La cité du Luth (Gennevilliers, 92) cet après-midi juste avant le couvre-feu
Témoignage reçu : cité du Luth (Gennevilliers, 92)
Pas de «guerre de gangs» entre Gennevilliers et Asnières. C’est une embrouille à la con entre jeunes de 15-17 ans, pour un regard, de la rivalité bête. Pas une histoire de drogue, pas une «guerre» qui dure depuis des années, comme on nous gonfle avec.
Devant le métro «Les Courtilles», ligne 13, plein de CRS, des cars, boucliers, robocops. Dans les rues de la cité, beaucoup de monde, des groupes de «grands frères» discutent, des groupes de cinq, de vingt personnes. C’est très inhabituel. Opinion générale, c’est de la connerie, on veut pas se battre entre nous. Une critique : pourquoi les parents laissent dehors les gamins dans la nuit, plein de gamins de 13-14 ans sont déscolarisés. En même temps le «couvre-feu» décrété à partir de ce soir par les maires de Gennevilliers (PCF) et d'Asnières (PS) (les tracts de la mairie sont distribués) n’arrange rien, c'est une opinion très majoritaire. Certains «grands» préparent une réunion entre les «grands» de Gennevilliers et ceux d'Asnières («on se connaît») pour discuter, en dehors des structures officielles, comment arrêter les choses, ça va être difficile car il y a un mort que les jeunes d’Asnières voudront venger. Les grands frères sont dans la rue ce soir, spécialement mobilisés pour empêcher que ça ne dégénère. Les voitures de flics tournent, opinion quasi générale : l’apparition des brigades de sécurité territoriales n’a fait qu’exciter les gens. Plusieurs déplorent la dégradation de la cité par rapport au «bon vieux temps», c’est pour dire. Quand il y avait encore des magasins, des restos, le penny-market, des chinois… un petit centre commercial avec les chibanis qui discutaient devant. Aujourd’hui il ne reste que la pharmacie, le café… On coupe les barres d'immeubles, on fabrique un chemin direct entre le commissariat et la cité, le métro est arrivé au Luth, bientôt le tramway, on chasse les pauvres. La mairie de Gennevilliers rend invivable la cité pour que les pauvres partent, ensuite on rénovera pour les riches.
Une vie : un gars de 35 ans, cinq enfants, technicien d’entretien, son salaire ne lui suffit pas pour vivre, son loyer HLM a monté en 9 ans de 400 à 900 euros, il est obligé de prendre un deuxième job la nuit comme agent de sécurité. «Je galère dit-il, mais Sarkozy dépense 250'000 euros rien qu’en fleurs fraiches, il ne faut plus élire un avocat, mais des gens sans étiquette qu’on connaît.»
Les gens sont d’accord : le fait que les médias, le gouvernement gonflent cette histoire fait partie de l’offensive sécuritaire, anti-immigrés, anti-arabes, anti-islam. «S’il n’y avait pas le Japon, la cité serait sur les premiers pages.»
Infozone, 16 mars 2011.