Face à la stratégie répressive de l'État

Publié le par la Rédaction

Depuis le début du mouvement sur les retraites, l’État a réagi de manière très répressive. Dès les premières manifestations, le moindre débordement, le moindre jet de bouteille, a donné lieu à des charges de CRS, des gaz lacrymos, des arrestations, des comparutions immédiates, des condamnations. Dès le 23 septembre, des ouvriers ont été arrêtés à Saint-Nazaire, et depuis, les condamnations, les mises à pied, les sanctions et les menaces pleuvent contre les travailleurs qui prennent part à des actions de blocage. Depuis le début du mouvement lycéen, les arrestations et les condamnations pleuvent, et il y a déjà eu plusieurs blessés. Il s’agit d’une stratégie répressive déterminée. Quiconque a l’expérience des manifestations sait que des CRS peuvent rester des heures sous une pluie de projectiles sans broncher, tant qu’ils n’ont pas reçu d’ordres. Leurs méthodes actuelles sont le fruit d’une stratégie déterminée, mise en œuvre par des professionnels, décidée au plus haut niveau de l’État.

 

Bien sûr, ils font face à un phénomène nouveau, qui est la radicalité du mouvement lycéen. Dans les petites villes ouvrières, confrontées à un chômage massif, les manifestations lycéennes sont très dures, tournant presque à l’émeute. Les lycéens entrent dans le mouvement comme de futurs précaires, comme partie de la classe ouvrière, et pas du tout sur des questions éducatives comme jadis. Mais cela ne suffit pas à expliquer la répression, qui n’est pas simplement une réaction excessive à quelque chose de neuf. C’est la forme d’action normale d’une police formée dans la perspective des émeutes généralisées et de la guérilla urbaine.

 

Cette répression frappe aussi les usines en grève. Les CRS sont intervenus à plusieurs reprises dans les raffineries, pour débloquer des voies de chemin de fer occupées, et on risque de les voir encore à l’œuvre, avec leur équipement de plus en plus performant, face aux blocages économiques. Or, le problème, du point de vue des travailleurs, c’est la disproportion entre les moyens employés par la police et ceux employés par les ouvriers en grève ou les lycéens qui manifestent. Quelques canettes, des boulons, des projectiles improvisés, face à des hommes en armure, avec des blindés légers… C’est encore plus vrai dans les actions de blocages que nous menons chaque matin ou presque : les policiers sont face à nous, suréquipés, et il n’y a pas d’autre moyen que de plier bagages si nous voulons éviter les interpellations ou les violences policières.

 

Le mouvement se considère, même lorsqu’il se radicalise, comme légitime et somme toute, comme l’expression réelle de la démocratie — comme le dit le slogan «La vraie démocratie, elle est ici», qu’on entend souvent dans les manifs. Pire, il tend à croire que l’État émane de lui, bien que chaque mot, chaque acte du gouvernement lui démontre le contraire quotidiennement. La société est désarmée, dans tous les sens du mot, face à la violence répressive de l’État. Elle veut croire à la démocratie, là où elle ne rencontre que la guerre de classe dans toute sa cruelle rigueur.

 

Pour le mouvement social, c’est une grande faiblesse, car il n’est pas du tout préparé à affronter la répression. Il existe des dispositifs de solidarité pour les personnes emprisonnées, des informations pour affronter la répression, convergent autonomes et juristes. Mais il n’existe pas une culture généralisée, au sein du mouvement social, de la résistance à la répression, pour ne rien dire des capacités à résister effectivement face aux coups durs (protéger une raffinerie en grève, par exemple) ou à mener l’offensive (occuper un bâtiment, mener une action coup-de-poing sans faire prendre de risques inutiles aux personnes impliquées). Résultat, lorsque de telles opérations sont décidées, elles mettent en danger les participants, ou sont vouées à l’échec dès que l’État adopte une attitude répressive, dès qu’il cesse de les tolérer. Dans ces conditions, le mouvement social court à la défaite sitôt qu’il affronte, comme c’est le cas aujourd’hui, un pouvoir déterminé, droit dans ses bottes, prêt à briser la classe ouvrière par tous les moyens.

 

Créer, diffuser cette culture de la défense et de l’action bien organisée, capable de protéger et de mener à bien les objectifs décidés sans craindre la police, fait partie des tâches des communistes. Notre objectif, clair et avoué, est le renversement de l’État capitaliste et la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Nous ne pensons pas qu’il suffise d’une grève générale pour cela, même si cela y contribue. On nous parle souvent de révolution, mais en faisant un mot creux, un rêve lointain, quelque chose qui n’a pas de réalité concrète. C’est irresponsable, comme façon d’aborder les choses. Au contraire, nous pensons qu’une révolution est quelque chose de possible, de concret, qui se prépare et qui passe par l’affrontement armé avec le pouvoir — parce que celui-ci ne nous fera pas le plaisir de tomber tout seul. Aujourd’hui, l’État prépare sa police, son armée, à la guerre civile. Nous ne pouvons pas nous y soustraire. C’est la leçon de toutes les révolutions du passé, c’est l’expérience quotidienne des luttes sociales. Mettre la question au cœur du débat, sans édulcorer, sans passer sous silence les véritables questions que cela pose, c’est avoir une attitude responsable et claire, et c’est une première étape.

 

Nicolas Dessaux
Communisme-ouvrier no 3, 6 novembre 2010.

 

 

Publié dans Colère ouvrière

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