La répression qui vient, en Belgique et en France
Document du Sénat à propos du mouvement anarchiste et pas seulement
Ce document — propagande de l’État — vise clairement à préparer le terrain pour isoler les anarchistes et autres anti-autoritaires des luttes en cours, ne mérite rien d’autre que notre mépris le plus profond.
Annales du Sénat Belge
29 octobre 2009
M. Carl Devlies, secrétaire d’État à la Coordination de la lutte contre la fraude et secrétaire d’État, adjoint au ministre de la Justice. — Je vous lis la réponse du ministre De Clerck.
On constate depuis fin 2007 une augmentation du nombre d’actions pouvant vraisemblablement être associées au milieu anarchiste. Elles font partie de différentes campagnes anarchistes visant entre autres à obtenir la fermeture des prisons et des centres d’accueil fermés. Toutes les entreprises reliées de près ou de loin à ces institutions peuvent être une cible. Une entreprise de nettoyage, La Poste et des sociétés de transport public ont, par exemple, été victimes de tels actes. Les services de police ont aussi été visés.
Les actes commis par les anarchistes vont de l’inscription de graffitis à l’allumage d’incendies, en passant par des faits de vandalisme. Au moins 55 faits de cette nature ont été dénombrés depuis le début de l’année.
En octobre 2009, deux actions bien préparées ont été menées par des groupes de personnes masquées et vêtues de noir. La première s’est déroulée à Bruxelles, où les vitrines d’agences de travail intérimaire et d’agences bancaires ont été brisées.
L’idéologie anarchiste considère en effet les prisons et les centres d’asile comme les instruments par excellence de la répression exercée par l’État. Les entreprises et organes publics responsables de la gestion des prisons et des centres fermés ou qui leur fournissent des services sont donc devenus la cible d’un petit groupe d’anarchistes virulents, par exemple, le 15 octobre dernier, l’entreprise Besix. Début août 2009, une liste noire de toutes les sociétés qui contribuent à la construction du nouveau centre d’asile de Steenokkerzeel a même été publiée sur internet. La pratique du naming and shaming devient bien souvent une méthode d’action pour les activistes d’extrême gauche.
Il est très difficile d’établir une liste exhaustive de ces incidents car les services de renseignement et de police ne peuvent pas toujours déterminer si un fait est ou non de nature politique.
Seuls quelques faits sont revendiqués en tant que tels sur internet ou dans des tracts, ou ont pu être qualifiés d’anarchistes grâce aux tags découverts sur place. Le choix de la cible a aussi, dans certains cas, permis de supposer qu’un fait s’insérait dans la campagne anarchiste menée contre les prisons et les centres fermés. La violente protestation qui s’exerce dans notre pays contre la politique d’asile et de migration s’inscrit donc dans ce cadre. Ce courant radical est toutefois entièrement dissocié de l’opposition légitime et pacifique des ONG, qui défendent les droits des réfugiés et des sans-papier et réclament une politique d’immigration plus humaine.
Plusieurs enquêtes sont en cours sous l’égide du parquet fédéral, qui suit ce problème. Jusqu’à présent, aucune arrestation n’a eu lieu.
Conformément à ses missions, fixées par la loi du 30 novembre 1998, la Sûreté de l’État consacre l’attention nécessaire aux groupements d’extrême gauche et anarchistes de notre pays qui s’impliquent dans la problématique d’asile et de migration. Si une majorité de personnes agissent de manière pacifique, une petite minorité a toutefois opté pour la méthode forte. Nous pensons qu’une grande partie des récents incidents violents survenus dans notre pays sont le fait de membres du mouvement anarchiste.
Notre contrôle permanent sur le mouvement anarchiste implique aussi un suivi des données relatives aux incidents éventuellement d’inspiration anarchiste. L’enquête judiciaire relève évidemment des services de recherche compétents.
La Sûreté de l’État consacre, là où c’est possible, son expertise à la détection des groupes et des individus. Elle négocie en permanence avec ses homologues étrangers pour établir la cartographie des phénomènes transfrontaliers. Des informations de base sont régulièrement échangées dans le cadre de l’extrémisme idéologique. Le rapport public Het vuur van het verzet de l’AIVD relatif à la résistance croissante contre la politique néerlandaise d’asile et d’immigration confirme en effet que les Pays-Bas sont confrontés au même problème.
Nous avons toutefois le sentiment qu’il s’agit, dans les deux pays, d’un phénomène purement national, guidé il est vrai par les mêmes motifs idéologiques.
Diverses analyses de la menace ont déjà été faites par l’OCAM sur ces actions spécifiques, de sorte que les ministres et leurs services puissent prendre les mesures nécessaires que, pour des raisons compréhensibles, je ne souhaite pas approfondir.
Centre de médias alternatifs de Bruxelles, 7 novembre 2009.
En France
L’ultra-gauche dans le Laonnois : Des éléments isolés
Si la notion d’ultra-gauche est d’actualité, elle reste mineure dans le secteur. Même chez les anarchistes locaux qui ont leur théorie sur cette actualité.
Une première à Tarnac, il y a un an, la seconde fois à Poitiers, il y a un mois. La notion d’«ultra-gauche» a été une découverte pour beaucoup. Un classement à l’extrême marge de la gauche de l’échiquier politique, où cette appellation renvoyait régulièrement au monde anarchiste. Une assimilation que les membres du groupe Pierre-Kropotkine de la Fédération anarchiste, section basée à Merlieux-et-Fouquerolles réfutent et expliquent pourquoi. Avec le langage sans détour de Dominique Lestrat, un de ces membres les plus exposés, explication qui commence par une pirouette lexicale.
«Il n’y a pas eu plus d’émeutes à Poitiers le 10 octobre que de socialisme en France en mai 1981», glisse-t-il avec sa verve. «Une émeute, c’est un soulèvement populaire mis en œuvre [par] une partie importante et significative de la population dans un espace politique donné. Or, mis à part, quelques poubelles qui brûlent, quelques vitrines dont celles de Bouygues, le constructeur de la prison, et celle du journal local, du gaz lacrymogène entre les policiers et la dizaine de personnes, nous sommes bien loin de l’émeute.»
Après avoir pris contact avec ses semblables du groupe anarchiste local de Poitiers, Dominique Lestrat explique comment la manifestation avait dégénéré : «Ce mouvement, né sous l’action de l’association pour le respect des proches de personnes incarcérées (ARPI) se servait du transfert des prisonniers du lendemain, pour poser la question cruciale de la prison dans notre société où le sécuritaire et l’enfermement sont les deux pivots du maintien de l’ordre capitaliste. Il y a eu un premier débat, le matin, puis le départ pour ce qui devait être une manifestation festive.»
Sauf que : «Il y a eu des groupes de militants, ceux que nous appelons des “hors sols” (ndlr : des individus n’appartenant pas aux groupes locaux) qui ont pris le contrôle de la manifestation qui regroupait environ 300 manifestants. Ils ont imprimé leurs décisions, leur rythme, leur manière d’agir et leurs fantasmes à l’ensemble des manifestants, sans se préoccuper des retombées sur l’environnement local.»
D’où l’image restant des vitrines brisées.
À Laon et dans le Laonnois, cette présence de l’ultra-gauche existe mais d’éléments individuels comme l’explique un membre de la direction centrale du Renseignement intérieur axonais, les ex-RG (voir plus bas).
Des éléments comme ceux de Poitiers, extérieurs aux organisateurs de la manifestation, le groupe Pierre Kropotkine en reçoit comme l’explique Dominique Lestrat.
«Régulièrement, nous avons des personnes qui nous contactent, nous sondent, souhaitent connaître nos opinions. Nous nous apercevons vite qu’il est beaucoup plus radical dans sa façon d’agir et le contact se termine là.»
Pas de structure locale
«Oui, nous avons pu remarquer une hausse des informations sur les forums internet ou dans les blogs. Mais dans le Laonnois, et même dans l’Aisne, l’ultra-gauche ne possède pas, a priori, de structures établies.» À l’antenne laonnoise de la direction centrale du Renseignement intérieur (les anciens Renseignements généraux), la réponse est sans détour : oui, il existe dans le Laonnois et dans l’Aisne, des individus qui sont classés à «l’ultra-gauche». «Des individus isolés, que nous connaissons bien mais qui ne sont pas constitués en organisations reconnues.» Ou connues. «Nous avons nos anarchistes à Merlieux, mais s’ils sont présents dans tous les mouvements de contestation, c’est une protestation pacifique.» Cette montée des extrêmes est quand même ressentie dans deux endroits du secteur : Chauny pour l’extrême-droite et Soissons pour l’extrême-gauche. «Il y a un regain actuel, sans doute favorisé par la situation économique. Le prosélytisme est plus facile.»
Leur presse (Stéphane Massé, L’Union), 5 novembre.