Le Berry Ripou l'emporte par forfait sur le pouvoir sarkozyste
Bien entendu, nous sommes heureux de la décision de justice qui a été rendue en fin d’après-midi. Depuis des mois, le pouvoir sarkozyste ne s’économise pas en paroles outrancières, en provocations, en invectives face à des citoyens «pas dans la norme», face à certaines catégories de la population. Aujourd’hui, le petit journal satirique Le Berry Ripou a infligé à la droite décomplexée un grotesque coup d’arrêt. Monsieur Matthieu Bourrette n’a même pas eu la correction de se présenter à l’audience. Son avocat très sympathique est tout juste venu faire acte de présence. Il est reparti au bout de quelques minutes sans attendre le résultat du délibéré. Brice Hortefeux qui appuyait la plainte de l’ancien secrétaire de Préfecture n’était pas représenté. Une déroute.
On pourrait, on devrait en rire. Jamais, sans doute nous ne pourrons trouver pour notre journal un responsable de communication aussi efficace que M. Bourrette. Grâce à lui, nous avons pu tisser de nombreux liens à travers toute la France. Nous avons été en contact avec Edwy Plenel, Didier Porte et surtout une personne que nous admirons pour ses écrits et que nous ne pensions jamais avoir le privilège de rencontrer : monsieur Emmanuel Terray. Saluons aussi le philosophe et écrivain Laurent Cachard qui a été le premier à nous soutenir spontanément. Et puis aussi nos amis inculpés de Tours, poursuivis pour des raisons similaires aux nôtres et dont le procès a été repoussé pour «préserver la sérénité des débats». Et puis encore François de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon qui est un puits de science. Nous avons pu enfin rencontrer certains de ceux qui nous lisent (y’en a qui ont quand même une drôle de tête !).
Nous avons pu analyser ceux qui soutenaient et comprenaient sincèrement et sans calculs notre démarche. Nous avons rencontré Lucie de Bakchich, le grand Mourad Guichard que l’on ne présente plus en Région Centre, Gilblog, agitateur.org, CQFD, France 3 Centre (qui m’a vu piquer une colère de débile mental à l’évocation des conditions d’expulsion choquantes de cette famille russe qui a motivé la publication de la caricature). Et bien entendu, Le Berry Républicain (le vrai, avec des morceaux de professionnalisme dedans !) qui se bat quotidiennement et sans relâche pour la liberté d’expression et la liberté de la presse, le poing levé. Et d’autres. Beaucoup d’autres.
Nous attendions ce procès. Nous avions beaucoup de choses à dire. Nous en avions d’ailleurs beaucoup discuté la veille au Café Repaire animé par l’excellent Jean Frémiot.
Mais malgré la débâcle sarkozyste, nous sommes tout de même un peu déçus car il ne nous a pas été permis de nous exprimer et de nous expliquer dans l’enceinte du tribunal qui nous avait convoqué. Certes, nous avions soulevé des points de nullité mais la justice avait la possibilité de rendre sa décision après un débat sur le fond, comme nous le souhaitions.
Apparemment, il y avait trop d’affaires à juger aujourd’hui. Cela en dit long sur l’encombrement des Tribunaux. Celui de Bourges — souvenons-nous-en — a d’ailleurs été menacé de disparition par les gens qui nous poursuivaient aujourd’hui. Ils voulaient mutualiser les moyens, faire des économies en supprimant les «petits» tribunaux. Lorsque l’on voit le nombre d’affaires qui ont été traitées à Bourges en un après-midi, on ne peut que saluer le courage des magistrats mais aussi s’interroger sur les calculs d’épicier d’un gouvernement qui affaiblit autant le secteur de la santé que le secteur de la justice, que le milieu universitaire et de la recherche.
Lors de notre participation au Café Repaire, la veille du procès, un intervenant nous avait posé une question particulièrement pertinente et qui visait juste : qu’est-ce qui est le plus scandaleux et le plus grave ? Que le pouvoir Sarkozyste s’attaque à un journal et bafoue la liberté de la presse et le droit à la caricature ? Ou bien l’expulsion dans des conditions indignes, d’une famille russe déboutée du droit d’asile ?
Il faut être clair. Que risquions-nous dans cette affaire ? Rien. Une amende, même de 12.000 euros, ce n’est rien comparé au sort réservé dans notre pays à des gens qui sont traités avec si peu de considération, avec si peu de respect. Avec si peu d’humanité. Cette absence d’humanité que nous mettions en éclairage dans la caricature qui a provoqué l’ire de M. Bourrette.
À l’annonce du naufrage de Messieurs Bourette et Hortefeux à Bourges, Zébida Zidane, une lectrice ripou qui nous soutenu avec beaucoup de conviction et d’humanité a écrit ceci : «Une pensée à Irina, à cette famille, séparée. À cette grand-mère malade qui a vu partir au petit matin ses enfants et ses petits enfants, expulsés.»
Tout est dit. Passées les trente secondes de joie d’avoir orchestré la déconfiture de la Sarkozie qui nous a semblé programmée et inéluctable dans cette affaire, le retour sur Terre a été très rapide.
Rien n’effacera le souvenir et la stupeur de ce 18 février 2010. Nous sommes heureux mais nous sommes tristes. Un peu honteux aussi. Honteux de ne rien avoir fait ou de ne rien avoir pu faire pour empêcher cette expulsion. Notre caricature exprimait aussi cela. Et si Nadia, élève brillante du collège Victor Hugo, et sa famille revenaient en France pour retrouver leur grand-mère ? Et si on leur laissait enfin une chance d’échapper à un triste destin et de vivre quelques moments de bonheur après avoir traversé tant d’épreuves difficiles ? Est-ce donc si peu de l’ordre du possible ? Pourquoi devrions-nous «tourner la page» ?
À cette famille que l’on n’oublie pas.
Jean-Michel Pinon alias Charles-Henry Sadien,
Directeur de publication du Berry Ripou - 17 septembre 2010.