"Je pisse debout sur l'identité nationale"

En tant qu’individu.e.s féministes queer trans’ pédés gouines, nous, UrbanPorn, revendiquons l’action menée le 22 février 2010, place Jeanne d’Arc à Lille.
Loin d’être une insulte, une profanation ou une dégradation, notre action politique et ludique s’est attachée à déplacer l’approche conservatrice, racialisée et patriotique des débats sur l’identité «nationale».
Intervenir sur des représentations symboliques permet de visibiliser et d’affirmer nos identités dans un paysage culturel et politique teinté de transphobie, d’homophobie et de sexisme.
Nous avons ainsi proposé une lecture queer de la figure de Jeanne d’Arc comme alternative à celle communément répandue…
Butch ? Asexuelle ? Pédé.e ? Trans’ ? Gouine ? Qui sait ?!!
Qui détermine nos identités ? Qui décide de ce que nous devrions être ? Et pourquoi d’autres que nous-mêmes devraient en décider ?
Nous considérons que les identités de sexe, de genre, de classe et de race n’existent pas par nature ou par essence mais qu’elles sont construites culturellement, politiquement et socialement. Nous ne nous reconnaissons pas dans celles qui sont véhiculées par les images et discours normatifs hégémoniques, nous ne sommes pas tou.te.s les mêmes. Cette catégorisation des individu.e.s a pour conséquence de créer un système figé, binaire et excluant. Alors que les identités sont poreuses et complexes !
Nos identités sont bien plus que nationales ! Nous ne voulons pas d’une assimilation républicaine obligatoire. Nous ne voulons pas de l’hétérosexualité obligatoire.
Nous, trans’ pédés gouines queer, revendiquons nos différences. Arrêtons de dire que ce que nous faisons de nos culs n’appartient qu’à la sphère privée.
Nos sexualités sont politiques, nos corps sont politiques, nos actions sont politiques.
Nous remercions donc Jeanne d’Arc de nous avoir permis de proposer cette action sur la place publique…
Collectif UrbanPorn, 4 mars 2010.
Statue de Jeanne d’Arc en rose : un collectif revendique l’action, «politique et ludique»
Mystère levé. On ignorait qui avait déguisé en rose la statue de Jeanne d’Arc, place du même nom rue Solférino, le 22 février. Elle avait aussi été parée de pancartes avec des slogans crus pro-LGBT (lesbiennes, gays, bis, trans) teintés d’ironie sur le débat de l’identité nationale.
Réponse par mail jeudi du collectif UrbanPorn : «En tant qu’individu.e.s féministes, queer, trans’, pédés, gouines, nous revendiquons l’action.» Sur leur site, on peut voir une vidéo de cette initiative menée de manière festive et avec un humour provocateur, comme ce phallus rose posé entre les cuisses de Jeanne d’Arc : «Loin d’être une insulte, une profanation ou une dégradation, notre action politique et ludique s’est attachée à déplacer l’approche conservatrice, racialisée et patriotique des débats sur l’identité “nationale”.»
Le symbole n’a bien sûr pas été choisi au hasard : «Nous avons proposé une lecture queer de la figure de Jeanne d’Arc comme alternative à celle communément répandue.» Sur le fond : «Nous considérons que les identités de sexe, de genre, de classe et de race n’existent pas par nature ou par essence mais qu’elles sont construites culturellement, politiquement et socialement.» Cette démarche a été diversement appréciée par les associations LGBT, montrant des divergences, au moins sur la forme. Sollicités, les Flamands Roses nous renvoient vers un communiqué internet où ils saluent «une contribution intéressante au débat d'idées (…) Nous, les homos et trans, avons de toute façon une mauvaise image dans cette société globalement homophobe et transphobe. Nous luttons pour changer cette société et nous n’avons que faire de donner une bonne image de nous-mêmes.»
«Contre-productif»
Discours aux antipodes de l’Égide, structure régionale regroupant 24 associations : «Je trouve cela sans intérêt et contre-productif. Ça dessert le mouvement LGBT, explique Christelle Olivier, présidente de l’Égide. Je ne nie pas l’homophobie mais on ne peut pas affirmer que la société est majoritairement homophobe et transphobe. Elle évolue, mais certainement pas avec ce genre d’action. Le riverain, le passant, que voulez-vous qu’il comprenne à cela et à des phrases comme “godes save the queers” ? S’il s’agissait de réveiller les consciences, c’est raté. L’objectif, c’était plutôt de chercher à faire parler d’eux.» Elle observe : «C’est encore une fois la mouvance extrême-gauche, anarchiste-libertaire.» À ces actes spectaculaires, Christelle Olivier préfère se «rapprocher des personnes d’influence pouvant servir notre cause». Une méthode plus soft : «On a des façons d’agir différentes, mais au fond on lutte tous contre la même chose.» L’Égide ne portera finalement pas plainte.
Leur presse (B. DU., La Voix du Nord), 6 mars 2010.