Delenda est Carthago - 17 janvier
Des manifestants ont exigé lundi en Tunisie la dissolution du parti du président déchu Zine el Abidine Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD)
Ces manifestations, à Tunis et dans le centre-ouest du pays, sont intervenues alors qu'on attend à 15 heures l'annonce d'un gouvernement de transition où pourraient notamment figurer des membres de l'ancien gouvernement du président déchu ayant un profil technocratique.
«La révolution continue ! RCD dehors !», ont scandé à Tunis plusieurs centaines de manifestants réunis en deux groupes sur l'avenue Habib Bourguiba, l'un devant le théâtre municipal de Tunis, l'autre devant l'ambassade de France. «On ne veut personne du RCD dans le futur gouvernement, y compris le Premier ministre» actuel, Mohammed Ghannouchi, a déclaré à l'AFP un manifestant.
Des policiers anti-émeutes ont dispersé peu à peu ces manifestants à l'aide de canons à eau et de tirs de grenades lacrymogène mais en faisant preuve de retenue. Les policiers ont restreint cette fois l'usage de la force, tentant d'établir une discussion avec les manifestants. «Le couvre-feu est en vigueur et les manifestations sont interdites. On nous a signalé la présence de provocateurs et d'extrémistes. On essaye d'intervenir sans violences. On est en train de dialoguer, d'essayer de les convaincre de se disperser», a expliqué à l'AFP un officier de police sur les lieux.
Des rassemblements identiques ont aussi eu lieu dans la ville symbole de Sidi Bouzid (centre-ouest) et à Regueb, non loin. «On peut vivre avec seulement du pain et de l'eau, mais on ne peut plus vivre avec le RCD», scandaient les manifestants à Regueb.
Leur presse (Agence Faut Payer), 17 janvier.
Évasion des prisonniers après des événements sanglants dans certaines prisons
Un incendie s’est déclenché, ce samedi, dans la prison de Monastir, faisant plusieurs morts. Des sources médicales et syndicales de l’hôpital Labib Bourgiba ont fait état de 56 morts et 19 blessés, et la fuite de plusieurs prisonniers. Toutefois, le nombre des victimes risque de grimper vu la gravité des brûlures. Des prisonniers qui ont mis le feu aux matelas seraient à l’origine de cet incendie.
Des fugitifs de la prison de Mounastir ont attaqué la prison d’Almehdia. De violents affrontements ont alors eu lieu entre ces derniers et les forces de l’ordre faisant une vingtaine de morts et l’évasion d’une dizaine de prisonniers.
Hier, d’autres affrontements ont eu lieu aux alentours de la prison Akarib à Sfax. Aucune information n’a filtré sur cet incident.
Des évasions de prisonniers ont été signalées à Bourdja El Roumi, Mernaq, Almournaguia et à Kasserine.
Radio Kalima - Tunisie, 15 janvier.
Résistant aux pénuries et à l’insécurité
Les Tunisiens veulent assurer leur avenir démocratique
Une chaîne de solidarité s’est mise en place pour partager les provisions, en attendant une amélioration prévue pour le début de la semaine.
La carte postale est déchirée. La Révolution du jasmin est toujours en marche pour consolider les acquis et installer définitivement la Tunisie dans la démocratie. Hier, les gens se félicitaient dans la rue ; «mabrouk» était sur toutes les lèvres. Des hommes et des femmes qui, avant, ne se parlaient même pas de peur et de méfiance, se disent bonjour avec des sourires venus du fond du cœur. C’est la Tunisie nouvelle qui respire à pleins poumons l’air de la liberté que des générations entières n’ont pas connu. Les choses changent à grande vitesse et cela se voit. Les options politiques risquent de subir cette accélération des événements, mais l’élite qui a encadré le mouvement reste consciente et confiante en l’avenir démocratique.
Des femmes de l’Association tunisienne des femmes démocrates en parlent et tentent de prendre des initiatives. «Il faut transformer les comités de défense des quartiers en espaces de débat citoyen», propose Ahlem Belhadj, médecin et cheville ouvrière de l’association. Partout, les groupes de réflexion et d’action qui ont accompagné le mouvement redoublent d’efforts et de vigilance pour protéger l’avenir, qu’ils veulent démocratique.
Supermarché de la banlieue de Tunis, le 15 janvier
L’autre face de ces événements, marquée par un quotidien difficile, ne semble pas déranger outre mesure la population. Le week-end a été très long. Malgré les pénuries qui perturbent l’alimentation en eau potable, en pain et autres produits alimentaires, les Tunisois ne pleurnichent pas, loin de là. Une chaîne de solidarité s’est mise en place pour partager les provisions en attendant une amélioration attendue pour le début de semaine. Le gouvernement a appelé hier toutes les administrations à reprendre leur activité dès ce lundi, exception faite des établissements scolaires qui resteront encore fermés jusqu’à rétablissement total de l’ordre.
Les radios et les télévisions, qui se réveillent et basculent dans la liberté d’expression, passent en boucle des appels à destination des commerçants pour qu’ils rouvrent boutique. Ces mêmes médias ont animé des débats et gardé les antennes ouvertes aux interventions de personnalités et de citoyens sur la situation d’insécurité ou encore le futur politique immédiat. À l’unanimité, les intervenants rejettent certaines déclarations de dirigeants étrangers, notamment celles de Mouammar El Gueddafi ou encore de Barack Obama. «Nous ne voulons de leçon de personne», avançait un artiste présent sur le plateau, auquel rétorquait l’animatrice : «Nous forgerons notre destin de nos propres mains.»
L’enthousiasme est général. Les derniers touristes quittaient hier la Tunisie, embarquant dans un aéroport sale, pourvu d’un service minimum. Mais les Tunisiens ne voyaient rien et personne à part eux-mêmes, fiers et contents comme jamais de leur exploit et de lendemains qui chantent pour leur pays. Un peu avant 17 heures, la ville est redevenue fantomatique en dépit de la décision du gouvernement de repousser le couvre-feu d’une heure.
Les jeunes et leurs pères constituant les comités de défense sont revenus à leur poste dans les quartiers pour veiller au grain et assister l’armée dans sa mission de rétablissement de l’ordre. Le bruit des hélicoptères a repris dans le ciel de Tunis, en attendant demain.
Nouri Nesrouche - El Watan, 17 janvier.
Tunisie : une manifestation dispersée
L'armée tunisienne a dispersé aujourd'hui [16 janvier] sans violence à Regueb (centre ouest) une manifestation qui réclamait un vrai changement politique alors que des discussions sont en cours à Tunis en vue de la formation d'un gouvernement de transition, a rapporté un syndicaliste.
«Nous ne nous sommes pas révoltés pour la formation d'un gouvernement d'union avec une opposition de carton-pâte», ont scandé environ 1.500 manifestants dans les rues de cette localité de 8.000 habitants. «Pourparlers limités, démocratie boiteuse», affirmaient encore les slogans.
L'armée est intervenue pour interrompre la marche sans recourir à la violence, en vertu de l'état d'urgence décrété vendredi le jour de la chute de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali et qui interdit les rassemblements de plus de trois personnes. Les manifestants se sont ensuite dispersés par petits groupes. Certains ont trouvé refuge à la Maison de la culture de cette localité qui a connu de violentes manifestations durement réprimées par la police pendant la révolte populaire d'un mois ayant abouti à la chute du régime Ben Ali.
Cette manifestation a eu lieu alors qu'à Tunis, le premier ministre sortant, Mohammed Ghannouchi, qui reste en place, réunissait tous les partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, mais pas le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami qui est interdit ni les islamistes du Ennahdha de Rached Ghannouchi qui vit en exil à Londres. Cette réunion vise notamment à désigner les membres d'un comité qui sera chargé de former un gouvernement d'union nationale.
Leur presse (Agence Faut Payer), 16 janvier.
Tunisie : la révolution n’est pas finie
Après un mois d’insurrection populaire, le tyran est tombé. Ben Ali et sa clique ont pris le chemin de l’exil. C’est une immense victoire pour le peuple tunisien qui ne peut que réjouir toute personne éprise de liberté. C’est aussi un exemple et un grand espoir pour les peuples de la région qui vivent dans des régimes policiers.
Mais la révolution n’est pas finie, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) détient toujours le pouvoir : 152 sièges sur 189 au parlement, le président par interim Foued Mebazaa et le premier ministre Mohamed Ghannouchi sont des piliers de la dictature. Plus qu’un réel changement, les premières mesures prises dans l’urgence montrent surtout la volonté du pouvoir de calmer la rue. Il y aura des élections dans soixante jours mais selon les règles de l’actuelle constitution, taillée sur mesure pour le RCD. Les consultations pour la constitution d’un gouvernement d’union nationale ont commencé, mais c’est le RCD qui sélectionne les partis qui lui conviennent. Le but de la manoeuvre est clair : il s’agit de confisquer à la rue sa victoire en canalisant la révolte vers le terrain politicien. Le risque est grand que le parti au pouvoir co-opte une opposition servile et instaure une démocratie de façade une fois le souffle de la révolte retombé. On ne peut pas non plus écarter l’éventualité d’un nouveau dictateur ayant, comme Ben Ali, l’aval de l’Élysée et de la Maison Blanche.
Les Tunisiennnes et les Tunisiens sont conscients des écueils qui mettent en danger la liberté qu’ils viennent d’arracher au prix de dizaines de morts. Partout dans le pays, ils s’auto-organisent en comités d’auto-défense pour lutter contre les milices du clan Ben Ali-Trabelsi qui continuent de sévir. Ils ne sont pas dupes des manœuvres visant à maintenir le RCD au pouvoir. Bravant l’état d’urgence toujours en vigueur, le 16 janvier des manifestant-e-s sont à nouveau descendu-e-s dans la rue pour exiger un vrai changement, en criant : «Nous ne nous sommes pas révoltés pour la formation d’un gouvernement d’union avec une opposition de carton-pâte.»
La révolution n’est pas finie, car aucun des problèmes de fond n’est réglé : pauvreté, chômage de masse, corruption, clientélisme, inégalités, etc… Au-delà de l’instauration d’un régime démocratique, la question sociale reste au centre des préoccupations des Tunisien-ne-s. Les maux que connaît le pays ne pourrons être réglés que par une politique énergique de redistribution des richesses en rupture avec la dictature des marchés.
Alternative libertaire affirme son entière solidarité avec la lutte du peuple tunisien pour la liberté et la justice sociale et son soutien aux militants anticapitalistes tunisiens ; elle condamne l’attitude de l’État français et plus généralement de la classe politique française, de droite comme du PS, investie depuis toujours dans le soutien au pouvoir autoritaire de Ben Ali.
Alternative libertaire, 17 janvier.
Que vive la résistance populaire autonome en Tunisie !
Les délégués des syndicats de la CNT-AIT française réunis ce jour saluent le soulèvement populaire du 14 janvier 2011 en Tunisie.
L'action de la population tunisienne est un signal fort dans la lutte mondiale contre le capitalisme et l'État ; elle nous montre que la résistance autonome des exploités peut faire tomber les pires dictatures.
Nous souhaitons que cette lutte pour la justice sociale et l'émancipation puisse se développer, que les travailleurs et la jeunesse tunisienne puissent développer leurs propres moyens de décisions, malgré toutes les tentatives de récupérations et de divisions politiciennes ou religieuses qui risquent d'avoir lieu.
Seule la résistance autonome des exploités unis dans une perspective de lutte de classe pourra s'opposer victorieusement à la barbarie du système.
Vive le communisme libertaire !
Vive l'Association Internationale des Travailleurs !
Toulouse, le 15 janvier.
La Tunisie en proie à des affrontements armés
Tunis a été le théâtre, dimanche 16 janvier, de violents affrontements entre les forces régulières loyales au gouvernement de transition et des miliciens armés apparemment fidèles au président déchu Zine El-Abidine Ben Ali, qui a fui le pays vendredi. Les combats ont d'abord eu lieu dans le secteur du ministère de l'intérieur et auraient fait deux tués dans les rangs des miliciens. «Il y a eu deux snipers qui ont tiré depuis un bâtiment situé à proximité du ministère de l'intérieur. On les a abattus», a déclaré un sous-lieutenant de l'armée à la télévision publique, qui n'a pas fait état d'autres victimes. Dans cette zone, complètement désertée par la population, les tirs ont cessé à la tombée de la nuit.
Les affrontements se sont ensuite poursuivis aux abords du palais présidentiel, où l'armée a annoncé avoir donné, dans la soirée, l'assaut du palais présidentiel de Carthage, dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali. Des témoins vivant à proximité du palais, situé à plusieurs kilomètres du centre de Tunis, ont confirmé avoir entendu des tirs continus d'armes lourdes. Un large périmètre de sécurité a été établi autour du site. Une habitante de Carthage a ajouté voir au loin «au moins deux hélicoptères qui survolent le secteur de la présidence». Selon la télévision publique, des policiers se trouvant dans l'enceinte de l'école des Hautes études commerciales, près du palais présidentiel, ont appelé l'armée à les secourir, disant qu'ils étaient pris sous le feu.
Après l'annonce de cet assaut, les autorités tunisiennes n'ont plus communiqué sur le sujet, mais des témoins indiquaient que les combats baissaient peu à peu en intensité.
TIRS DEVANT LE SIÈGE D'UN PARTI D'OPPOSITION
Un peu plus tôt dans l'après-midi, des tirs avaient également été échangés devant le siège d'un parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP), à l'issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers, a indiqué un des responsables de cette formation.
Un semblant de normalité semblait pourtant revenu dans la matinée. Des badauds avaient recommencé à se promener sur l'avenue Bourguiba. Les autorités provisoires avaient annoncé un allègement du couvre-feu en invoquant une amélioration des conditions de sécurité. Surtout, les pillages et les exactions qui avaient marqué les premières heures de l'après-Ben Ali ont largement diminué pendant la nuit.
La situation s'est bruquement tendue en début d'après-midi. Les policiers sont alors devenus de plus en plus nerveux, contrôlant systématiquement les véhicules pour vérifier notamment s'il n'y avait pas d'armes à l'intérieur. Des rumeurs font état de taxis transportant des miliciens.
Quatre ressortissants allemands et d'autres étrangers en nombre indéterminé et apparemment munis d'armes ont été interpellés dans l'après-midi, à bord de taxis, a déclaré un policier à la télévision publique. Les chauffeurs de taxis qui les transportaient ont assuré que leur client disaient vouloir se rendre à la chasse, selon la police.
L'ANCIEN CHEF DE LA SÉCURITÉ DE BEN ALI ARRÊTÉ
Au sommet de l'État, une certaine confusion continuait également à régner, entretenue par des règlements de compte et des arrestations de proches de l'ancien président. L'un des anciens hommes forts du régime, l'ex-chef de la sécurité du président déchu, a notamment été arrêté dans la journée, à la demande de la justice tunisienne qui l'accuse des récentes exactions commises contre la population. «Le général Ali Sériati a été placé sous mandat de dépôt après la présentation des chefs d'inculpation qui pèsent sur lui», a indiqué à l'AFP une source au sein du nouveau gouvernement.
L'ancien homme clé de la sécurité du président a été interpellé à Ben Guerdane, dans le sud de la Tunisie, alors qu'il tentait de s'enfuir en Libye. Selon cette source, le général Sériati a été interpellé par des éléments de la police et de l'armée et ramené à Tunis. Auparavant, une source officielle citée par la télévision publique et l'agence officielle TAP avait indiqué le général Ali Sériati avait été formellement accusé d'être responsable des désordres récents dans la capitale et d'autres villes du pays.
Plusieurs témoignages ont attribué les pillages et exactions de ces derniers jours à des membres de l'appareil sécuritaire, liés à Zine El-Abidine Ben Ali, le président déchu, qui chercheraient à créer le chaos et la panique pour favoriser son retour. Le corps de la sécurité présidentielle avait la haute main sur les autres forces de sécurité et était particulièrement redouté par la population.
Dans le même temps, on apprenait l'arrestation d'un neveu de M. Ben Ali. Kaïs Ben Ali a été interpellé par l'armée à Msaken, dans le centre de la Tunisie, dans la nuit de samedi à dimanche, avec dix autres personnes qui «tiraient en tous sens» à bord de véhicules de police, selon des témoins. Vendredi, un autre neveu de l'ancien président, très présent dans les affaires, avait été poignardé à mort.
UN NOUVEAU GOUVERNEMENT LUNDI
Au Palais du gouvernement, le premier ministre, Mohammed Ghannouchi, a consulté dimanche des représentants des partis politiques et de la société civile pour amorcer le processus de transition. Dans la foulée, M. Ghannouchi a indiqué que la composition du nouveau gouvernement serait annoncée lundi. SelonMaya Jribi, secrétaire générale du Parti Démocratique progressiste (PDP, opposition légale la plus radicale en Tunisie), les partis auparavant proches du pouvoir en seront écartés. «Le nouveau gouvernement sera composé de représentants du mouvement Ettajdid (Renaissance), du PDP, du Front démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), ainsi que de personnalités indépendantes», a-t-elle précisé. Ces trois formations faisaient partie de l'opposition légale dans le pays.
«Les prochaines élections seront surveillées par un comité indépendant et des observateurs internationaux, pour des élections libres et transparentes», a souligné la dirigeante, qui a précisé que les trois partis avaient demandé une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques.
Tous les partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, sont appelés à rencontrer M. Ghannouchi, mais pas le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami qui est interdit ni les islamistes du Ennahdha de Rached Ghannouchi, qui vit en exil à Londres.
«Pourparlers limités, démocratie boiteuse», ont immédiatement réagi des manifestants à Regueb (centre-ouest), une localité qui a connu de violentes manifestations durement réprimées par la police. Environ 1500 manifestants y ont défilé dimanche matin pour réclamer un véritable changement. «Nous ne nous sommes pas révoltés pour la formation d'un gouvernement d'union avec une opposition de carton-pâte», ont-ils scandé avant d'être dispersés par l'armée qui n'a pas recouru à la violence. L'état d'urgence décrété dans le pays vendredi interdit les rassemblements de plus de trois personnes.
DES COMITÉS DE VIGILES POUR FAIRE FACE AUX RISQUES DE PILLAGES
Hormis les graves incidents survenus dans l'après-midi, l'agence de presse tunisienne TAP a fait état en début d'après-midi d'une amélioration de la sécurité avec un allègement du couvre-feu dans l'ensemble du pays.
L'armée est déployée à tous les endroits stratégiques de la capitale, notamment à l'aéroport international Carthage, devant la Banque de Tunisie et le siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) parti de l'ex-président Ben Ali. Des comités de vigilance, sortes de milices de quartier, avaient organisé des rondes pour décourager les pillards et les troupes fidèles au président déchu de semer le désordre. «On n'a pas peur : les hommes protègent nos quartiers des miliciens armés qui sont là pour terroriser. Je me sens en sécurité», a témoigné Mouna Ouerghi, 29 ans, professeur d'université.
Leur presse (Le Monde), 16 janvier.
La famille Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d'or
La famille du président déchu Zine El-Abidine Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d'or. C'est une supposition des services secrets français, qui essaient de comprendre comment s'est achevée la journée de vendredi 14 janvier, qui a vu le départ du président et de sa famille et la chute de son régime.
Selon des informations collectées à Tunis, Leïla Trabelsi, la femme du président, se serait rendue à la Banque de Tunisie chercher des lingots d'or. Le gouverneur aurait refusé. Mme Ben Ali aurait appelé son mari, qui aurait d'abord lui aussi refusé, puis cédé. Elle a ensuite pris un vol pour Dubaï, selon les informations françaises, avant de repartir pour Djeddah. «Il semblerait que la femme de Ben Ali soit partie avec de l'or», explique un haut responsable français. «1,5 tonnes d'or, cela fait 45 millions d'euros», traduit une source.
M. Ben Ali, lui, ne croyait pas sa chute aussi rapide. Pour preuve, selon Paris, il aurait enregistré une nouvelle allocution, qui n'a pas eu le temps d'être diffusée. Il n'aurait donc pas quitté le pays volontairement mais aurait été destitué. L'armée, et le chef d'état-major qui avait refusé de tirer sur la foule, ont, selon les services européens, joué un rôle de premier plan dans la destitution de M. Ben Ali.
INTERVENTION LIBYENNE
La manière dont il a pu quitter le pays n'est pas claire. Pour éviter une issue violente, plusieurs chancelleries européennes estiment que les services de sécurité libyens ont joué un rôle dans l'exfiltration de M. Ben Ali. Les propos de Mouammar Kadhafi — qui dit regretter l'issue de la crise tunisienne — tenus ce dimanche renforcent ce sentiment à Paris.
Le mode de départ de M. Ben Ali comporte lui aussi des incertitudes. Il semble s'être retrouvé dans l'espace aérien de Malte, sans plan de vol déterminé, attestant qu'il n'avait pas, à son départ précipité de Tunisie, de destination précise. Une source italienne indique que l'avion n'aurait pas reçu l'autorisation d'atterrir sur l'île. Selon une autre hypothèse, le président déchu aurait quitté Tunis en hélicoptère pour Malte, où il aurait récupéré son avion.
De leur côté, les Français ont voulu empêcher toute arrivée de M. Ben Ali en France. Selon une source ministérielle française, la Direction générale de l'avion civile a identifié un appareil ayant pour plan de vol Tunis-Paris. Les autorités françaises auraient alors exigé que cet avion atterrisse en Sardaigne. Vérification faite, il ne comportait pas de passager, en tout cas pas le président Ben Ali, qui atterrissait alors en Arabie Saoudite. Les membres de la famille de M. Ben Ali qui était arrivés en France sont repartis du Bourget samedi soir par un vol affrété par un proche du clan Ben Ali, en direction de Doha, au Qatar, indique Paris.
Leur presse (Arnaud Leparmentier,
Le Monde), 16 janvier.
The brutal truth about Tunisia
Bloodshed, tears, but no democracy. Bloody turmoil won’t necessarily presage the dawn of democracy.
The end of the age of dictators in the Arab world? Certainly they are shaking in their boots across the Middle East, the well-heeled sheiks and emirs, and the kings, including one very old one in Saudi Arabia and a young one in Jordan, and presidents — another very old one in Egypt and a young one in Syria — because Tunisia wasn't meant to happen. Food price riots in Algeria, too, and demonstrations against price increases in Amman. Not to mention scores more dead in Tunisia, whose own despot sought refuge in Riyadh — exactly the same city to which a man called Idi Amin once fled.
If it can happen in the holiday destination Tunisia, it can happen anywhere, can't it? It was feted by the West for its “stability” when Zine el-Abidine Ben Ali was in charge. The French and the Germans and the Brits, dare we mention this, always praised the dictator for being a “friend” of civilised Europe, keeping a firm hand on all those Islamists.
Tunisians won't forget this little history, even if we would like them to. The Arabs used to say that two-thirds of the entire Tunisian population — seven million out of 10 million, virtually the whole adult population — worked in one way or another for Mr Ben Ali's secret police. They must have been on the streets too, then, protesting at the man we loved until last week. But don't get too excited. Yes, Tunisian youths have used the internet to rally each other — in Algeria, too — and the demographic explosion of youth (born in the Eighties and Nineties with no jobs to go to after university) is on the streets. But the “unity” government is to be formed by Mohamed Ghannouchi, a satrap of Mr Ben Ali's for almost 20 years, a safe pair of hands who will have our interests — rather than his people's interests — at heart.
Robert Fisk - The Independant, 17 janvier.