Des "combattants illégaux" à Villiers-le-Bel ?
La cour d’assise de Pontoise (95) juge quatre personnes inculpées de «tentative d’homicide volontaire en bande organisée sur fonctionnaire de police en exercice», et une cinquième pour complicité. L’acte d’accusation est vide. Des ragots (par exemple des discussions entre détenus), des «témoins sous X» appâtés par une promesse de prime et/ou par la jalousie ou la haine, des «géo-localisations» de portables. C’est tout. Même pas l’ombre d’une «preuve criminelle».
Les accusés sont des jeunes gens connus de tous dans leur cité, souvent décrits comme des éléments modérateurs. Ils nient les accusations. Mais ces jours de novembre 2007, deux gamins sont morts écrasés par une voiture de police et des révoltes massives ont suivi. Il y a bien eu presqu’une centaine de policiers blessés par des projectiles d’armes à feu (mais seul l’un d’entre eux a pu bénéficier d’une ITT d’un jour). C’est une première.
Personne ne sait qui a tiré, et quant au fond, l’État préfère ne pas le savoir. Le pouvoir a choisi cinq jeunes gens dans un but précis : camoufler le fait que les habitants de Villiers-le-Bel, comme ceux d’autres quartiers populaires, sont capables de se révolter massivement et de prendre les armes contre les garants de l’ordre qui détruit leurs vies. C’est pour nous faire oublier cela que le gouvernement cherche à nous endormir avec son histoire d’émeute manipulée par quelques soi-disant «caïds».
Le «USA Patriot Act» permet au gouvernement des États-Unis d’enfermer indéfiniment dans ses prisons secrètes et camps, comme par exemple à Guantanamo ou Abou Ghraib, de torturer, d’assassiner ceux qu’il considère comme «terroristes» et nomme pour l’occasion des «combattants illégaux». Et tout ça sur la base d’une simple dénonciation, d’un soupçon … sans aucune preuve. Villiers-le-Bel n’est ni Bagdad, ni Kaboul. Pourtant l’État fait comme si. Il décide de déclarer la guerre, car c’est la seule manière de se débarrasser de tout cadre légal. Exiger la libération des «combattants illégaux» de Villiers-le-Bel n’est pas seulement une question de solidarité. C’est reconnaître aux opprimés un droit de se révolter et choisir son camp dans une situation de guerre.
Le procès de Pontoise vu depuis les bancs du public
Une énorme mise en scène où tout était joué par avance (comme lors des sinistres procès politiques staliniens commandités par le Bureau Politique du parti). Cérémonie en vue de bercer et droguer le public en semant le fol espoir comme quoi le «jury populaire» serait, malgré tout, obligé de rejeter la tricherie policière grossière et sans vergogne des «témoignages» à charge. Les peines allant de 3 à 15 ans prouvent qu’il n’en est rien. C’était une leçon politique cruelle, un condensé de la démocratie bourgeoise, où camouflée par le supposé «débat contradictoire» apparaît la logique froide et assassine de la raison d’État.
De la volonté d’atomiser la révolte
Saint-Dizier, le 4 octobre 2007, un homme accusé d’avoir giflé un policier est écroué, l’interpellé aurait subi des violences policières en garde-à-vue. Dans la nuit, le quartier du Vert-Bois est le théâtre d’affrontements avec la police, flics et pompiers caillassés, la MJC, l’Office Public HLM pris pour cibles. Le 16 octobre, quelques 120 policiers investissent le quartier, GIPN, PJ, CRS… 15 personnes sont interpellées en grande partie sur la base de témoignages sous X (même méthode que pour les inculpations de Villiers-le-Bel, deux rares exemples de l’utilisation de cette procédure mise en place en 2002 avec la loi dites «Perben 2»). Les faits d’abord classés comme «criminels» (assises) sont requalifiés, faute d’éléments, pour finir en correctionnelle. Le 15 juin 2010, 8 jeunes hommes, âgés de 20 à 27 ans, accusés de dégradations et de violences volontaires en réunion, sont condamnés à des peines allant de 1 an dont 6 mois ferme à 5 ans dont 4 ans ferme. Le parallèle avec Villiers-le-Bel est flagrant … même logique, même volonté de l’État d’atomiser la révolte.
Sous «X» c’est facile !
Prenez un store pour se cacher derrière, une caméra, une machine à déformer la voix, des indics et/ou des personnes que la police peut faire chanter, vos ennemis, des gens intéressés par la thune … et ça y est, vous avez un témoin à charge sous X parfait. Après il peut, sans aucune possibilité de contrôler ses accusations, raconter n’importe quoi. Le pouvoir ne lui cherchera pas de puces, il a fait son boulot, il a «légalisé» la décision, prise avant le procès, d’envoyer des gens en prison. Le verdict est tombé dans la nuit du samedi 3 juillet : 15 ans pour Adama et Abou Camara, 7 ans pour Ibrahima Sow, 3 ans pour Maka Kanté et Samuel Lamba Lamba.
Résistons ensemble no 88, juillet 2010
Contre les violences policières et sécuritaires.
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