant de com­mis­sa­riats de police incen­diés et détruits par la popu­la­tion, ce n’est pas uni­que­ment à cause du rôle joué par la police dans les répr­essions san­glan­tes au début des présents mou­ve­ments. Cette rage tra­dui­sait aussi la haine cumulée par des déc­ennies d’exac­tions sur la popu­la­tion.]. Cependant le mou­ve­ment a aussi entraîné d’autres cou­ches de la popu­la­tion : des sec­teurs des clas­ses moyen­nes élevées qui subis­sent aussi les exac­tions du pou­voir en place, et même des frac­tions de la classe domi­nante, y com­pris dans l’armée, qui y trou­vent un moyen de se déb­arr­asser de clans qui mono­po­li­saient le pou­voir au dét­riment de tous les autres.

 

Les médias et gou­ver­ne­ments du monde ont vite fait de qua­li­fier ces mou­ve­ments de «révo­lution», la «révo­lution de jasmin», pour la Tunisie, évid­emment pas pour lui ouvrir les pers­pec­ti­ves de la seule révo­lution qui met­trait un terme à la misère qui a pro­vo­qué le soulè­vement, une révo­lution anti­ca­pi­ta­liste, mais pour l’enfer­mer dans l’étr­oite et inof­fen­sive issue d’une «démoc­ra­ti­sation» de la ges­tion du capi­ta­lisme.

 

L’appa­ri­tion spon­tanée de «comités de quar­tier», dans une dyna­mi­que d’auto-orga­ni­sa­tion, tout comme les «fra­ter­ni­sa­tions» de la popu­la­tion en lutte avec l’armée ont pu à un moment donné poser la ques­tion à cer­tains d’une dyna­mi­que révo­luti­onn­aire prolé­tari­enne, comme ce fut le cas en 1905 ou en 1917 en Russie, par exem­ple. Mais, les «comités de quar­tier» se sont can­tonnés essen­tiel­le­ment — quoi­que non exclu­si­ve­ment — à des tâches d’autodéf­ense contre les exac­tions des «mili­ces» de Ben-Ali ou de Moubarak et de leurs poli­ces.

 

Quant aux «fra­ter­ni­sa­tions» avec l’armée, le refus de tirer sur les mani­fes­tants ne fut pas le résultat d’une rév­olte des sol­dats contre leur hiér­archie (comme en 1905 ou 1917) — ce qui cons­ti­tue un des prin­ci­paux critères pour com­men­cer à parler de révo­lution véri­tab­lement — mais d’un ordre venu de cette hiér­archie.

 

Le terme de «révo­lution» peut recou­vrir de nom­breu­ses défi­nitions, sui­vant que l’on mette l’accent sur la nature des actions des forces mises en mou­ve­ment, sur les rés­ultats de ces actions, ou autre.

 

Mais, même si les luttes socia­les sont loin d’être ter­minées en Tunisie comme en Égypte et que des grèves conti­nuent ou se dével­oppent actuel­le­ment, on ne peut pas parler de révo­lution prolé­tari­enne, au sens his­to­ri­que du terme.

 

Peut-on parler alors de révo­lution «bour­geoise» ? Non, car la bour­geoi­sie est depuis long­temps déjà au pou­voir en Tunisie, comme en Égypte et dans tous les pays arabes. Une révo­lution «démoc­ra­tique» ? Formellement les régimes en Tunisie et Égypte sont «démoc­ra­tiques», avec une cons­ti­tu­tion, des partis, un par­le­ment, des élections au suf­frage uni­ver­sel, etc. Ironiquement, les partis de Ben-Ali et de Moubarak contien­nent le mot «démoc­ra­tique» dans leur nom : «Rassemblement Constitutionnel Démocratique», pour le pre­mier, «Parti National Démocratique», pour le second. Les deux partis fai­saient partie, jusqu’à leur très réc­ente expul­sion au cours des évé­nements, de l’Internationale Socialiste.

 

Il s’agit d’un mou­ve­ment qui porte en son sein différ­entes aspi­ra­tions et différ­entes clas­ses et intérêts. Jusqu’à présent il a fait son unité autour des objec­tifs de ren­ver­se­ment des gou­ver­ne­ments en place et un dével­op­pement des «libertés». Mais alors que pour ceux d’en bas il s’agit d’une lutte contre la misère, l’exploi­ta­tion et l’oppres­sion quo­ti­dien­nes, pour ceux d’en haut il s’agit d’une lutte pour mieux se rép­artir les accès au pou­voir et à la richesse, tout en créant un appa­reil poli­tico-syn­di­cal capa­ble d’enca­drer, cana­li­ser et sté­ri­liser les luttes socia­les.

 

«Démocratiser» la vie poli­ti­que de pays capi­ta­lis­tes moins développés ne va pas de soi. Non parce que, comme le disent les bour­geoi­sies loca­les, «le peuple n’est pas assez éduqué», (elles savent bien faire voter les anal­phabètes avec des figu­ri­nes sur les bul­le­tins), mais parce que les clas­ses posséd­antes y sont trop sou­vent inca­pa­bles de se struc­tu­rer, d’orga­ni­ser le spec­ta­cle démoc­ra­tique tout en met­tant en place des mécan­ismes d’alter­nance à la ges­tion de l’État. En l’absence d’une éco­nomie suf­fi­sam­ment forte et struc­tu­rante, c’est l’appa­reil de l’État, et en pre­mier lieu l’armée, qui sert de colonne vertéb­rale à l’orga­ni­sa­tion sociale du pays, et de la classe domi­nante en pre­mier lieu. Mais la ges­tion de l’État cons­ti­tue une source d’enri­chis­se­ment trop impor­tante pour ne pas être la proie de l’infi­nie cupi­dité des différ­entes fac­tions domi­nan­tes. L’armée elle-même est sou­vent divisée et la vie «poli­ti­que» peut pren­dre la forme d’affron­te­ments entre frac­tions de l’armée. On le voit actuel­le­ment en Côte d’Ivoire, autre pays en voie de «démoc­ra­ti­sation», comme on l’a vu en Tunisie (contre la garde pré­tori­enne de Ben Ali). En Égypte la presse a parlé à un moment donné de l’oppo­si­tion dans l’armée entre, d’un côté, la garde pré­sid­enti­elle et l’avia­tion, et de l’autre le reste de l’armée.

 

La «démoc­ra­ti­sation» de la vie poli­ti­que dans ces pays sera dif­fi­cile et sou­vent chao­ti­que avant que tous les nou­veaux prét­endants à l’accès aux rênes de la machine éta­tique par­vien­nent à limi­ter leur cupi­dité et leurs conflits inter­nes et orga­ni­ser un spec­ta­cle démoc­ra­tique «cré­dible».

 

La chute de Ben-Ali et de Moubarak loin d’avoir conclu le mou­ve­ment social qui les a pro­vo­quées, l’a étendu et inten­si­fié dans le prolé­tariat des deux pays. En Égypte c’est même une nou­velle exten­sion des grèves qui a conduit à la dém­ission défi­ni­tive de Moubarak. Aucune des aspi­ra­tions des prolét­aires et des plus pau­vres à l’ori­gine du mou­ve­ment n’a été réalisée, si ce n’est la liberté de parole et d’action qui ont de fait été — pour le moment — imposées dans et par la rue. Les prolét­aires des indus­tries et des ser­vi­ces sont entrés en lutte mas­si­ve­ment, aux quatre coins des deux pays. Leurs reven­di­ca­tions sont d’ordre éco­no­mique aussi bien que poli­ti­que. Elles concer­nent autant des ques­tions de salai­res et de condi­tions de tra­vail que des révo­cations de res­pon­sa­bles poli­ti­ques ou d’entre­pri­ses, l’abo­li­tion de lois répr­es­sives ou le droit d’orga­ni­sa­tion syn­di­cale.

 

Le prolé­tariat sera confronté à trois com­bats simul­tanément : pour impo­ser le main­tien de la liberté de parole et d’action conqui­ses dans la rue ; pour arra­cher des amél­io­rations de ces condi­tions de tra­vail et d’exis­tence ; pour ne pas se lais­ser embri­ga­der, divi­ser, enca­drer puis para­ly­ser par toutes les forces «démoc­ra­tiques», «patrio­ti­ques», poli­ti­ques et syn­di­ca­les qui entre­pren­nent leur tra­vail de «nor­ma­li­sa­teurs».

 

Présentée comme une conquête du peuple, la démoc­ratie bour­geoi­sie est sur­tout le plus effi­cace rem­part contre les forces qui peu­vent mena­cer l’ordre établi.

 

Les aspi­ra­tions et exi­gen­ces des prolét­aires devront pour se faire un chemin affron­ter beau­coup de ceux qui aujourd’hui par­lent en leur nom. Malheureusement, comme nous le montre l’expéri­ence des nom­breu­ses «démoc­ra­ti­sations» qui se sont déroulées depuis les années 1970, de l’Espagne et du Portugal jusqu’aux deniers pays de l’Est, le combat est rare­ment gagné [Considérer les limi­tes objec­ti­ves et sub­jec­ti­ves d’un mou­ve­ment social et les mettre en relief ne cons­ti­tue pas une atti­tude «mép­ris­ante» de «petit bour­geois» au «café du com­merce» (…). Ce même type d’argu­ment avait été employé à l’automne der­nier contre ceux qui sou­li­gnaient les fai­bles­ses du mou­ve­ment contre la réf­orme des retrai­tes en France. Si les ana­ly­ses des luttes socia­les par les révo­luti­onn­aires devaient se résumer à chan­ter les louan­ges de celles-ci, en s’inter­di­sant d’en voir les limi­tes, elles ne ser­vi­raient pas à grand chose.].

 

L’uti­li­sa­tion des nou­vel­les tech­no­lo­gies

 

Une des caractér­is­tiques des mou­ve­ments sociaux en Tunisie et en Égypte c’est l’impor­tance du recours aux nou­vel­les tech­no­lo­gies de com­mu­ni­ca­tion, en par­ti­cu­lier Internet et les télép­hones por­ta­bles. Les médias par­laient pour la Tunisie de «la pre­mière cyber-révo­lution». La Tunisie est un pays où la den­sité d’accès à Internet est par­ti­cu­liè­rement élevée pour la région, mais même en Égypte elles ont joué un rôle impor­tant. Elles ont permis l’exten­sion fou­droyante et une cer­taine «auto-orga­ni­sa­tion» du mou­ve­ment. Les mobi­li­sa­tions, la coor­di­na­tion des actions, la cir­cu­la­tion des infor­ma­tions se sont faites pour l’essen­tiel en dehors des appa­reils de partis et des syn­di­cats exis­tants. En Tunisie, le site Takriz («Cassage de couilles») qui joua un rôle impor­tant dans les évé­nements, reçut près de deux mil­lions de visi­tes au cours du seul jour de la chute de Ben-Ali. Il existe dans une partie des par­ti­ci­pants au mou­ve­ment, en par­ti­cu­lier parmi les jeunes qui se disent volon­tiers «a-poli­ti­ques», une méfi­ance assez géné­ralisée vis-à-vis des partis de toutes sortes qui vien­nent «confis­quer notre révo­lution». Les nou­veaux moyens de com­mu­ni­ca­tion ont permis à cette méfi­ance de se concré­tiser et d’affir­mer une liberté nou­velle. Le plus intér­essant à ce niveau ce sont des expéri­ences, même si elles sont très ponc­tuel­les, comme celle en Tunisie d’auto-orga­ni­sa­tion de ser­vi­ces publics comme le ramas­sage des ordu­res.

 

Mais les évé­nements ont aussi dém­ontré la «fra­gi­lité» de ce puis­sant moyen d’auto-orga­ni­sa­tion. Aussi bien en Tunisie qu’en Égypte les gou­ver­ne­ments ont montré pra­ti­que­ment qu’ils avaient les moyens d’en inter­rom­pre le fonc­tion­ne­ment à volonté. Même si cela s’est tra­duit par des pertes éco­no­miques fara­mi­neu­ses, la vie de toutes les entre­pri­ses et admi­nis­tra­tions étant deve­nue tota­le­ment dép­end­ante d’Internet et des por­ta­bles, cela a aussi mis en évid­ence la néc­essité d’inven­ter des solu­tions pour faire face à ce genre de black-out.

 

Le rôle des États-Unis

 

Il est impos­si­ble de com­pren­dre le dér­ou­lement des évé­nements en Tunisie, Égypte, Jordanie, Yémen, etc. sans tenir compte du reloo­kage de la diplo­ma­tie amé­ric­aine dans la région et plus glo­ba­le­ment vis à vis des pays «isla­mi­ques». Dans son dis­cours «his­to­ri­que» du Caire, pro­noncé en juin 2009, moins de six mois après son inves­ti­ture, Barak HUSSEIN (comme il le rap­pelle dans son allo­cu­tion) Obama a tracé les lignes prin­ci­pa­les d’un «nou­veau début» dans les rap­ports entre les États-Unis et «l’Islam». Parmi elles, il désigne expli­ci­te­ment la néc­essité de la démoc­ratie et la cri­ti­que des régimes qui ne res­pec­tent pas les droits de l’Homme, etc. [Voir, en anglais : http://www.you­tube.com/watch?v=ANk9…, en par­ti­cu­lier à partir de la 35e minute.]. Cette poli­ti­que se veut en rup­ture ouverte avec celle de Bush et l’image d’une Amérique en guerre contre «l’Islam». Il s’agit de pro­mou­voir l’image d’une Amérique qui veut partir sur de nou­vel­les bases en aidant et sti­mu­lant la vie des pays musul­mans, en par­ti­cu­lier dans le domaine de la démoc­ratie. Dans son récent dis­cours sur l’état de la Nation, Obama a insisté sur le fait que les États-Unis devaient être un «phare» pour le monde.

 

Les explo­sions socia­les en Algérie, Tunisie et Égypte n’ont pas eu comme ori­gine des mani­pu­la­tions de la diplo­ma­tie amé­ric­aine. C’est la misère et son aggra­va­tion qui res­tent le véri­table déclencheur. Mais le gou­ver­ne­ment amé­ricain, même s’il a pu être sur­pris, a réagi en intégrant les évé­nements dans une stratégie glo­bale, mûrie et réfléchie depuis long­temps, affinée avec l’arrivée de l’admi­nis­tra­tion Obama aux com­man­des. Ainsi, les hommes qui ont signi­fié à Ben Ali son départ du pays, le chef d’état major de l’armée, Rachid Ammar, celui qui avait refusé de faire tirer sur la popu­la­tion, et le minis­tre des Affaires étrangères, Kamel Morjan, sont restés en contact per­ma­nent avec le gou­ver­ne­ment amé­ricain pen­dant toute la durée des évé­nements. Les contacts entre l’admi­nis­tra­tion amé­ric­aine et des sec­teurs dét­er­minants de l’armée égypti­enne sont aussi cons­tants. Obama et Hillary Clinton se sont relayés pour déc­larer publi­que­ment l’appui de leur gou­ver­ne­ment à la tran­si­tion démoc­ra­tique égypti­enne. Le vice-pré­sident Biden adres­sait ouver­te­ment des recom­man­da­tions pré­cises à son homo­lo­gue Souleimane.

 

Lors d’une mani­fes­ta­tion au Portugal, en 1975, en pleine «révo­lution démoc­ra­tique des œillets», un par­ti­ci­pant por­tait une pan­carte qui disait quel­que chose comme : «Méfions-nous ! Nous avons trop d’amis !» L’aver­tis­se­ment est par­fai­te­ment vala­ble pour les tra­vailleurs de Tunisie et d’Égypte qui vien­nent de contri­buer à mettre au pou­voir leurs «amis» de l’armée sous le regard impli­qué de l’empire amé­ricain.

 

Raoul Victor - 14/02/2011.

 


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A
<br /> <br /> Pour info, et Yves Coleman l'ignore peut être lorqu'il écrit "le<br /> monde dit «arabo-musul­man».", mais "arabo-musulman", c'est une construction dégueulasse de l'extrême droite qui ne veut<br /> strictement rien dire, repris par les médias dominants bouche en coeur puis par certaines arcanes du gouvernement, ce terme "d'arabo-musulman" est une saloperie. Déjà et pour commencer, "monde<br /> arabe" ne veut rien dire, et pire encore si  on parle d'islam. Les Iraniens sont des perses, et pas des arabes. Quant au Liban, ce sont des moyens orientaux, et il y a un mélange "d'arabes",<br /> "d'européens", etc pour les "origines" et on a coté religion des athées, des musulmans "de  type européens" et des chrétiens arabes. Bref. Pitié, évitez cette sémantique de merde, même avec<br /> toutes les guillemets du monde, ou alors démontez là mieux que ça. Merci d'avance.  <br /> <br /> <br /> <br />
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