Les anti-IVG ne sont pas que dans la rue

devant l’église Saint-Nicolas à Nantes
Qui sont les anti-IVG ?
Même s’ils ont renoncé aux actions violentes, les militants de SOS tout-petits restent actifs à Nantes.
Trente-cinq ans après le vote de loi Veil dépénalisant l’avortement, les opposants à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ne désarment pas. Regroupant les plus virulents d’entre eux, l’association SOS tout-petits organise samedi, dans plusieurs villes de France, son troisième «rosaire» de l’année pour dénoncer «le crime public d’avortement». À Nantes, ils devraient être une centaine, comme en mars dernier, à réciter des prières sur le parvis de l’église Saint-Nicolas. Protégés des contre-manifestants par un cordon de police, comme à chaque fois.

à Nantes, en novembre 2007
Actions commando
Créée en 1986, SOS tout-petits s’est fait connaître par ses actions commando dans les centres IVG, dont celui de l’hôpital Saint-Jacques. Ce qui a valu plusieurs condamnations à son fondateur, le docteur Xavier Dor qui, à 80 ans passés, préside toujours l’association.
Depuis la création du délit d’entrave à l’IVG, en 1993, les militants anti-avortement ont changé de stratégie, se contentant de «réunions de prière publique de réparation». À Nantes, celles-ci ont longtemps eu lieu devant l’hôpital Saint-Jacques. Jusqu’à ce que le centre IVG soit transféré dans le nouvel hôpital mère et enfant, en 2004.
Insultes et menaces
Depuis, les anti-IVG se retrouvent régulièrement devant Sainte-Thérèse ou Saint-Nicolas. Avec banderoles et haut-parleurs. «Leur objectif est d’être visibles de la population», note Laurence Roussel, coordinatrice au Planning familial de Nantes.
Même s’il ne fait plus l’objet d’agressions en règle, comme il y a quelques années, le Planning reste la cible privilégiée des militants «pro-vie». «Nos affiches sont systématiquement arrachées. Et on continue de recevoir des lettres d’insultes et des menaces.»
Intégristes et militants FN
Même s’ils ne l’affichent pas ouvertement, la plupart des militants de SOS tout-petits sont proches de l’extrême-droite ou des mouvements catholiques intégristes.
Le Mayennais Luc Perrel, chargé du bulletin de l’association, était no 3 sur la liste FN aux européennes en Pays de la Loire. Et l’animateur du groupe nantais, Philippe Piloquet, médecin au CHU de Nantes, est membre de l’Association catholique des infirmières et médecins (Acim), qui se réfère à «la tradition de l’Église».
Chaque «réunion de prière» draine des membres de l’Alliance pour les droits de la vie, créée par Christine Boutin, et de Mère de miséricorde, une association accueillant les futures mères «en détresse» et qui dispose, elle aussi, d’une antenne à Nantes.
Leur presse (Xavier Boussion, Presse Océan), 12 novembre 2009.
«On ferme des centres IVG alors qu’on en manque»
Samedi, une manifestation pour les droits des femmes est organisée à Paris. Maya Surduts, militante du Collectif national des droits des femmes, revient sur les menaces qui pèsent sur le droit à l’avortement.
Combien d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont pratiquées en France chaque année ?
Environ 200.000. On a du mal à avoir des chiffres précis et de manière régulière, mais globalement le nombre d’interruptions de grossesse est stable en France depuis des années. Et je contredis tout de suite ceux qui pensent que c’est trop: on est dans la moyenne européenne et la France peut se targuer d’avoir le deuxième taux de fécondité le plus élevé en Europe (après l’Irlande)…
Quelle est la situation aujourd’hui en France pour une femme souhaitant avorter ?
Il ne faut pas croire que ce soit simple. L’IVG reste un tabou. Quand une femme avorte, elle ne le dit pas. La plupart n’en parlent pas, se plaignent peu alors que certaines sont traitées comme des chiens à l’hôpital. Celles qui viennent pour un deuxième avortement sont vues comme des récidivistes commettant un crime.
Il est malgré tout plus facile d’avorter qu’avant, non ?
Certes, nos luttes nous ont permis d’obtenir des avancées. Je pense à la loi de 2001, relative à l’IVG et la contraception. Désormais, les mineures n’ont plus besoin de l’autorisation parentale pour avorter. Et les étrangères ne doivent plus prouver qu’elles vivent en France depuis plus de trois mois. Mais, il reste des combats à mener, notamment sur la contraception. Aujourd’hui, seules certaines pilules sont remboursées… Il y a aussi un manque d’information, auprès des jeunes notamment. En Hollande, où le nombre d’IVG est très bas, il y a une éducation à la sexualité dès la maternelle ! Nous avons encore des progrès à faire.
Mercredi, on apprenait la fermeture d’un centre IVG dans le 20e arrondissement à Paris, le troisième supprimé dans la région [À Paris, trois centres IVG ont fermé depuis le mois de mai : à l’hôpital Jean-Rostand à Ivry-Sur-Seine, à Broussais dans le 14e arrondissement, et enfin à Tenon, dans le 20e] depuis le mois de mai. Que faut-il en penser ?
On ferme des centres alors qu’on en manque. C’est la conséquence directe du démantèlement de l’hôpital public. Des centres IVG, souvent rattachés à des maternités, ferment sur de simples considérations de rentabilité. Le discours est toujours le même : «Pas assez d’actes chirurgicaux. On privilégie les regroupements…» Les patients doivent alors se tourner vers de gros hôpitaux … déjà surchargés !
S’ajoute un autre problème : pratiquer des IVG n’est pas valorisant pour le praticien. On se bat depuis des années pour obtenir une revalorisation de l’acte pour qu’il soit facturé comme une fausse couche (900 euros). On est passé l’année dernière de 200 à 300 euros, cela ne suffit pas évidement. Surtout qu’aujourd’hui, on le sait bien — et c’est vrai pour la médecine en général — les actes sont pratiqués en fonction de leur valeur marchande.
Recueilli par Marie Piquemal
Leur presse (Libération), 16 octobre.