La police travaille à Montréal

La manifestation contre la brutalité policière est chaque année victime … de brutalité policière. Tout comme l’an dernier, la campagne de dénigrement mise en œuvre par le Service de police de la ville de Montréal fut des plus efficaces. Avant même que le moindre manifestant n’ait pensé participer à la manifestation annuelle, le SPVM, relayé par son puissant service de relations publiques, mettait tout en œuvre afin de justifier d’éventuelles arrestations.
Cette année, ce fut le bris de quelques voitures de police à quelques jours de la manifestation dans le quartier Saint-Henri qui a permis aux policiers de partir le bal. Il suffit d’entendre Yannick Ouimet du SPVM, qui lançait un message on ne peut plus dirigé vers les manifestants contre la brutalité policière : «Donc on peut croire que le groupe qu’on a ici est un groupe que nous voyons dans des manifestations.» Et pourquoi donc ? À cause des tags, des cagoules et des vêtements noirs, «on peut cibler un groupe en particulier», précise-t-il. Des tags, des cagoules et la couleur des vêtements… le profilage racial, comme on le sait, n’est pas seul à influencer les forces de l’ordre, le profilage politique et social, lui aussi, est très répandu.
Les jeunes de la rue, les jeunes immigrants, les anarchistes, de même que tous ces groupes sans représentants officiels pour prendre leur défense, sont bien entendu les cibles parfaites des abus policiers. Depuis 1999 seulement, on compte plus de 3000 arrestations à caractère politique à Montréal — ces nombreuses arrestations de masse furent d’ailleurs dénoncées par l’ONU en 2005. Sans l’ombre d’un doute, les policiers s’en prennent plus sévèrement envers ces «déviants» qui osent remettre en doute leur pratique.
Ce profilage est d’ailleurs bien documenté par plusieurs chercheurs en mouvements sociaux comme J.A. Frank et, dernièrement, la Commission des droits de la personne nous rappelait que le profilage social était malheureusement monnaie courante dans les rangs du SPVM.


Au point de rencontre de la manifestation, au métro Pie-IX, la provocation commencée depuis déjà quelques jours pouvait ainsi se poursuivre en toute légitimité : fermeture du métro, fouilles et vérification illégales d’identités, prises de photographie, confiscation de pancartes et de drapeaux et arrestations arbitraires allaient bon train ; sans oublier bien sûr une présence policière pour le moins intimidante : hélicoptère, cavalerie, policiers antiémeutes — par centaines ! — se sont mis en frais d’intimider ceux et celles qui ont le «profil» du manifestant (le mauvais, bien sûr).
La manifestation a pourtant débuté dans le calme. Et c’est bien plutôt la peur que la haine que l’on pouvait lire dans les yeux des marcheurs, présents tout autant en souvenir du jeune Villanueva que pour dénoncer le harcèlement dont ils sont victimes quotidiennement dans leur quartier. Au point final de la manifestation, au métro Préfontaine, les quelques centaines de policiers présents sur les lieux ont bloqué la route aux manifestants qui tentaient de se disperser tel que le discours des organisateurs venait de nous le recommander.
Encore une fois, le métro était fermé et les manifestants qui tentaient de se disperser ont été accueillis par la cavalerie et la matraque. On se demande bien quel était l’objectif des policiers. Ils voulaient en découdre ? Justifier leur présence qui a certainement entraîné des coups de plusieurs dizaines de milliers de dollars ? Ils désiraient montrer aux manifestants qu’ils ne toléraient aucune critique ? Quoi qu’il en soit, le tout s’est terminé par plus d’une centaine d’arrestations de manifestants qui tentaient, à ce moment précis, de rentrer chez eux…
Bien entendu, les images présentées seront celles des manifestants masqués et des quelques pierres lancées aux forces de l’ordre : le barrage presque systématique de la route, la provocation des policiers sans uniformes, les insultes à l’endroit des jeunes punks, de même que le coup de matraque que j’ai moi-même reçu dans le dos parce que — semble-t-il — je ne marchais pas au bon endroit, ne seront pas été présenté sur vos écrans, pas plus que dans les pages des journaux.
Ce dont on parlera, ce sera la remise en cause du droit démocratique de manifester sans permis — depuis quand a-t-on besoin d’un permis afin de prendre la parole ? —, du refus des organisateurs de donner le parcours aux autorités, du droit de porter la cagoule, etc.
Le prétexte de la police sera le même qu’à chaque année : quelques graffitis, quelques voitures abimées, quelques jets de pierre … sans oublier évidemment les manifestants cagoulés et les slogans vindicatifs. La violence des forces de l’ordre, celle qui possède boucliers, matraques, gaz lacrymogène, «Taser», armes à feu, chevaux, chiens, prisons et forces de loi s’en sortira sans aucune égratignure, sinon celle des quelques pierres inoffensives lancées par ceux que notre société tente de rendre invisibles par diverses mesures répressives.
Il faut le dire : cette intolérance envers la critique porte en elle-même l’acceptation tristement béate de son revers… la violence policière.
Marc-André Cyr - L’auteur est doctorant en science politique à l’UQAM. Sa thèse porte sur l’histoire politique des manifestations et des émeutes au Québec.
Cyberpresse, 16 mars 2009.



















Bel exemple d’expulsion de flics à Montréal
Lors de la manifestation annuelle contre la brutalité policière à Montréal le 15 mars 2010, une demi-douzaine d’agents de police infiltrés parmi les manifestants sont démasqués et expulsés sans autre forme de procès.
Indymedia Lille, 19 mars 2010.
Le Service de police de la ville de Montréal estime avoir su s’adapter rapidement au caractère «changeant» et «désorganisé» de la manifestation contre la brutalité policière de lundi soir dernier, qui s’est soldée par l’arrestation de 100 personnes.
«Rappelons que contrairement à la très grande majorité des manifestations, les organisateurs ont refusé de fournir leur itinéraire, forçant ainsi le SPVM à adopter des stratégies évolutives», résume, par voie de communiqué la police, qui vient de dévoiler son bilan final de l’opération.
Sur les 100 manifestants arrêtés, 83 ont été accusés d’entraves à des règlements municipaux et les autres pour des infractions criminelles. Seulement deux d’entre eux ont passé une nuit complète en prison, avant de répondre mardi à des accusations d’agressions armées, vols et méfaits. Les deux jeunes hommes ont été libérés sous conditions le même jour.
Le SPVM ajoute avoir saisi divers objets au cours de la manifestation, notamment des pistolets à fusées traçantes et un canon artisanal, apparemment utilisés pour tirer des projectiles en flamme en direction des policiers.
De son côté, le Collectif opposé à la brutalité policière soutient que ce sont les policiers qui ont ouvert les hostilités, en mettant tout en œuvre pour faire déraper une manifestation qui se voulait pacifique. «Avant même le début de la marche, les policiers se sont livrés à de l’intimidation en procédant à des fouilles abusives et en commettant des arrestations illégales», a expliqué la porte-parole Sophie Sénécal, au lendemain de la manifestation.
La COBP disait aussi mener sa propre enquête pour déterminer si des agents doubles de la police avaient eux-mêmes mis le feu aux poudres.
Durant la manifestation, des policiers déguisés et infiltrés parmi les manifestants ont procédé à plusieurs arrestations. Démasqués, un groupe d’entre eux a même été chassé à coup de pierre par des manifestants en colère, lorsque le cortège a traversé le parc Raymond-Préfontaine, dans Hochelaga-Maisonneuve.
Interrogé sur l’implication «d’agents provocateurs ou agitateurs» de la police dans cette manifestation en début de semaine, l’inspecteur-chef à la division de la planification opérationnelle du SPVM, Sylvain Lemay, n’a pas confirmé l’usage d’une telle tactique.
Dans l’espoir de mettre un frein aux débordements qui font les manchettes chaque année, l’inspecteur-chef Lemay a affirmé vouloir rencontrer les organisateurs de la marche.
Leur presse (Hugo Meunier, La Presse), 18 mars.
L’intimidation policière dénoncée
«Sabotage ?», «provocation ?», «arrestations illégales ?», «fouilles abusives ?», «intimidation ?» : c’est en ces termes que le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) a décrit le comportement des policiers lors de sa manifestation annuelle, qui a une fois de plus tourné au vinaigre, lundi, dans les rues de Montréal.
Au lendemain du désormais traditionnel jeu du chat et de la souris entre policiers et manifestants — qui s’est soldé cette année par cent arrestations —, le Service de police de la ville de Montréal a affirmé de son côté qu’il souhaitait rencontrer les organisateurs de la marche. Leur objectif : mettre un frein aux débordements qui font les manchettes chaque année.
Comme d’habitude, les policiers ont essuyé une pluie de projectiles — bouteilles de bière, briques, pierres — avant de sortir leurs matraques.
Le COBP soutient que ce sont les policiers qui ont commencé les hostilités en mettant tout en œuvre pour faire déraper une manifestation qui se voulait pacifique. «Avant même le début de la marche, les policiers se sont livrés à de l’intimidation en procédant à des fouilles abusives et en commettant des arrestations illégales», a expliqué mercredi la porte-parole Sophie Sénécal, qui dit avoir fait le nécessaire pour éviter les débordements, notamment en appelant manifestants au calme.
Le COBP a aussi accusé les policiers d’avoir empêché les manifestants d’accéder à la station de métro Préfontaine, près de l’endroit où l’escouade antiémeute a pris en souricière plusieurs participants.
La COBP dit par ailleurs mener sa propre enquête pour déterminer si des agents doubles de la police ont eux-mêmes mis le feu aux poudres.
Selon le collectif, les dérapages annuels ne minent en rien la raison et la crédibilité de la manifestation. Bien au contraire, puisque les gens y participent plus nombreux chaque année, a souligné la porte-parole.
Rencontré hier matin, l’inspecteur-chef à la division de la planification opérationnelle du SPVM, Sylvain Lemay, s’est montré dans l’ensemble satisfait de l’opération policière de la veille. Échaudée par les débordements de l’an dernier, alors que 221 personnes avaient été arrêtées, la police a rapidement circonscrit la manifestation de cette année.
Aux yeux de l’inspecteur-chef Lemay, la police et les organisateurs auraient avantage à discuter ensemble du fond du problème.
Des quelque 800 manifestations organisées chaque année dans les rues de Montréal, celle de la COBP est la seule dont les organisateurs refusent de fournir l’itinéraire à l’avance, a déploré l’inspecteur-chef, qui croit néanmoins qu’empêcher cette manifestation constituerait une atteinte à la liberté d’expression.
Les personnes arrêtées hier ont été accusées d’avoir participé à un attroupement illégal, de méfaits et de voies de fait armées contre des policiers. Des accusations de nature criminelle ont été portées contre 17 d’entre elles ; les autres visent des entorses à des règlements municipaux.
Leur presse (Hugo Meunier, La Presse), 16 mars.
Manifestation contre la brutalité policière : Beaucoup d’arrestations, peu d’accusations
Parmi les cent participants à la manifestation contre la brutalité policière arrêtés lundi à Montréal, seulement une poignée aura à répondre de ses actes devant les tribunaux.
Sur la centaine d’individus arrêtés par le Service de police de la Ville de Montréal, pas moins de 83 s’en sont tirés avec des constats d’infraction pour avoir troublé l’ordre public ou avoir participé à un rassemblement illégal, en vertu des règlements municipaux.
Les 17 autres (14 adultes et 3 mineurs), devraient, au cours des prochaines semaines, faire face à des accusations criminelles de méfait, de voies de fait armées sur un policier ou d’avoir participé à un attroupement illégal.
Sur les 17 accusés, quinze ont été remis en liberté sous promesse de comparaître par voie de sommation alors que deux ont comparu lundi en Cour municipale, mais pour des dossiers antérieurs.
Fait à noter, aucun des individus arrêtés n’a passé la nuit de lundi à mardi derrière les barreaux.
Rappelons que le SPVM s’est dit satisfait de l’opération de lundi, tout en déplorant le manque de collaboration du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), qui organisait la manifestation.
Le groupe avait en effet refusé de remettre l’itinéraire de la marche aux autorités, comme c’est généralement la coutume.
Pour sa part, le COBP accuse la police de s’être livrée à des actes de provocation et d’intimidation à l’endroit des manifestants.
Au cours de l’événement, qui se déroulait aux environs du métro Pie-IX, plusieurs vitrines ont été fracassées et divers objets ont été lancés en direction des policiers.
Leur presse (Jean-Philippe Arcand,
Agence QMI), 16 mars.
Des manifestants dénoncent la brutalité policière, une centaine sont arrêtés
La police de Montréal a rapidement circonscrit la manifestation contre la brutalité policière, lundi. Échaudées par les débordements de l’an dernier, les autorités étaient prêtes à toute éventualité.
Selon nos sources, quelque 400 policiers ont été déployés, un effectif comparable à celui des années antérieures. Ils avaient toutefois reçu la directive d’intervenir plus rapidement en cas de grabuge pour éviter que la situation ne dégénère. La stratégie semble avoir porté ses fruits. À 19h30, soit deux heures après le début de la marche, les manifestants étaient dispersés et la police considérait avoir la situation en main.
«Compte tenu de ce qui s’était passé en 2009, le bilan est quand même positif cette année, tant au niveau des arrestations que des dommages», a indiqué le sergent Ian Lafrenière, responsable du module des relations médias du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Les policiers ont procédé cette année à deux fois moins d’arrestations que l’an dernier. En fin de soirée, 100 manifestants avaient été appréhendés, contre 221 en mars 2009.
Parmi eux, 17 feront face à des accusations de nature criminelle pour voies de fait, méfaits, agressions armées sur un policier et voies de fait sur un agent de la paix.
Rappelons que l’an dernier, la manifestation s’était déroulée dans une atmosphère tendue en raison de la mort de Fredy Villanueva, ce jeune homme abattu par un policier en août 2008 dans un parc de Montréal-Nord. Des manifestants avaient vandalisé des voitures et des vitrines de commerce au centre-ville et près du métro Mont-Royal.
Point de rendez-vous : l’Est
Pour cette 14e marche, le Collectif opposé à la brutalité policière avait donné rendez-vous aux participants devant la station de métro Pie-IX, à côté du Stade olympique.
«On a choisi l’est de la ville parce qu’on voulait dénoncer la répression policière contre les pauvres, notamment les prostituées», a expliqué l’un des organisateurs, François Du Canal.
À 17 heures, les policiers étaient postés un peu partout autour de la station, et même sur le toit d’un des édicules. Un hélicoptère du SPVM survolait la scène et l’escouade antiémeute était prête à intervenir quelques coins de rue plus loin.
Pour mieux contrôler la foule, les autorités ont ordonné la fermeture de la station de métro Pie-IX. Rappelons que l’an dernier, les manifestants avaient pris la police au dépourvu en s’engouffrant dans le réseau souterrain.
Avant le départ, les organisateurs ont lancé un ultime appel au calme. «Hochelaga-Maisonneuve est déjà un quartier magané, on devrait y penser à deux fois avant de tout péter», a dit un porte-parole aux manifestants, dont plusieurs portaient déjà une cagoule.
Le cortège a commencé sa marche en empruntant la rue Pie-IX en direction sud. Plusieurs personnes brandissaient des pancartes, dont certaines à l’effigie de Fredy Villanueva.
En chemin, quelques jeunes ont ramassé des briques et des roches sur un terrain privé. Rue Ontario, les premiers projectiles ont été lancés aux forces de l’ordre, qui se faisaient jusque-là plutôt discrètes.
Quelques manifestants ont allumé des feux d’artifice sous le regard des résidants qui observaient le spectacle de leur balcon.
La situation dégénère
La situation a commencé à dégénérer vers 18h15 à l’angle des rues Hochelaga et Préfontaine. Bombardés de projectiles de toute sorte, l’escouade antiémeute a décidé de charger.
Les policiers ont pris en souricière plusieurs manifestants devant le parc Raymond-Préfontaine. La plupart des manifestants ont déguerpi dans les ruelles lorsque les policiers ont lancé l’assaut.
Pendant ce temps, des manifestants ont reconnu une demi-douzaine d’agents doubles parmi eux. Encerclés et rudoyés, les policiers ont finalement sorti leur matraque pour repousser leurs assaillants.
Vers 18h45, des manifestants ont mis une remorque en feu au milieu de la rue Saint-Germain, non loin de Sherbrooke. Une résidante du quartier encourageait les jeunes vandales tout en gardant un œil sur les deux voitures garées dans son stationnement.
En chemin, des jeunes ont jeté des bacs de recyclage dans la rue Rachel et lancé des pierres sur des autobus de la Ville. Vers 19 heures, les policiers ont dispersé le dernier noyau de manifestants près du métro Pie-IX.
«Chaque année, nous sommes de plus en plus contrôlés par les policiers, a déploré Antoine Bouchard, un étudiant de 23 ans. S’il n’y avait pas autant de policiers, il n’y aurait pas autant d’agressivité.»
Leur presse (Hugo Meunier & Catherine Handfield,
La Presse), 15 mars.