Deux relaxes et des tags à Poitiers

Menaces de mort et insultes contre la police, messages anticapitalistes… Les murs du centre-ville de Poitiers étaient couverts de tags, hier matin.
Au cours de la nuit de lundi à mardi, une vingtaine de tags ont été tracés à la bombe de peinture rouge sur des façades du centre-ville. Pas n’importe lesquelles. Les cibles sont symboliques : banques et institutions.
Et les invectives désignent trois cibles : le directeur de la police et le maire de Poitiers, les policiers de la BAC et les banques. Le message reprend une thématique nationale sur des banques soupçonnées de dénoncer des sans-papiers. Ce sont ces mêmes banques qui avaient été ciblées par des dégradations à l’acide début février.

Gommage express
Les tagueurs y sont allés au culot, traçant des inscriptions de grande taille sur la façade de la mairie, le commissariat, le palais de justice, plusieurs banques et divers murs du plateau.
L’équipe des effaceurs de tags de la mairie s’est mise à l’œuvre très rapidement, hier matin mais de manière ciblée, sur les bâtiments publics. Elle a gommé dare-dare le tag de la façade — «Claeys Papineau même combat» — associant le maire de Poitiers et le patron de la police. Juste derrière, le même patron de la police est comparé à Pétain quand il n’est pas directement menacé de mort sur d’autres murs ainsi que les fonctionnaires de la BAC.
L’ampleur de la vague de tags a nécessité, sinon du temps, du moins un nombre suffisamment important de petites mains. Elles sont passées au travers des mailles du filet policier. Personne n’a été interpellé, confirme le parquet de Poitiers.
Une enquête a été ouverte sur ces inscriptions qui s’affichent en grand pour la première fois dans le centre-ville. Elles font écho aux tensions qui existent, depuis le 10 octobre dernier, entre la police et des militants poitevins, dont certains ont choisi ce nouveau mode de provocation.
Hier, deux jeunes femmes passaient en justice (lire page 6) pour avoir refusé le prélèvement ADN lors de la vague d’interpellations qui a suivi les violences commises à Poitiers après la manifestation anticarcérale du 10 octobre 2009.

utilisée lors de la manif du 10 octobre.
Silence radio des autorités et du maire
«En parler c’est donner encore un écho à ces inscriptions. C’est exactement ce qu’ils recherchent. C’est devenu leur nouveau jeu», relève un policier. Faut-il pour autant passer sous silence des inscriptions qui barrent de nombreux murs du centre-ville et qui, fait aggravant, profèrent des menaces de mort directes ? Les faits durent depuis plusieurs mois et ciblent plus particulièrement le patron de la police. Les inscriptions, d’abord confidentielles, deviennent de plus en plus visibles. Elles s’affichent désormais jusque sur le commissariat ou la mairie. Difficile de ne pas réagir. C’est pourtant le choix des autorités malgré la gravité des propos tenus. Le préfet, représentant de l’État et garant de l’ordre public, n’a pas souhaité réagir à notre sollicitation. Le directeur de la police non plus. Il avait déjà fait savoir qu’il portait plainte à chaque attaque. Quant au maire de Poitiers, il renvoie à un précédent communiqué qui rappelait à chacun ses responsabilités.

Un commissaire menacé à Montpellier
Le commissaire Desmartin, en poste à Poitiers lors des violences du 10 octobre, est désormais en fonction à Montpellier. C’est dans cette ville qu’il a été la cible, la semaine dernière, d’inscriptions menaçantes de la même veine que celles retrouvées hier matin à Poitiers. Les inscriptions sont attribuées, de source policière, à des Poitevins venus participer à un rassemblement baptisé la Journée des Gueux. Une manifestation émaillée par des incidents entre les festivaliers et la police locale.
Leur presse (Emmanuel Coupaye,
Centre-Presse), 24 février 2010.




Elles avaient refusé de donner leur ADN
Parce qu’elles ont refusé de donner leur ADN après la manif du 10 octobre, Angélique et Sarah étaient jugées hier devant le tribunal correctionnel.
Salle comble au palais de justice. Une trentaine de sympathisants du comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux a fait le déplacement pour soutenir deux étudiantes de Poitiers en arts du spectacle : Angélique (20 ans) et Sarah (19 ans).
Le soir de la triste après-midi du 10 octobre (tags et vitrines cassées dans le centre-ville de Poitiers), elles sont interpellées place Jean-de-Berry par la police avec quatre autres personnes.
«Ce jour-là, tous les Poitevins pouvaient être interpellés»
Pendant leur garde à vue, les deux jeunes filles refusent de donner leur ADN. C’est pour ce délit qu’elles sont appelées à la barre du tribunal correctionnel. Car concernant les actes de dégradations, il s’avère rapidement qu’elles n’y sont pour rien. Elles l’ont répété hier. «J’étais toute l’après-midi au 23 (NDLR : collectif d’artistes située au 23, avenue de Paris) en train de préparer des sandwichs en vue du concert le soir», raconte Angélique. Sa copine Sarah reconnaît avoir «participé au début de la manifestation». Avant les incidents. Ensuite, elle a rejoint Angélique au 23. Quand la police les arrête, les deux étudiantes se dirigent vers la place Jean-de-Berry pour retirer de l’argent. Il est environ 19 heures. Contrairement aux quatre autres personnes interpellées, elles n’ont pas de lunettes de plongée dans leurs sacs, ni de fusée marine, ni de masque fabriqué avec une assiette en carton.
Mais par conviction, elles ont refusé le prélèvement de salive. Angélique a même dit non à la prise d’empreintes digitales et la photo de profil et de face. «Je ne voyais pas l’intérêt. D’un point de vue idéologique, je suis contre ce mode de fichage.» Même point de vue pour Sarah : «Je refuse de figurer dans cet immense fichier.»
Pas une machine à ficher les gens
Dans ses réquisitions, le procureur a tenu à préciser certaines choses : «Je ne vois pas une machine à ficher les gens sur le plan administratif.» Pour lui, c’est «un fichier judiciaire qui peut permettre un jour de solutionner des affaires. Il n’est pas destiné à ficher des gens en fonction de leur idéologie et fait l’objet d’une validation de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés).» Il réclame 300€ d’amende.
Philippe Brottier, l'avocat des deux jeunes filles, rappelle le contexte du samedi 10 octobre. «Ce jour-là, tous les Poitevins pouvaient être interpellés.» Pour lui, il n’y avait aucun «indice grave et concordant» justifiant leur interpellation.
À 20 heures, la décision tombe. Relaxe pour les deux étudiantes. Angélique est aux anges. «Je ne voyais pas d’autre décision que celle-ci. Pour nous c’est une victoire.»
Leur presse (Bruno Delion,
La Nouvelle République), 24 février.
Un débat citoyen contre les risques du fichage
À trois jours du procès de deux militantes poitevines ayant refusé un prélèvement ADN, un débat et des concerts étaient organisés hier à Poitiers.
C’est en 1953 qu'a été découverte la structure en double hélice de l’ADN ou acide désoxyribonucléique, rappelle Jean, en préambule du débat sur le fichage organisé à la Maison du Peuple de Poitiers. Et le jeune militant, qui a visiblement bien révisé le sujet, de poursuivre : «Aujourd’hui, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques — le Fnaeg — comporte plus d’un million et demi de profils ADN. Depuis sa création par le PS, quand Élisabeth Guigou était Garde des Sceaux, puis sa généralisation par un autre socialiste, Daniel Vaillant, en 2002, le fichage s’est élargi aux simples “atteintes aux biens” et le refus de prélèvement est désormais passible d’un an d’emprisonnement et de 15'000 euros d’amende ! En revanche, les auteurs de délits financiers et d’abus de biens sociaux échappent mystérieusement au fichage…»
Durant un bon quart d’heure, passant du «livret ouvrier» imaginé par Napoléon à la carte d’identité nationale mise en place sous le régime de Vichy, Jean a ainsi posé les bases du débat sur le fichage devant la quarantaine de personnes qui avaient osé pousser la porte de la salle Timbaud, en ce calme samedi après-midi de fin de vacances scolaires.
La parole est ensuite revenue à Sarah, co-organisatrice de cette journée qui est directement concernée par le sujet puisqu’elle doit comparaître mardi prochain devant le tribunal correctionnel de Poitiers.
«C’est un combat global»
Le 10 octobre dernier, en marge des événements violents ayant secoué le centre-ville, l’étudiante avait refusé de se soumettre à un prélèvement de son ADN, tout comme son amie Angel qui comparaîtra le même jour. «On a choisi cette date du 20 février, parce qu’elle s’insère entre le rendu d’appel de cinq des 18 interpellés du 10 octobre (N.D.L.R. : lire notre édition d’hier) et le procès de mardi, explique la jeune fille. C’est une façon de montrer que nous ne sommes pas les seules concernées. C’est un combat global : sur Poitiers, presque tous les militants sont touchés par la répression abusive.»
Le débat qui a suivi s’est finalement élargi aux rapports entre science et pouvoir, avant que les participants ne migrent vers la Maison de la Gibauderie où un repas convivial et cinq groupes de rock les attendaient. Histoire, comme le dit Sarah, de mettre «un peu de divertissement dans la lutte».
Leur presse (Laurent Favreuille,
La Nouvelle République), 21 février.




Poitiers : vague de tags insultants
Le centre-ville de Poitiers a été couvert de tags insultants au cours de la nuit. Des tags tracés à la peinture rouge et qui s’en prennent surtout à la police et à son directeur, ainsi qu’à la brigade anticriminalité. Le maire de Poitiers est aussi visé. Plusieurs tags, déjà effacés, ont été tracés sur les murs de la mairie. Le commissariat a aussi été visé. D’autres tags s’en prennent aux banques, le tribunal de grande instance a aussi été touché. Les patrouilles de police sillonnent le plateau, ce matin, pour recenser les inscriptions.
Leur presse (La Nouvelle République), 23 février.

Vague de tags insultants dans la nuit
Le centre ville de Poitiers a été couvert de tags insultants au cours de la nuit. Des tags tracés à la peinture rouge et qui s’en prenent surtout à la police et à son directeur, ainsi qu’à la brigade anti-criminalité. Le maire de Poitiers est aussi visé. Plusieurs tags, déjà effacés, ont été tracés sur les murs de la mairie. Le commissariat a aussi été visé. D’autres tags s’en prenent aux banques, le tribunal de grande instance aussi été touché. Les patrouillles de police sillonnent le plateau, ce matin, pour recenser les inscriptions.
Leur presse (Emmanuel Coupaye,
Centre-Presse), 23 février.

