Le monde bouge, mais vers quoi ?
Révolution : ensemble des événements historiques qui ont lieu dans une communauté importante (nationale en général) lorsqu’une partie du groupe en insurrection réussit à prendre le pouvoir et que des changements profonds (politiques, économiques, sociaux) se produisent dans la société. — Dictionnaire Le Robert sous le mot «révolution».
Même si l’on s’en tient strictement à cette définition, ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte et peut tendre à s’étendre — présentement uniquement dans les différentes nations à dominante religieuse musulmane — sunnite de surcroît) ;
Même si l’on se réfère à ce que furent les événements historiques ayant conduit à une prise du pouvoir par tout ou partie des acteurs de l’insurrection ;
Même sans se référer aux différentes versions de ce que pourrait être une véritable révolution — sociale — qui mettrait un terme au système capitaliste d’exploitation de l’homme par l’homme et d’accaparement du produit de cette exploitation ;
Force est de constater que dans les développements présents dont nous donnons par ailleurs un résumé succinct, dans aucun des pays touchés par ces insurrections — Tunisie et Égypte et autres plus récents — il n’y eut de prise du pouvoir par des masse hétéroclites (c’est-à-dire toutes classes confondues).
Il y eut, et il y a encore, des attaques ponctuelles contre les bâtiments locaux, parfois nationaux, sièges des organismes particuliers du pouvoir (commissariats, mairies, siège du parti au pouvoir mais pas une attaque générale contre les organismes centraux de l’État : partout l’essentiel des forces d’encadrement et de répression du système (armée, police, administrations, hiérarchies sociales) restaient pratiquement en place assurant la pérennité du système capitalisme dans son cadre national et ses liens avec le système mondial de domination du capital. Peut-on voir dans ces quelques avancées l’éveil d’une conscience de classe qui conduirait à des bouleversements plus radicaux et à l’avènement d’une société communiste mondiale ? La réponse ne peut venir que des exploités, les innombrables prolétaires diversement dominés par la chape de plomb du capital.
Il ne fait aucun doute que, sans être réellement les initiateurs directs de ces insurrections, ces prolétaires ont contribué à leur développement et que, notamment pour l’Égypte, l’entrée en grève des prolétaires du travail avec leurs propres revendications a accéléré le processus de réformes à la tête de l’État.
Mais une fois atteint ce changement de têtes, ce qui, même au sein de l’appareil de domination interne ou externe apparaissait comme indispensable pour éviter de véritables poussées révolutionnaires, les travailleurs sont priés de retourner au turbin car on n’a plus besoin d’eux pour cette tâche mais par contre bien besoin d’eux pour faire tourner l’économie capitaliste et continuer à en tirer des profits et alimenter l’appareil d’État qui les opprime dans tous les aspects de leur vie.
La révolution sociale n’est pas au programme : d’ailleurs les travailleurs qui se sont lancés dans la lutte des derniers jours n’en demandaient pas tant, seulement des hausses de salaires, le changement des conditions de travail et la possibilité de s’organiser pour se défendre dans le quotidien. Les mêmes exigences pour lesquelles ils continueront à se mobiliser contre leurs employeurs et indirectement contre le système et le gouvernement en est l’émanation. Une autre forme d’insurrection — ouvrière et sociale — peut alors surgir qui pourrait se généraliser si les travailleurs se rendent compte que les faibles espoirs qu’ils auraient pu avoir ont été vains et que le changement auquel ils ont pu contribuer n’a pratiquement rien changé, ne fut-ce que dans leur misère quotidienne.
Si les événements avaient seulement évolué vers une contestation sociale, ou si devant cette frustration ils reprenaient cette voie, non seulement la sorte d’union nationale présente des partis et de l’armée aurait agi et agirait pour la réprimer, fut-ce dans le sang, avec le soutien de la «communauté internationale» à commencer par les États-Unis. Présentement, ce qui reste accroché fermement au pouvoir «conseille» aux travailleurs de reprendre le travail en échange de projets de réformes politiques mal définies. Si, partie de la Tunisie, contestation et émeutes s’étendent dans leurs cadres nationaux à l’encontre de systèmes politiques similaires comme c’est le cas aujourd’hui, cela n’a pas entraîné une sorte d’internationalisation de lutte, même dans les pays concernés. Et, encore moins, tout au moins à notre connaissance, on n’a vu surgir des formes spécifiques de lutte ou de prise en mains de formes de gestion sociale qui auraient pu servir d’éléments d’une telle internationalisation.
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Dans le monde, une classe en lutte - mars 2011.