No Border Bruxelles : La police partout et le cirque nulle part !

Publié le par la Rédaction

 

Le 29 septembre, dans notre bonne ville de Bruxelles, capitale de l’Europe, la Confédération européenne des syndicats appelait à manifester contre les politiques d’austérité prônées par les gouvernements de l’Union européenne. Entendant l’appel, le groupe altermondialiste «Precarity united», présent au No border camp de Bruxelles, contacta la FGTB Métal de Liège pour se joindre au cortège. Quoi de plus normal pour des militants de la liberté de circulation opposés à la politique d’«Europe forteresse» que de se solidariser avec les autres mouvements sociaux ? L’accord fut donc donné pour qu’ils se joignent à la manifestation en tant que groupe anticapitaliste, contre la promesse évidemment de rester sages. Il faut savoir que depuis la mort de Carlo Giuliani abattu par la police lors du G8 de Gênes, le style «black block» est plutôt has been dans l’alter-mondialisme. La plupart des activistes ont en effet constaté que s’habiller en noir était particulièrement inefficace pour éviter les coups de matraque et a fortiori pour arrêter les balles.

 

Nos altermondialistes ont donc inventé des modes de protestation alternatifs et nouveaux afin de tourner en dérision le besoin irrépressible de violence présent dans de nombreux services de police. Parmi ces derniers, le Samba band et la Brigade activiste clown. Ces deux dispositifs permettent de transformer des manifestations autrefois tendues en joyeux happening. Malheureusement, les services de police se caractérisent généralement par un manque quasi pathologique d’humour, c’est là leur moindre défaut… Devant ce type d’action, ils se retrouvent proprement désarmés et comme ils ne comprennent pas… ça les énerve !

 

Or, sous tous les cieux, sans vergogne, il est un usage bien établi, quand les cognes s’énervent, tout le monde se retrouve à l’Amigo ! Ce n’est pas très beau à voir, mais «quand policier fâché, lui toujours faire ainsi !»

 

Cependant, ce 29 septembre, il y avait un hic. Il s’agissait d’une manif syndicale européenne dans laquelle étaient attendus plus de 200'000 bras bien musclés de prolétaires accompagnant Anne Demelenne. Prudence et méfiance étaient donc de rigueur avant de s’y frotter. Pardi, ces mâtins sont de taille à se défendre hardiment ! Alors, qu’à cela ne tienne, on usa de la «guerre psychologique». Cette dernière ne consiste pas (seulement) à frapper plus fort sur la tête mais surtout à utiliser la rumeur…  La police passa donc le mot au service d’ordre syndical : «Les clowns sont les plus dangereux et les plus violents, ils se déguisent comme ça pour paraître gentils et passer inaperçus et masqués.» … Ah, les fourbes !

 

«Mentez, mentez, mentez, encore et toujours, il en restera bien quelque chose !» disait Voltaire.

 

Pour le coup, la formule fit merveille, le service d’ordre syndical ayant déjà interdit par circulaire les pétards à ses militants, il n’allait pas se laisser faire par ces petits c…, enfin ces clowns ! Les consignes données furent donc simples : «Pas de noirs (lire “black blocks”, rien à voir avec le taux de mélanine, ndlr), pas d’anars, et surtout pas de clowns !»

 

La chasse fut donc ouverte, fouille systématique de tout «gauchiste non syndiqué» et arrestation préventive — concept nouveau selon la Ligue des Droits de l’Homme — de tout individu dont le look ne reviendrait pas aux forces de police. Malgré cela, un groupe (tout petit) échappa à la rafle et se rassembla à l’endroit prévu, à savoir la place Bara. Parmi ces derniers — horreur ! — quelques survêtements de couleur sombre, des calicots portant des slogans anarchisants et… des clowns au nez rouge !

 

Alors que les seuls nez rouges tolérés ce jour là se devaient d’être couperosés par l’usage de la dive bouteille. Après tout, on n’oublie pas le commerce local, dans notre capitale de la bière…

 

Par chance, la police, nombreuse, veillait ! Elle procéda donc à l’encerclement immédiat du groupuscule et à la confiscation des banderoles impies. Fière de sa prise, elle avisa alors le bourgmaître Gaétan Van Goitsenhoven pour savoir s’il fallait procéder immédiatement à l’hallali. La réponse se faisant attendre et attendre encore, de guerre lasse et la mort dans l’âme, l’étau policier dut se résigner à relâcher sa prise. Le groupe anarchocircassien se joignit dès lors à la queue du cortège, tenu en respect par un service d’ordre syndical vigilant et copieusement infiltré par de courageux «flics en civil», sorte de clowns tristes et mal habillés.

 

Ce n’était que partie remise, à peine s’esbaudit la joyeuse troupe décimée mais libérée que se fit entendre le son de l’olifant maïeural. Ce dernier tint à peu près ce langage : «Hue ! Hue ! Mes chiens de guerre ! Point de quartier ! Embarquons ! Embarquons tous ces clownesques cornichons !»

 

Une souricière fut donc dressée à l’ombre de la Porte de Hal. Menée de main de maître par un jeune capitaine fier et fort en gueule, la meute s’abattit sur les anarchocircassiens survivants tel un faucon fondant sur sa proie. Faisant moult usage de la force et usant d’une sauvagerie toute virile et guerrière, nos pandores en vinrent cependant à choquer nombre de «bons manifestants». Ils commencèrent donc à en embarquer certains dans le tas pour avoir eu l’audace de protester contre cette chasse aux «bandits, voleurs et chenapans». Sur ces entrefaites, quelques lourds ouvriers métallurgistes commencèrent alors à s’approcher du dispositif policier et à le toiser d’un air inquiétant… Les voilà donc qui posent alors LA sempiternelle question au pouvoir policier : «Qu’ont-ils donc fait ?», à laquelle on entendit l’éternelle réponse de la part des prisonniers : «Rien !» Entre chien et loup, la situation menaçait de tourner au vinaigre…

 

C’est là qu’intervint, tel Blücher à Waterloo, le courageux service d’ordre syndical, hurlant la vérité officielle, digne de la Pravda : «Camarades, ça ne sert à rien, les policiers sont des travailleurs comme les autres (sic), laissez-les faire leur travail ! Et surtout, surtout, passez votre chemin !»

 

La messe était dite, les cognes sauvés, les clowns à l’ombre… Amen !

 

La manif fut, de l’avis général, un immense succès, on ne déplora que quelques incidents isolés et l’arrestation… de 400 personnes.

 

Albinovanus 
Satiricon, 6 octobre 2010.

 


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