Sur les événements en cours au Maroc - 21 février

Publié le par la Rédaction

 

Il est nécessaire de déconstruire les discours ambiants, ceux qui se basent sur une série de présupposés et de constructions imaginaires. Il faut absolument faire cet effort-là et dire les choses telles qu'elles sont… L'un de ces discours est la prétendue sauvagerie des Marocains qui non seulement ne savent pas manifester en ordre derrière des banderoles et des discours creux, qu’ils ne sont pas civilisés car ils osent prendre la parole qu'on leur a longtemps confisquée, qu'ils sont irresponsables car ce sont des agents du Polisario, du Mossad et du KGB ; des enfants à la solde du pouvoir qui veulent établir l'anarchie dans le pays, provoquer la guerre, et déstabiliser notre belle et chère Nation.

 

 

Ce que l'on oublie de mentionner, c'est qu'en dehors de la civilisation casablancaise et r'bati, les réalités sont autres, ce n'est pas anodin que la situation dégénère en dehors de ces centres urbains, et que la réelle volonté de changement s'exprime auprès de ceux qui subissent encore plus les répercussions du régime corrompu marocain.

 

Le pouvoir a peur, il tremble de tous ses membres, le vent de la liberté se propage tel un murmure dans les cœurs des populations opprimées par des années de pauvreté et d'arrogance des gens du pouvoir. Le régime a peur, alors il construit des fantasmes généraux jouant sur la fibre patriotique, en commençant par attaquer les organisateurs de la manifestation, comme des suppôts à la solde de régimes extérieurs ; comme ce grossier montage photo dans lequel on présente une des organisatrices du mouvement dans les bras du chef du Polisario, image tellement grossière qui nous montre le degré d'improvisation et de stupidité des gens du régime (qui nous gouverne il ne faut pas l’oublier), ils sont prêts à se tourner en ridicule pour détourner l'attention des gens. Jusqu’à faire avec les moyens du bord. Il va falloir dans ce cas dispenser une formation Photoshop aux sbires du régime, qu'ils le fassent au moins dans le professionnalisme.

 

Le régime a peur, il se crée des ennemis, et déplace le débat de la question fondamentale que soulèvent ces mouvements, c'est-à-dire la nécessité sinon l'obligation de la part du peuple de demander des comptes aux gens du pouvoir, vers des questions subsidiaires plus faciles à traiter car portant en elles une dose de violence et de construction de l'image. Alors on va diaboliser ces jeunes qui cassent (ou détruisent ?), on va louer ceux qui protègent les biens, on va les dénigrer, pointer leur violence pour faire taire la brutalité d'État. On va construire le eux et le nous, la muraille de Chine, la barbarie et la civilisation. Dans une vision toujours duale, toujours double. Pour retirer à la situation sa complexité et la diluer dans un affrontement entre gens et non plus CONTRE le régime.

 

Que ceux qui se posent ces questions aient la mémoire un peu moins courte. Al Hoceima et ses alentours, c'est sept ans d'attente d'une solution à la crise liée au tremblement de terre. Voilà qu'une partie du Maroc se trouve dans l'œil du cyclone, entend promesses et réconciliation, dons etc., et ne reçoit rien. Et ça fait sept ans qu'ils attendent, qu'ils ont complètement été délaissés par l'État corrompu, qui se rappelle d'eux quand il faut envoyer des forces auxiliaires pour réprimer les demandes légitimes dans le sang. Tout cela on a tendance à l'oublier avant de porter des jugements très faciles.

 

Il est facile pour nous jeunes citadins de s'offusquer face à ces images et de dénigrer leur ignorance, leur manque de sens tactique. Il est très facile pour nous qui ayons accès au MacDonald, au Zara, au Guess, aux privilèges des nantis de se dire, au final nous ne partageons pas la même sphère. Il est très facile pour nous de nous dire, nous ne voulons pas la guerre, nous sommes civilisés nous qui avons accès au savoir, nous ne devons pas réagir comme ça. Mais c'est dans la construction du nous que réside le problème. Au final on se rend compte que notre prétendu modernité nous a aveuglés et qu'elle nous a fait prendre un train en retard. Ce nous que l'on s'est imagé, ceux qui souffrent nous le renvoient avec force et comme un attentat. Ce nous moderne, contre les islamistes une fable tellement grande que même les esprits les plus rétifs au discours ambiant l’ont assimilé. Ces révolutions sont post-islamistes, c’est la fin de l’islamisme en tant qu’idéologie de substitution des gens du pouvoir.

 

Je ne fais pas l'apologie de la violence, j'essaye de replacer les choses là ou elles sont. On ne peut demander à un jeune marrakchi de prendre la parole, de violer l'espace public, car c'est de ça qu'il s'agit, un viol en règle de l'espace public, et de ne pas s'offusquer contre le monde de la consommation ostentatoire que représente le MacDonald de Guiliz, les Zara, Guess, Bnp Paribas etc… Ils représentent toute l'arrogance même du système de domination.

 

Pour finir, je rappellerais juste une image et un poème. L'image de cette même fille aujourd'hui défiant les amateurs Photoshop, se dressant  sur les épaules de ses amis, et malgré toute la campagne de diffamation qu'elle a subie continue à crier : LIBERTÉ. C'est une leçon, merci pour ça. Dekaka de l'histoire est en marche. Ceux qui voudront l'arrêter se briseront les bras. Qu'ils soient d'or ou d'argent.

 

«Qu'advient-il d'un rêve suspendu ?
Se dessèche-t-il
Comme un raisin au soleil ?
Ou suinte-t-il comme une plaie
Avant de disparaître ? Est-ce qu'il pue comme la viande pourrie ?
Ou se couvre-t-il d'une croûte sucrée
Comme un bonbon acidulé ? 
Il Tombe peut-être comme un fardeau trop lourd. 
Ou bien explose-t-il ?» 
Langston Hugues, Fresque sur Lenox Avenue.

 

A.Z. - 21 février 2011.

 

 

 Quelques liens :

http://www.hespress.com/
http://lakome.com/index.php
http://mamfakinch.posterous.com/

 

 

Casablanca

 

 

Cinq morts dans une banque incendiée au Maroc en marge de manifs

 

Cinq corps carbonisés ont été retrouvés dans les locaux d'une banque incendiée dimanche à Hoceima, dans le nord du Maroc, en marge d'une des nombreuses manifestations qui ont eu lieu à travers le royaume, a fait savoir lundi le ministère de l'Intérieur.

 

Cent vingt-huit personnes, pour la plupart des agents de la sécurité, ont été blessées dans les violences survenues en marge de certaines manifestations, qui ont attiré 37.000 participants au total dans des dizaines de villes.

 

Les manifestants ont demandé au roi Mohamed VI de renoncer à certaines de ses prérogatives, de limoger le gouvernement et de lutter contre la corruption.

 

Le ministre de l'Intérieur Taïb Cherkaoui a déclaré lors d'une conférence de presse lundi que les manifestations s'étaient déroulées dans le calme mais que certains fauteurs de troubles avaient commis des actes de vandalisme dans des villes comme Marrakech, Tanger et Séfrou entre autres.

 

Cent vingt personnes ont été arrêtées, a précisé le ministre.

 

Leur presse (Reuters), 21 février.

 

 

 

 

(…) Mais des troubles ont éclaté après la fin des manifestations dans les villes de Tanger, Tétouan, Larache, Al-Hoceima, dans le nord, Marrakech et Guelmin dans le sud ainsi qu’à Sefrou (centre). Le ministre a attribué ces violences à «des fauteurs de troubles, dont des mineurs et des repris de justice».

 

À Larache, des «fauteurs de trouble», selon lui, ont investi un immeuble des douanes et se sont emparés de drogue et de boissons alcoolisées qui avaient été saisies par les douaniers.

 

M. Cherkaoui a enfin indiqué que 33 édifices publics, 24 agences bancaires, 50 commerces et édifices privés, ainsi que 66 véhicules avaient été incendiés ou endommagés.

 

Leur presse (Agence Faut Payer), 21 février.

 

 

Lettre de démission du président

de la Région Al Hoceima-Taounate-Taza

 

 

De Rabat à Casablanca, la grogne monte aussi au Maroc

 

Islamistes, gauchistes, étudiants ou familles réunies sous une même banderole, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à Rabat, mais aussi à Casablanca, Tanger, Marrakech ou Agadir à être sortis dans la rue, hier, pour demander «plus de démocratie, d'égalité et de justice».

 

Alors que la très officielle agence Maghreb Arabe Presse avait annoncé que les manifestations étaient annulées, les Marocains se sont mobilisés dans le calme pour faire bouger les choses dans un pays où tous les pouvoirs sont détenus par le roi Mohammed VI.

 

«Soif de changement»

 

«Les autorités ont fait le tour des quartiers populaires pour dire aux gens de ne pas sortir. Mais la soif de changement a été la plus forte», s'enthousiasme Khadija Ryadi, la présidente de l'influente Association marocaine des droits de l'homme qui a relayé l'appel à manifester lancé par un groupe de jeunes, sur les réseaux sociaux.

 

Dans la foule des manifestants à Rabat, l'exemple tunisien et égyptien est sur toutes les lèvres. «Ils ont ouvert la voie et montré qu'on peut avoir de la démocratie dans le monde arabe. C'est le moment pour le Maroc de prendre le train en marche», s'exclame Fatema Ait Ouazzani. Cette institutrice d'une quarantaine d'années arbore fièrement une photo de Che Guevara sur son tee-shirt.

 

Certains sont même venus de loin pour participer à cette manifestation. Un drapeau marocain en guise de cape et une pancarte appelant à la démocratie portée à bout de bras, Adil Ourabai a fait le déplacement de Bruxelles où il vit depuis trois ans. «Je ne veux pas rester un éternel immigré là-bas. Mais pour rentrer au Maroc, il faut qu'on nous donne enfin de l'emploi et de la liberté», explique-t-il.

 

En milieu de journée, les autorités marocaines n'avaient pas réagi à la manifestation. Mais le prince Moulay Hicham, cousin dissident du roi, a fait savoir qu'il soutenait les manifestants. Les organisateurs de l'événement à Rabat ont annoncé qu'ils sont en train de «faire le point avec les mouvements des autres villes mais que les manifestations vont se poursuivre». 

 

Leur presse (Amélie Amilhau,
Ouest-France), 21 février.

 


Publié dans Internationalisme

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