Nouveau sursaut révolutionnaire (et contre-révolution) en Tunisie - 24 janvier

Publié le par la Rédaction

 

Voici les dernières infos officielles du jour, qui mentionnent la menace d'un putsch militaire contre le nouveau sursaut révolutionnaire de la rue ; tandis que la grève générale illimitée est un succès total, et que les affrontements contre la police ont repris autour du siège du gouvernement (alors que d'autres factions de la police ont fraternisé et rejoint les manifestants révolutionnaires qui parlent de démolir pierre par pierre la Kasbah — siège du gouvernement — comme l'ont fait «les sans-culotte de 1789 à la Bastille»). 
Situation pleinement révolutionnaire.

 

 


 

Reuters parle de négociations pour remplacer gouvernement provisoire par un «Conseil» pour sauvegarder la révolution (#sidibouzid).

 

Talks underway to replace Tunisia govt — Tunisian politicians are negotiating the creation of a committee of “wise men” to replace the interim government and “protect the revolution”, political sources said on Monday. They said the committee could include respected opposition politician Ahmed Mestiri (Reuters, 4:44pm GMT).

 

 

 

 

À Tunis, le gouvernement provisoire joue sa survie

 

Méprisé par l'ancien président Ben Ali, qui quittait rarement son palais de Carthage, la Kasbah, le siège du gouvernement à Tunis, concentre aujourd'hui tous les regards. Le premier ministre, Mohamed Ghannouchi, tente de s'y maintenir, tandis que des manifestants très déterminés réclament tous les jours la disparition du gouvernement provisoire qu'il a formé.

 

Sous ses murs, dimanche 23 janvier, des marcheurs de Sidi Bouzid, la ville agricole du centre d'où est parti le soulèvement tunisien, ont rejoint des milliers de personnes. «On a déclenché la révolution, on est venus la finir», assure Nizar Faleh, un instituteur de 24 ans.

 

Détermination des uns à tout changer après vingt-trois ans de dictature, volonté des autres de composer pour éviter le chaos : la Tunisie est tiraillée entre ces deux aspirations, sous les yeux d'une armée très présente dans les rues mais, jusqu'ici du moins, impassible.

 

Afet M'Saad, une enseignante à la retraite de Tunis, était devant la Kasbah aux premières heures du matin. «Je suis venue pour ces gens qui viennent des zones oubliées», explique-t-elle en désignant la caravane de Sidi Bouzid. «J'ai visité quatre villas des Trabelsi, poursuit cette sexagénaire, et cela m'a choquée.» À côté d'elle, un homme distribue un tract signé d'un mystérieux «Front du 14 janvier» (date de la chute de Ben Ali), constitué de huit partis pour la plupart hier encore inconnus : extrême-gauche, nationalistes, «unionistes nassériens» et même «baâthistes» (baasistes). Un objectif commun : faire tomber le gouvernement.

 

MOT D'ORDRE DE GRÈVE «ILLIMITÉE»

 

La plus grande force motivée par la chute du nouveau pouvoir est l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), la centrale syndicale. Alors qu'Ahmed Brahim, ministre de l'Enseignement supérieur, a appelé à une reprise progressive des cours, lundi 24 janvier, l'UGTT a lancé un mot d'ordre de grève «illimitée» dans le secteur. «On ne peut pas appliquer un ordre d'un gouvernement qu'on ne reconnaît pas», lance Nejib Sellami, membre de la fédération de l'Enseignement secondaire. «Le gouvernement pense que le mouvement va décroître avec le temps. Voilà notre réponse», ironise-t-il.

 

Hier, c'était au tour des policiers de manifester dans la rue, un tissu rouge autour du bras, offrant un spectacle surréaliste. Ici, un policier en tenue hurlant dans sa radio de service le slogan favori des manifestants : «Dégage, dégage !» ; là, un brigadier de la police des frontières haranguant la foule pour exiger la création d'un syndicat policier et réclamer de meilleurs salaires : «Je gagne 360 dinars par mois [187 euros] après quinze ans de service», affirme-t-il. Symbole de l'État répressif de l'ancien régime, la police tente de paraître sous un jour nouveau, comme en témoignent les énormes inscriptions tracées sur l'avenue Habib-Bourguiba : «Ben Ali, la police te crache dessus», ou «le peuple a libéré la police».

 

Tous ces contestataires, unis dans le refus affiché de voir des anciens ministres de M. Ben Ali rester en place au sein du gouvernement provisoire, forment désormais un groupe hétéroclite sur lequel des responsables tunisiens s'interrogent ouvertement. «Les manifestations sont sincères mais ceux qui sont à la pointe du mouvement sont parfois ceux qui redoutent le plus la transition», souligne Mahmoud Ben Romdhane, membre de la direction d'Ettajdid, un ancien parti d'opposition représenté au gouvernement et qui a organisé, dimanche, un meeting dans la capitale pour dire «non au chaos». À Tunis, le soupçon se répand de plus en plus sur un possible coup d'État militaire que justifierait une situation rendue incontrôlable…

 

MESURES INAUDIBLES

 

Autour du premier ministre, la consigne est claire : «Il faut tenir», lance Faouzia Charfi, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur. Personnalité indépendante respectée, elle était l'épouse de feu Mohamed Charfi, le seul ministre de Ben Ali qui ait jamais osé démissionner. «Je n'ai pas hésité à faire partie de ce gouvernement, souligne-t-elle, car il faut avancer.» Quitte à faire face au ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa, qui remplaça en 1994 son mari ? «Pas besoin de sourires inutiles et déplacés entre nous, nous travaillons», coupe-t-elle.

 

Convaincu que l'urgence commande de protéger coûte que coûte les institutions et de remettre l'économie en route, le nouveau pouvoir passe outre au mécontentement populaire, tandis que l'élite, elle, paraît dépassée. «Le vrai gouvernement légitime sera celui qui sortira des urnes dans six mois», soutient Afif Chelbi, le ministre de l'Industrie, un poste qu'il occupait déjà depuis quatre ans — sans être membre, précise-t-il, du parti de M. Ben Ali, le RCD. «Mais nous devons nous remettre au travail, et chaque recul en entraînera un autre.»

 

Reste qu'il manque toujours cinq ministres à l'appel (affaires sociales, agriculture, transports, santé et développement) et que les mesures prises comme autant de gages donnés de rupture avec le passé — amnistie politique générale, fin de la censure, séparation de l'État et du RCD — paraissent inaudibles.

 

Leur presse (Isabelle Mandraud,
Le Monde), édition du 25 janvier 2011.

 

 

L'armée met en garde contre les risques de vacance politique

 

Le chef d'état-major de l'armée de terre tunisienne, le général Rachid Ammar, a pris la parole, lundi 24 janvier, pour la première fois, promettant à la foule que l'armée se portait «garante de la révolution», et qu'elle «ne sortira pas du cadre de la Constitution». «L'armée nationale a protégé et protège le peuple et le pays», a-t-il déclaré, lors d'une intervention improvisée devant des centaines de manifestants dans le quartier de la Casbah, siège du pouvoir politique à Tunis. «Nous sommes fidèles à la Constitution du pays. Nous protégeons la Constitution. Nous ne sortirons pas de ce cadre», a-t-il ajouté, à l'aide d'un haut-parleur, quelques feuilles en main.

 

 

Le général Ammar était un inconnu du grand public jusqu'à ce que certains médias affirment en pleine révolution tunisienne qu'il avait été limogé par le président Ben Ali pour avoir refusé de faire tirer ses militaires sur les manifestants qui contestaient le régime. Il jouit aujourd'hui, tout comme l'armée, d'une grande popularité en Tunisie.

 

«VOTRE RÉVOLUTION RISQUE D'ÊTRE PERDUE»

 

Le chef d'état-major a appelé les manifestants, dont beaucoup de jeunes issus des provinces déshéritées et rebelles du centre du pays, à lever le siège des bureaux du premier ministre, qu'ils ont entamé dimanche et poursuivi lundi, défiant le couvre-feu. «Notre révolution, votre révolution, la révolution des jeunes, elle risque d'être perdue, d'autres risquent de la récupérer. Il y a des forces qui appellent au vide, à la vacance du pouvoir. Le vide engendre la terreur, qui engendre la dictature», a prévenu le général Ammar.

 

«Vos demandes sont légitimes. Mais j'aimerais que cette place se vide, pour que le gouvernement travaille, ce gouvernement ou un autre», a-t-il poursuivi, évitant d'apporter un soutien trop explicite à l'actuel cabinet de transition, contesté quotidiennement par la rue depuis sa formation. «Dans ces bâtiments, il y a des ministres et le premier ministre, mais il y aussi des fonctionnaires qui travaillent aux intérêts de la population et du pays. Laissons-les travailler !» a-t-il demandé, alors que dans la matinée, des groupes de jeunes avaient tenté de s'en prendre à des fonctionnaires qui sortaient des bureaux du premier ministre.

 

LE RÔLE DE L'ARMÉE DANS LA CHUTE DE BEN ALI

 

«Vive l'armée !» ont crié à plusieurs reprises les manifestants. Une voix s'est toutefois élevée pour insister : «Le peuple veut un gouvernement civil !» La foule rassemblée a entonné l'hymne national après le discours du général, qui a usé d'un ton rassurant et affiché sa proximité avec la population en utilisant le dialecte tunisien, comme l'avait fait le président Ben Ali lors de son dernier et tardif discours télévisé d'apaisement, et en appelant à plusieurs reprises les manifestants «mes enfants».

 

En refusant de tirer sur le peuple en révolte, l'armée tunisienne, certes modeste avec à peine 35'000 hommes, a joué un rôle crucial pour écarter l'ancien chef de l'État, pourtant sorti de ses rangs, mais qui favorisait les forces de police. 

 

Leur presse (LeMonde.fr), 24 janvier - 18h03.

 


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<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> J'ai signalé votre article sur le blog :<br /> <br /> <br /> http://horizon212121.over-blog.com<br /> <br /> <br /> page : Tunisie<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> <br />
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