Divers communiqués de Poitiers

Publié le par la Rédaction

Communiqué pour les concerts de soutien de Rennes et Saint-Nazaire

Le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux — collectif d’individus soutenu par des syndicats et des partis politiques (les Alternatifs Poitiers, les Verts-Vienne, le Nouveau parti anticapitaliste, l’Organisation communiste libertaire, le Parti de gauche 86, la section de Poitiers du Parti communiste français, SUD Éducation 86, SUD Étudiants Poitiers et l’Union locale Poitiers CNT) — dénonce l’actuelle escalade de la répression et de la criminalisation des mouvements sociaux.

Cette répression et cette criminalisation n’ont pas commencé, ni ne se sont terminées, le 10 octobre 2009 à Poitiers. Et elles n’existent pas seulement dans cette ville : partout en France et dans les autres pays occidentaux, le pouvoir provoque, harcèle, pourchasse et poursuit — notamment grâce à son arsenal de lois sécuritaires et par le biais de sa police comme de sa justice — les acteurs et actrices de mouvements sociaux afin de les dissuader de s’engager, ou de les punir pour s’être engagés sur le terrain politique.

La liste de ces menées sécuritaires ne cesse de s’allonger depuis des années. Quelques exemples : condamnations très lourdes, jusqu’à quinze ans de prison ferme, pour des militants opposés au G8 à Gênes en 2001 ; acharnement policier et judiciaire, avec interpellations musclées et gardes à vue prolongées dans l’«affaire» de Tarnac ; condamnation des militants anti-Otan de Strasbourg à trois ans de prison ferme ; répression et arrestation de lycéens à Reims, Dijon et Rouen en novembre dernier ; rafles, persécution, expulsion et déportation de «sans-papiers» en tous lieux ; répression des Conti, dont six sont de nouveau passés en justice le 13 janvier à Amiens ; répression à EDF-GDF Suez, où 240 salariés sont sous le coup de sanctions allant jusqu’au licenciement pur et dur…

Concernant Poitiers, nous pouvons parler de la condamnation des militants lycéens du 6 juin 2008 ; et, depuis, de l’acharnement policier et judiciaire contre les jeunes militants, dont huit ont été jugés et condamnés pour des dégradations. Cet acharnement policier et judiciaire a connu son point fort le 10 octobre 2009. Une centaine d’arrestations — pour la plupart opérées plusieurs heures après les incidents qui s’étaient déroulés durant la manifestation anticarcérale organisée ce jour-là — pendant la rafle au lieu culturel appelé «23», durant laquelle les militants sont restés plus de quatre heures accroupis les mains sur la tête. Dix-huit gardes à vue, huit procès en comparution immédiate, et trois autres procès pour refus de prélèvement ADN et outrage. Une justice expéditive et arbitraire infligeant des peines disproportionnées. Ça a continué lors de la manifestation du 17 octobre, avec l’arrestation de trois personnes dont l’une a été auditionnée depuis pour outrage au procureur.

Il y a également la présence policière aux abords des établissements scolaires, et même à l’intérieur, pour empêcher les blocus, avec son lot de brutalités — une élève a dû être hospitalisée car elle a eu la main écrasée par la botte d’un policier, une plainte est en cours — et plusieurs arrestations. Et la répression continue encore aujourd’hui avec l’arrestation et la garde à vue d’un jeune militant soupçonné d’avoir arraché une pub.

Sont particulièrement visés tous ceux que la bourgeoisie considère comme des classes dangereuses : les jeunes à qui l’on doit faire peur pour éviter qu’ils se politisent ; les SDF, les chômeurs et les précaires ; les salariés dans les entreprises qui tentent de résister au patronat ; les fils et filles d’immigrés victimes d’un racisme d’État sans précédent ; les immigrés, avec ou sans papiers, considérés comme du bétail qu’il faut expulser ou exploiter.

La lutte antirépression ne peut pas se contenter d’une «défense passive» ou juridique au cas par cas ; elle doit prendre en compte tous les paramètres des situations politique, sociale et économique actuelles, et considérer que ce qui se passe actuellement n’est nullement une «dérive» mais bel et bien la poursuite d’une logique destinée à assurer la paix sociale.

C’est pour toutes ces raisons que le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux soutient sans distinction tous les militants et militantes inculpés et condamnés.





Pourquoi les forces de l’ordre étaient-elles si nombreuses mercredi en fin d’après-midi et jeudi matin à Poitiers ?

Nous pouvions lire dans la NR du 15 janvier 2010 : «Que ce soit aux abords du palais de justice ou à proximité de Notre-Dame-la-Grande, les fourgons bleus et blancs de la police ne sont pas passés inaperçus. À leur bord, plusieurs dizaines d’hommes, bien équipés, ont stationné jusqu’à hier midi pour “sécuriser” le procès en appel des événements du 10 octobre.»

En ces temps de frénésie sécuritaire nous avons entendu le bruit de bottes pendant deux jours dans Poitiers en quasi état de siège : quadrillage de la ville, omniprésence voyante et outrancière des forces de l’ordre, contrôles au faciès, demande de suppression des photos des appareils photos, pléthore de policiers en civil dans la manifestation et qui ont suivi les groupes de militants après la dispersion. Deux d’entre nous ont pu échanger quelques mots avec l’un d’eux : «Vous ne trouvez pas que ce déploiement des forces de l’ordre est excessif ?» lui avons-nous demandé. «Vous ne trouvez pas que casser des vitrines est excessif ?» a t-il répondu. «Ah bon, il y a eu des vitrines cassées ce soir ?» lui a-t-on dit.

Cet échange de paroles n’est-il pas indicatif de ce qui se tramait mercredi soir ? Était-ce la peur des manifestants et des actions qu’ils auraient pu mener qui mobilisait tous ces policiers ? Pourtant il était évident que l’appel à se rassembler devant le Palais de justice émanait du Collectif Justice pour tous et du Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux, Comité soutenu par des associations, des syndicats et des partis politiques. Les Alternatifs Poitiers, les Verts-Vienne, le Nouveau parti anticapitaliste, l’Organisation communiste libertaire, le Parti de gauche 86, la section de Poitiers du Parti communiste français, SUD Éducation 86, SUD Étudiants Poitiers, l’Union locale Poitiers CNT, la Ligue des Droits de l’Homme et les élus présents auraient-ils vraiment pu mercredi soir «casser des vitrines» ? Soyons sérieux. Ne s’agissait-il pas alors ici comme ailleurs non seulement de dissuader les acteurs et les actrices de mouvements sociaux afin qu’ils hésitent de s’engager sur le terrain politique, mais de criminaliser les militants politiques ?

Cela est symptomatique de l’esprit du temps. Durant la manifestation du 17 octobre 2009 les élus de la République ont été enfermés avec les autres manifestants dans le parc et Blossac et humiliés par les forces de police. À Catherine Coutelle qui, souhaitant parlementer avec le directeur départemental de la sécurité publique, se présentait en tant que député, un fonctionnaire de police a répondu : «J’en ai rien à foutre.» Et à Yves Jean qui se présentait comme adjoint au maire de Poitiers, un autre a répondu : «Et alors ?» C’est pour cette raison que les conseillers municipaux adjoints au maire de Poitiers ont manifesté le 19 octobre avec leur écharpe tricolore et ont distribué une déclaration solennelle malheureusement pas assez explicite. Si même les élus sont traités comme des chiens, que penser du comportement des forces de l’ordre envers les militants politiques qui n’ont pas de mandat électoral ou qui refusent toute compromission avec le système électoraliste ?

S’il y avait autant de policiers à Poitiers avant et pendant les jugements de jeudi 14 janvier, n’était-ce pas aussi une manœuvre pour faire croire que les condamnés étaient bien ceux qui avaient agi, qu’ils avaient eu ce qu’il méritaient et qu’ils devaient même être encore plus punis ce qui est cohérent avec les demandes encore plus démesurées que lors du procès en comparution immédiate de l’avocat général ? Espérons que la justice ne tombera pas dans un piège aussi grossier et que Maître Brunet se trompe lorsqu’elle dit «Cinq relaxes d’un coup ? Ce sera délicat. Car comment des magistrats pourraient-ils désavouer la police ?» (NR du 15 janvier 2010). Observons que les cinq affaires se ressemblent : les preuves manquent et tout repose sur les seuls témoignages des policiers. Les cinq condamnés : militants politiques, fils d’un élu PS de la ville de Poitiers, travailleurs précaires, marginaux, sont aussi pour ainsi dire tous connus des services de police. La police et le procureur savaient donc pertinemment qui ils poursuivaient.

Et puis, il y a eu des précédents. En particulier Rodolphe Juge, ce jeune professeur parisien qui était allé le 3 avril 2008, encadrer les lycéens à une manifestation et qui s’est trouvé accusé par les policiers de leur avoir lancé un caillou. Il a été poursuivi pour «violence aggravée» et «insulte» (cf. l’Humanité du 8 avril 2008). Il a heureusement été relaxé lors de son procès du 24 septembre 2008 (cf. l’Humanité du 24 septembre 2008). Il faut préciser qu’il a eu la chance que le ministre de l’Intérieur ne soit pas intervenu après son interpellation et que la procureur a bien fait son travail.

Jean-Francois Chazerans - Comité poitevin contre la répression
des mouvements sociaux, 26 janvier.


Message à caractère informatif

Mesdames, messieurs les condés,
Nous tenons à nous adresser à vous, garant(e)s de l’ordre, de la justice et de la paix sociale, pour vous avertir de la menace qui plane au-dessus de vos têtes.

En effet jusqu’à présent vous n’avez pas eu à répondre de vos papinades [n.f. (de Jean-François Papineau, actuel sheriff de la Commune de Poitiers), action policière fondée sur l’utilisation de la force répressive tous azimuts, très souvent en dépit du bon sens] post-10 octobre. L’abasourdissement l’ayant emporté sur la colère, celle-ci n’a pu réagir aux incarcérations et aux poursuites que vous avez ourdies. Vous avez admiré au contraire les démonstrations d’indignation régulées par les politicards locaux, par vos chien(ne)s de garde (gendarmes mobiles, bakeux et autre bouchers en uniformes) et relayées par vos journa-flics.

Mais, alors qu’à l’horizon se profile la menace de nouveaux enfermements pour conclure vos procès-spectacles, nous pouvons d’ores et déjà vous prédire la suite des évènements.

Car soyez bien certain(e)s que si vous emprisonnez encore un(e) seul(e) d’entre nous, vous ne récolterez plus de gesticulations geignardes. Il n’y aura pas de «Justice pour tous», de «Tous pensants, tous coupables» et de «Libérez nos camarades» braillés dans des mégaphones.

La rage se mesurera à l’aune de votre violence légale, les coups seront rendus n’ayez crainte. «Une attaque contre un(e) est une attaque contre tou(te)s» disent les wobblies. Prenez garde à celles et ceux sur qui ne tombera pas votre sanglant couperet.

À bientôt.

«Considère-moi comme une bombe,
dont tu as allumé la mèche…»

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